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1 novembre 2008 6 01 /11 /novembre /2008 23:21

Ah, Lucien, on dirait que tu boites, on dirait que tu as bien du mal à avancer, que de prendre un pied et le mettre devant l'autre est une entreprise des plus délicates et des plus difficiles... Qu'est-ce donc qui t'arrives, mon ami l'âne... Et en plus, la chose se complique du fait que tu as quatre pieds...





 


Salut, Mârco Valdo M.I., dit l'âne claudicant comme un pénitent portant la croix. J'ai mal, en effet, mais mal à braire comme un âne. Ce qui m'arrive, je n'en sais rien du tout. C'est venu tout seul. Hier au soir, tout allait bien et ce matin... madonna, je ne pouvais presque plus bouger une patte et je ne te dis rien des trois autres. En plus, j'avais froid jusqu'à l'intérieur des os. Je tremblais comme une feuille dans les frondes secouées par le vent d'ouest ou du nord-ouest, je ne sais trop. En vérité, je ne savais plus trouver la force de me lever, je suis resté étendu sur ma litière bien une heure avant de pouvoir me mettre sur pieds. D'ailleurs, je ressens encore des frissons. J'en suis tout meurtri.


Mon pauvre Lucien, dit Mârco Valdo M.I., je crois bien que te voilà en proie à l'influenza. C'est certainement un virus qui t'a attaqué. Il te faudra sans doute quelques jours pour te remettre.


Quoi ? Que dis-tu ?, dit l'âne avec les yeux révulsés de stupeur. Un influx et quoi ? Attaqué par des Russes ? Qu'est-ce que tu me racontes ?


Je t'ai parlé de l'influenza et de virus. Pas de l'influx et de Russes... En fait, je voulais seulement signifier par là que tu étais dans un état fiévreux et que tu étais en proie à la grippe.


Je comprends de moins en moins, dit l'âne tout tremblant et bavant aux commissures des lèvres. Après l'afflux de Russes, tu me dis que je suis attaqué par l'État fiévreux... Il est où, celui-là ? Je me le demande, je n'en ai jamais entendu parlé. Est-ce un des Etazunis ? Je suis sa proie, il m'agrippe ??? Mais vraiment tu me racontes n'importe quoi... Moi, je crois tout simplement que je suis malade.


C'est bien ce que je te dis. Tu as la fièvre et la grippe. Il te faudrait te mettre au chaud, boire un bon verre de vin, avaler quelques aspirines et tranquillement roupiller jusqu'à ce que ça passe. Voilà tout.




 


En résumé, tu me dis d'aller me coucher..., dit l'âne tout secoué de frissons comme s'il était dans un autobus. Je crois bien que c'est ce que je vais faire... Mais je n'aurai même pas le courage de boire une bonne bouteille, ni même de manger quoi que ce soit... Mais quand même raconte-moi l'histoire que tu avais prévue pour notre rencontre. Je pense que ça me consolera de cette effroyable journée. Parle-moi du soleil et non pas du gros temps, le gros me dégoûte et me fait grincer des dents, ce ciel impur me met en rage, car le plus grand mal qui me fut donné sur terre, je le dois au mauvais temps, je le dois à Jupiter...


Allons, allons, Lucien, tu délires, poétiquement, mais tu délires. Ta mémoire s'emballe et tu racontes tout de travers. C'est la fièvre, vous dis-je, c'est la grippe... Cela dit, je vais te conter le conte que j'avais préparé pour toi. J'espère qu'il te plaira.


Oh, oui, s'il te plaît, Mârco Valdo M.I., mon ami. J'ai vraiment besoin d'un peu de poésie...

Justement, ce soir, ce sera très poétique et une histoire venue d'un pays de soleil ou en tout cas, réputé tel : la Sardaigne. Voici quelques pages sur la Sardaigne ; elles sont traduites en français ; ce qui est une œuvre considérable ou plus exactement, qui a pris beaucoup de temps. Énormément.

Oui, oui, la Sardaigne. Il y a beaucoup d'ânes en Sardaigne... J'y ai plein de cousins. Mais dis-moi d'abord de qui, de quoi...


Je ne me souviens plus, mon cher âne, si je t'avais déjà parlé d'Atzeni, de Sergio Atzeni.

Non, je ne crois pas. Enfin, je ne m'en souviens pas, dit Lucien l'âne en tanguant de plus belle.

Admettons que je ne t'en aie pas encore parlé. Alors, Sergio Atzeni est un auteur sarde, qui un jour de soleil s’est noyé dans une mer bleue à quelques dizaines de mètres de l’île. Peccato ! Il avait quarante-deux ans. Il a écrit beaucoup de choses, des fables pour enfants et des romans. De son métier, il était journaliste. Un bon journaliste et d'ailleurs, un excellent écrivain. Son destin est d'autant plus regrettable.


Oui, mais l'histoire... dit l'âne tout penaud.


L'histoire... C'est celle de la Sardaigne. Une histoire de fous comme l'indique le titre de ce livre d'où je la tire : Racontars fols. Évidemment, commencer Atzeni par les Racontars fols est périlleux. C’est comme si on commençait l’escalade d’un pic andin par le sommet. Directement. On manquerait d’oxygène ou le reste semblerait fade.


Oh ! Oh !, dit l'âne se souvenant de Bosse-de-Nage qui ne disait que Ah! Ah! Et la dernière fois, juste avant de mourir.


Oui, c'est un livre assez délirant, mais il est délirant par la faute des autres. Atzeni quant à lui, rassure-toi, raisonne très bien et fort agréablement. Il y met de l'ironie et de l'humour, et puis du style. Mais ne tardons plus, je te vois bien souffrant. Ainsi, je commence.





Fol racontar

sarde



Un certain jour dans la ville de Cagliari, entre 1773 et 1777, un vieux gentilhomme insulaire (un certain chevalier Pitzolo) a raconté une histoire macabre à un aumônier allemand, enrôlé (on ne sait pourquoi) dans les troupes de Savoie.


Le chevalier Pitzolo a raconté qu’un de ses serviteurs qui avait récolté à la campagne une herbe très semblable au persil, l’avait ramenée chez lui et ajoutée à la soupe de pois chiches qui bouillait sur le feu. Le serviteur avait mangé et digéré, avant qu’un accès de convulsions ne l’attaque et ne lui défigure la face dans un rire irrépressible et narquois, qui paraissait infernal et qui l’avait tué et enterré en trois jours. Le chevalier Pitzolo a dit que cette herbe s’appelait « herbe du rire sardonique », qu’elle pousse sur le lit des rivières et apporte toujours la mort.


L’aumônier militaire allemand enrôlé dans la troupe savoyarde s’appelait Joseph Fuos et il a rapporté l’histoire racontée par le chevalier Pitzolo dans un livre imprimé à Leipzig en l’an 1780. J’imagine que les Allemands qui l’ont lue n’en ont pas douté : dans les rivières de Sardaigne pousse l’herbe du rire sardonique, semblable au persil et mortelle.


Nous savons aujourd’hui que cette herbe n’a jamais existé, ni en Sardaigne ni ailleurs dans le monde, exception faite du seul Royaume de la Fable, notoirement habité d’herbes qui transforment les hommes en pierre, en crapaud, en chien errant ; d’herbes magiques, de pommes empoisonnées, de trésors enfouis. Dans les dernières décennies du dix-huitième siècle, les hommes cultivés de langue allemande connaissaient la différence entre le monde de la réalité et celui de la fable et des légendes ; celui qui aurait inventé une herbe du rire sardonique qui aurait poussé sur les bords du Rhin, aurait été confronté à des moqueries et des démentis publics ? En Sardaigne, cependant, c’était l’endroit : herbe du sourire sardonique, déserts suffocants, forêts vierges, hommes primitifs et cruels, rites de sorcellerie, spectres, fantômes.


Si l’herbe du rire sardonique n’a jamais poussé, quelqu’un l’a sûrement inventée ou a récolté de précédentes menteries pour les diffuser comme vérité. Le plus grand suspect est Joseph Fuos, aumônier militaire, belle trempe de faiseur de légendes et de mythes ; son livre a été traduit (et publié à Cagliari en 1899) par un certain Pasquale Gastaldi Millelire, avocat, qui a ressenti le besoin d’intervenir directement et d’annoter le texte avec des expressions du genre : « On n’a jamais entendu parler de çà en Sardaigne » ou « C’est une faribole » ou « C’est une erreur » ou encore « Une blague des plus énormes qui se soient jamais dites sur la Sardaigne » et, pour finir, « J’ignore d’où il a bien pu tirer cette affirmation, qui est totalement fausse ».


Il n’est pas impossible que l’historiette de l’herbe maudite fût inventée par Fuos, en manipulant d’obscures allusions et des vers de signification incertaine de Virgile, de Servio qui cite Salluste, et on ne sait combien d’autres collectionneurs de légendes de l’antiquité. Fuos était tranquille et sûr de son impunité : pour la quasi-totalité des Européens de ce temps, la Sardaigne était encore un pays inconnu, mal famé, soupçonné de descendance arabe, tout juste cité par Cicéron, Tacite, Silio Italico, comme grenier ou plus souvent comme lieu de malheur.


On ne peut exclure pourtant que l’inventeur (ou l’ordonnateur des matériaux antiques) de l’herbe du rire sardonique ait été ce chevalier Pitzolo auquel est attribuée la paternité du récit. Le gentilhomme insulaire aurait, entre autres, trompé l’Europe de langue allemande tout entière, dont Joseph Fuos aurait été, en ce cas, le modeste, mais typique représentant, disposé à croire vraie n’importe quelle faribole sardesque. Sur cette voie, pavée de conjectures aventureuses, on ne peut pourtant exclure que le chevalier Pitzolo eût de côté des histoires encore plus incroyables de palmiers portant des aubergines, de mouflons ailés, d’âmes immortelles condamnées à chanter dans le vol des corbeaux ; et il pourrait s’être retenu avec effroi de les raconter, en se rendant sans doute compte qu’un mensonge ultérieur aurait fini par le transformer lui-même, le chevalier Pitzolo vivant, en un Charon domestique et mineur ou en un prince grenouille. Ses mensonges et la crédulité absolue et stupide de son interlocuteur enlevaient la chair et le sang aux Sardes et les transformaient en fantômes, habitant la Sardaigne, aux confins du Royaume de Blanche-Neige.

Enfin, une dernière hypothèse est possible : que Joseph Fuos et le chevalier Pitzolo eussent été tous les deux de bonne foi et convaincus de l’existence de l’herbe du rire sardonique, semblable au persil et mortelle. Dans ce cas, une question reste cependant sans réponse : de quelle mort est vraiment mort le serviteur défiguré par les convulsions ?


C’étaient les dernières décennies du Dix-huitième siècle et les premières du siècle suivant. Il y a deux cents ans. Sur la scène de l’Europe se préparait le futur du genre humain : une révolution transformait les moyens de production, naissaient les machines et des machines et des villes émergeaient des classes sociales toutes neuves, compactes, inconnues, qui en moins d’un siècle auront brisé et fait disparaître le vieux monde. Idéologies et coutumes étaient secouées de perturbations profondes, qui englobaient des couches sociales nouvelles à la vieille noblesse. Certaines nations s’enorgueillissaient d’importantes victoires sur l’analphabétisme. Encore : la Révolution Française, la Terreur jacobine, Napoléon Bonaparte. Sur cette scène, la Sardaigne est une vision enfumée, lointaine, au second plan : Sant’Efisio apparaît sur les bastions pisans et chasse les Jacobins avec une épée de feu, l’herbe du rire sardonique moissonne des victimes innocentes, la malaria dépeuple les côtes et les plaines.

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31 octobre 2008 5 31 /10 /octobre /2008 00:02

Putain, dit l'âne Lucien en sautillant comme un moineau, je me demande bien ce qu'il peut foutre.... Il n'est pas du genre à faire poireauter ainsi un âne; voilà-t-il pas que je vais ici de long en large, que j'arpente ce chemin comme si je faisais le trottoir... Ah, le voici, le voici, le voilà... Oh, d'où viens-tu comme ça ? T'as fait quoi pour me laisser ainsi sous la pluie et dans ce froid... Moi, je me les gèle ici !


Allons, Lucien mon ami, ne t'excite pas ainsi. Calme-toi ! Tu vois bien que j'arrive. Je veux bien admettre qu'il fait froid, qu'il pleut, qu'il vente... Mais quand même, je suis là. Il t'arrive aussi d'être retardé...


Dans ce cas-là, tu râles aussi, Mârco Valdo M.I., je te ferai remarquer. Cela dit, je ne déteste pas le froid piquant, mais c'est ce foutu crachin qui me mouille partout et me gâte l'humeur. Et puis, comme tu sais, un âne c'est foutrement curieux et ça aime savoir, être mis au courant, qu'on lui raconte... Non pas les potins de la commère, ni même les aventures de la comète – enfin, tant qu'à faire, j'aimerais mieux... Non, ce qui m'intéresse ce sont des histoires qui ont du sens, des récits qui se tiennent... Si tu vois ce que je veux dire.


Évidemment, Lucien mon ami, je vois très bien de quoi tu causes. Et comme tu le sais, jusqu'à présent en tout cas, je t'ai toujours donné des récits qui ne t'ont pas trop déçu. Enfin, je l'espère.


Oui, pour ça, je dois dire que jusqu'à présent, je n'ai pas été déçu. Mais, mon cher Mârco Valdo M.I., je voudrais bien savoir ce que tu vas me raconter aujourd'hui et avoir quand même une petite explication sur ce que tu as fait, par ailleurs. Je crois deviner que ce n'est pas sans intérêt.


Commençons, si tu le veux bien, mon cher Lucien, par répondre à ta deuxième question qui – me semble-t-il est la première dans ta curiosité. Crois-moi, c'est tout simple et de fait, cela pourrait t'intéresser aussi bien que d'écouter mes récits. Comme tu le sais, depuis que je devise ici avec toi, j'ai – en parallèle en quelque sorte – entrepris de traduire des chansons italiennes, celles que j'appelle des canzones, ce qui m'évite de devoir répéter qu'elles sont italiennes d'origine. Je t'en ai déjà beaucoup entretenu.


Oui, oui. Je vois très bien de quoi il s'agit, mais je t'en prie, Mârco Valdo M.I., continue ton explication.


Donc, Lucien, tout âne que tu es, il ne t'aura pas échapper que ces canzones, je les envoyais au site de nos amis : Canzoni contro la guerra ou Antiwarsongs. Je le fais toujours encore et je n'ai pas l'intention de m'arrêter. J'avais recommandé ce site bien des fois à des amis. J'en ai – par exemple, Italiens ou Italiens d'origine ou d'ascendance italienne ou encore, très familiers de l'anglais, pour qui l'une ou l'autre version de ce site ne pose aucun problème. Il n'en va pas de même de mes amis de langue française, qui ne sont familiers ni de l'italien, ni de l'anglais... Pour eux, ces sites posent des difficultés de compréhension et donc d'utilisation qui les rebutent. Je trouvais la chose dommage et plutôt que d'ennuyer nos amis qui font fonctionner ce site merveilleux, je me suis dit que je ferais un blog qui ne reprendrait que les versions françaises d'un certain nombre de chansons italiennes – le but étant de faire connaître la chanson italienne, du moins celle d'une certaine qualité ou si tu veux, celle d'une certaine intelligence et porteuse d'une certaine vision du monde. Tu connais mon point de vue sur la guerre de cent mille ans et mon hostilité profonde à l'inanité. Soit dit en passant, avant que tu ne t'offusques, l'inanité n'est en rien la négation de l'âne.


Très drôle, en effet..., dit Lucien en tirant une langue longue comme sa longe. Cela dit, si je traduis ce que tu viens de m'annoncer, c'est que tu as créé un nouveau blog uniquement de chansons... pardon, de canzones.


Très exactement. Je l'ai d'ailleurs appelé : canzones et si tu veux le voir, tu te branches sur internet et tu cherches l'adresse : http://canzones.over-blog.com/

Arrivé là, il ne te reste plus qu'à lire. La particularité, c'est que c'est assez systématique et tu peux donc chercher par auteur ou sans doute aussi, par canzone. Logiquement, il doit y avoir la liste complète. Pour l'instant, certaines sont commentées, d'autres ne le sont pas. J'essaierai de le faire plus tard, mais il y a tant à faire... Pour l'instant, j'en ai mis une trentaine, mais j'en ajouterai régulièrement.


Ah bien, voilà qui me réjouis, car je ne connais nulle part un endroit où je pourrais trouver en langue française de façon un peu systématique la chanson italienne... Du moins, celle qui pourrait m'intéresser. Pas la chanson sirop... Pas la chanson bonbon... Celle qu'on suce, pleine de sucre synthétique... Pleine d'impudeur et de bruit...Pas celle dont la seule ambition est de faire du pognon ou de chercher la gloire; bref, pas la chanson poufiasse, la chanson putassière, pas la chanson pour télévision...


Je te comprends, mon ami Lucien. Léo Ferré parlait déjà de « l'honneur de ne paraître jamais à la télévision... ». Et d'ailleurs, tu vois comme les choses se mettent bien, je me disais que j'allais te proposer celle du jour; celle que je viens de terminer et qui m'a pris pas mal de temps... C'est elle qui m'a mis en retard, ce soir. Mais tu vas le voir, elle vaut le déplacement tant elle est extraordinaire de lucidité. Je crois d'ailleurs que la chanson – celle des canzones – est un instrument quasiment chirurgical d'analyse et de dissection de la société humaine. Je crois bien que cela tient au fait qu'elle doit, toutes proportions gardées, être courte. D'ailleurs, même l'opéra – dont on ne peut penser que ce soit une œuvre courte, même l'opéra souvent trouve sa lucidité dans des passages que les auditeurs retiennent. Mais laissons cela pour l'instant. Je parle de la canzone et de sa relative brièveté. De ce fait, elle est tenue plus que d'autres, à presser son trait. Elle a une parenté avec la nouvelle ou avec la chronique. Je te parlerai peut-être aussi un jour de la chronique qui est d'un art difficile, mais passionnant.


Oui, je te suis assez bien, Mârco Valdo M.I.. Mais cela ne me dit pas quelle est la canzone de ce jour, ni de qui elle est, ni de quoi elle parle.


Alors dans l'ordre, dit Mârco Valdo M.I., voici : elle s'intitule Fantoni Cesira, elle est de Francesco Guccini, elle date de 1973, je viens de la traduire et elle raconte l'histoire d'une jeune fille qui est attirée par le cinéma comme une éphémère par une lumière. Elle veut, comme tant d'autres, arriver à la gloire sur écran et pour ce faire, elle est prête à tout et se prête à tout. Elle suit un parcours parsemé de lits et comme dans un jeu de l'oie (ce que par parenthèse, elle est...), elle saute de lit en lit pour parvenir à ses fins.


Oui, je vois, dit l'âne, mais cela n'a rien de bien nouveau, ni d'extraordinaire.


Je te le concède. Ce qui est plus intéressant, c'est le côté prémonitoire de cette canzone. Je m'explique. Quand Guccini l'a écrite, elle décrivait un parcours classique de starlette. On était en 1973. Quand je la traduis en 2008, elle révèle le parcours obligé pour atteindre les sommets de l'État, dans des pays que la télévision hypnotise et je connais au moins deux pays où ce système fonctionne.


Lesquels, dit l'âne en souriant...


Je ne te le dirai pas, tu n'as qu'à réfléchir..., dit Mârco Valdo M.I. en souriant. Je te laisse découvrir le commentaire que j'en avais fait pour illustrer la traduction... Tu étais déjà présent. Enfin, je t'y avais mis... par anticipation.

Une dernière chose : habituellement, je mets des photos pour illustrer  le texte. Ici, cela me semble inutile... les journaux et les téléviseurs s'en chargent tout le temps.



.


Aux temps où Francesco Guccini écrivit et chanta l'histoire de Fantoni Cesira, c'était en 1973, la télévision était encore un service public et on n'arrivait pas aux sommets de l'État en passant par « là ». Ce qu'on appelle poliment en français, la promotion canapé existait certes, mais elle n'avait pas encore gangrené l'État et la société. On pourra faire remarquer qu'elle était déjà présente dans l'Empire romain; il est des traditions que tout Impero et tout Imperator remet invariablement au goût du jour; on pourrait même penser que c'est un signe qui les distingue entre tous.

Henry VIII changeait de femme et d'Église comme de chemise, Napoléon répudiait Joséphine, Evita succédait à Juan Manuel...


Cependant, Francesco Guccini en rapportant cette historiette de starlette ne se savait pas si prémonitoire; il n'avait pas entièrement perçu toute la portée de cette chanson. Il ne savait pas qu'au pays de l'image reine, le Sourire et les Tettes seraient les nouveaux signes du pouvoir.

Dès lors, Fantoni Cesira est une chanson éminemment politique; politique et critique.


Une petite paraphrase de Marco Valdo M.I., dont il sera le seul responsable, cela s'entend :


La morale de cette histoire du jour d'aujourd'hui est simple comme le pain

Au pays de l'argent, de la télévision et du pouvoir, il suffit d'être un peu putain.


On aurait pu intituler une version « up to date » de cette chanson : « La Fesse, le pouvoir et l'argent ».


Je me demande, dit l'âne, dans quel pays tout cela se passe... On dirait bien qu'il n'y en a pas qu'un...






FANTONI CESIRA



Chanson italienne – Fantoni Cesira – Francesco Guccini - 1973

Version française – Fantoni Cesira – Marco Valdo M.I. – 2008



Elle ... Elle s'appelait Fantoni Cesira, c'était la fille d'un alcoolique

Qui n'avait jamais un sou en poche et avait tout lâché pour le vin.

Travail et maison, fille et femme, qui ne pouvant s'accorder avec la boisson,

Car elle était abstinente, se tira une balle en 1953. Triste destin !


La pauvre jeune fille resta orpheline tandis que son père se saoulait.

Elle trouva du travail dans une usine et parfois au travail, elle rêvait.

Elle rêvait de yachts, de fourrures et d'habits, de villas et de piscines.

Dolce vita, beau monde, au cinéma comme les divas... Elle ne voulait plus d'usine !



Mais ce beau songe serait resté seulement un songe jamais réalisé,

quand au village, le jour de la fête du saint, un grand bal fut organisé.

Il y eut de la musique, des danses, des réjouissances, du spumante et des sons,

Puis à minuit, un jury choisi fit de Cesira Fantoni « miss Tétons ».




On lui ceignit la poitrine et les épaules de nœuds et de rubans de soie

sur lesquels était écrit en lettres d'or « vive les vaches laitières »

On lui offrit trente œillets et pour les voyages, un « nécessaire »

cinq flacons de shampoing et quatre billets de réduction pour le cinéma

Le soir même se présenta à Fantoni Cesira un monsieur assez distingué.

Il dit : « Vous permettez ? Je suis producteur. Votre visage m'attire, veuillez m'excuser...

Si vous le permettez, je vous accompagne; on gagne pas mal à faire du cinéma

mais ce soir-là, ce n'était certes pas au cinéma, que le producteur s'intéressa...


La brave fille consentit à perdre sa chasteté pour faire du cinéma,
mais ne perdit pas pour cela son courage; il lui restait Cinecittà !

Il laissa son fiancé, lâcha son travail, acheta un « topless » pour montrer ses seins,

elle fit placer son père à l'asile et s'en vint à Rome par le premier train.


Cesira fit cent antichambres et visita une dizaine de lits,

Certains soirs, elle fit le trottoir et même, se mit nue dans la Fontaine de Trevi.

Elle eut comme amants trois ou quatre nègres, deux secrétaires et trois cardinaux.

Un député qui la soutenait, lui fit faire un roman-photos.

La brave fille vivait bien, mais désormais elle ressentait l'appel de l'art,

pour avoir seulement un rôle dans un film, elle aurait donné n'importe quoi

Elle a étudié le bel canto, la régie, la diction, la mise en scène, tout le septième art,

Elle a couché avec trois producteurs et joué nue dans un film de Golia.


Elle a trouvé sa voie Fantoni Cesira, elle gagne des millions avec ses seins et son lit;

Elle se fait appeler Cesy Phantoni (avec ph) et veut devenir une « lady ».

Elle s'est rangée et est la maîtresse d'un producteur très influent

Il lui aura un prix « Strega » et avec elle, il produira trois ou quatre films par an.

Il est déjà marié, mais qu'importe ces bêtises quand on a du pognon,

Ils pourront faire des enfants; bientôt, à Mexico, ils se marieront.

La morale de cette histoire du jour d'aujourd'hui est simple comme le pain

pour avoir l'argent, la réputation et la gloire, il suffit d'être un peu putain.



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28 octobre 2008 2 28 /10 /octobre /2008 22:53

Ce matin, j'ai vu mon premier toit blanc...


Et moi, ma première prairie givrée, là bas le long des saules..., dit Lucien l'âne en se secouant rien qu'à l'idée de ses sabots bientôt gelés.


On dirait bien que c'est l'hiver qui commence à annoncer sa venue, dit Mârco Valdo M.I..


Il nous faudra sans doute trouver un coin abrité pour continuer nos lectures et nos conversations, dit l'âne Lucien


Ou alors, nous devrons nous résoudre à devenir des péripatéticiens, des déambulateurs et ainsi rester en mouvement, question de ne pas nous les geler. Ce sera en quelque sorte un retour aux sources de la philosophie...


Oh oui, dit Lucien en esquissant un pas traînant, je me souviens bien des allées-venues des philosophes de l'Antiquité, du temps où je commençais ma carrière de quadrupède. Ils allaient et venaient tout au long de la place et du jour, ils sillonnaient les allées du parc, ils remontaient la colline par un chemin entre les oliviers et la descendaient du côté des cyprès. Il y en avait même qui allaient d'un village à l'autre tout en devisant, ils longeaient la mer, ils ramassaient des cailloux, certains les mangeaient. Si, si, je te jure, il y en avait un surtout qui s'en était fait une spécialité. Pour le reste, ils étaient toujours dehors... Il faut dire que le temps s'y prêtait.




 


En effet, j'imagine mal nos philosophes marcheurs en robe et en sandales dans la neige, dit Mârco Valdo M.I.. Dans le brouillard épais de Dublin et environs, non plus ... Il faut être Sally Mara pour passer dans cette purée de poix sur une passerelle étroite; il est vrai qu'elle se tenait à la rampe d'un gentleman...


Quoi ?, dit l'âne. Dans la brume, dans le brouillard, traverser sur une passerelle dans l'obscurité de surcroît, pour une jeune fille inexpérimentée, c'est périlleux. Même en se tenant à la rampe. Enfin, il faut prendre les choses avec philosophie, dit la sagesse populaire. Ma grand-mère disait plutôt avec précaution.


Tout ceci, dit Mârco Valdo M.I., nous ramène à cette conception fort insulaire de la philosophie qui consiste la plupart du temps à deviser sur le temps qu'il fait, le temps qu'il fera, le temps qu'il a fait, le temps qu'il ferait et ainsi de suite.


Oui, dit l'âne en hennissant comme un cheval bourré, j'en ai connu un qui disait toujours à ce sujet : le temps est pluvieux, ça ne nous rajeunit pas. Faut dire qu'en même temps, il se frottait les reins, rapport à ses rhumatismes. D'ailleurs, il évitait de se promener près de l'étang. À propos de taons, avec ce temps qui refroidit, les taons disparaissent et ne me piquent plus. C'est une bonne raison d'aimer l'automne et l'hiver...



Oh, Lucien, on ne va pas quand même discuter du temps comme ça pendant cent ans. On s'y perd dans le temps, dit Mârco Valdo M.I.. Pour un peu, j'allais oublier pourquoi j'étais là et toutes mes belles promesses de te conter des histoires. Voilà, Lucien mon ami, que préfères-tu : une histoire nouvelle ou un épisode que je t'ai annoncé d'une histoire d'Achtung Banditen ! Cette fois-ci, c'est la suite de la trahison...


Oui, oui, Mârco Valdo M.I., dit l'âne un peu guilleret, je n'ai pas trop envie d'une nouvelle histoire et je me morfonds d'ailleurs du destin de nos amis de Rome. J'ai bien l'impression que leurs ennuis ne sont pas finis avec cette trahison... J'essaie de m'imaginer comment ils vivaient, comment ils arrivaient à supporter tout ça... Ce n'était pas le tout de faire des choses héroïques, il fallait vivre tous les jours et dans leur cas, en bêtes traquées. Et pendant des mois, des années et sans savoir pour combien de temps.... Ce devait être des temps difficiles...


Comme tu as raison, dit Mârco Valdo M.I., moi aussi, je me pose ce genre de questions. Sans compter ceux qui ceux qui se faisaient prendre, allaient en prison, étaient torturés, envoyés dans des camps ou étaient fusillés ou pendus....Il faut bien dire que nos temps sont moins difficiles. Je me dis parfois que ceux-là, ces Achtung Banditen !, ces terroristes étaient en fait, de véritables héros. Ce doit être le cas dans tous les pays occupés par des armées étrangères... Sans compter que l'oppression ne vient pas nécessairement ou entièrement de l'étranger, elle a des relais sur place. Généralement, le pouvoir en place. C'est particulièrement vrai quand on réfléchit dans le cadre de la guerre de cent mille ans, tu sais cette guerre que les riches et les puissants mènent contre les pauvres, ce qu'on pourrait appeler la guerre sociale. Dans cette guerre, l'armée qui opprime est forcément toujours celle des riches et des puissants. Les pauvres n'ont pas d'armée. Ils sont condamnés à la guérilla... Mais, voyons un peu ce que deviennent nos amis...


Oui, dit Lucien l'âne en approuvant d'un grand hochement de tête. Mais avant cela, je voudrais te dire deux ou trois choses. D'abord, celle-ci qu'il faut un fameux courage pour mener cette vie à l'encontre des forces du système en place, il y faut du cran et aussi, sans doute, renoncer à beaucoup de choses à commencer par la tranquillité, le confort, la sécurité... Il y faut une force d'âme, une conviction, un règle de vie, sans compter l'intelligence, l'habileté, le sang-froid et un sacré moral...


Certainement, dit Mârco Valdo M.I.. Il y faut de la rigueur, une confiance dans les autres, un sens aigu de la solidarité, une forme d'abnégation aussi... C'est un peu pour faire comprendre tout cela que j'ai voulu raconter ces histoires. On ne part pas en vacances dans ces circonstances et dans les seuls camps qui peuvent t'accueillir, l'alimentation est assez particulière et l'animation d'un genre plutôt spartiate. À condition d'en sortir vivant, on en garde des souvenirs pour le reste de sa vie. Des souvenirs et des séquelles.


Une autre, dit l'âne, et c'est la dernière pour cette fois-ci, une autre réflexion qui m'est venue, c'est que dans ce combat, pour nos amis, il n'y a pas d'arrières, ils sont toujours sur le front, car le front est partout. Non seulement cela, mais en plus, toute la population y est mêlée... Ce qui me frappe, ce sont les restrictions de ravitaillement, mais pas seulement. Des restrictions de déplacement, des restrictions de temps... J'imagine les rafles, quelle horreur ! Et elles frappent à l'aveugle; tu es là, tu es pris. Point final. Après, c'est le destin qui décide... On te relâche, on t'enferme, on te déporte, on te fusille, on te pend, on te noie.... Brrrrr ...


Alors, je commence, dit Mârco Valdo M.I.. Comme les précédentes fois, je reprends la fin de l'épisode précédent pour faire la liaison...




Selon notre plan, nous devions emmener avec nous de nombreuses armes à distribuer aux prisonniers auraient pu renforcer de cette façon le groupe nécessairement modeste des assaillants et contribuer au succès de notre action et à leur propre libération. Ce plan qui devait être exécuté avec les Gap du PSI et du Partito d'Azione fut toujours reporté et à la fin, il fut annulé.

À nous, il ne restait plus qu'à attendre d'être transférés en montagne.


(Suite au prochain épisode)


Ce fut à cette période que notre refuge de la via Sambucuccio d'Alando fut repéré par l'ennemi.

Nous y étions quatre : Carla, Corrado Noulian, Franco Di Lernia et moi.

J'ai déjà raconté cet épisode, en rapportant même la préoccupation grotesque fr Corrado Noulian, qui était ce soir-là avec nous, de sauver ses brosses à chaussures et sa brosse à dents.

Quoi qu'il en soit, nous réussîmes à nous sauver en nous jetant par la fenêtre.

À peine à terre, nous entrevîmes au coi de la rue une auto qui se dirigeait lentement vers nous. Nous nous éloignâmes dans le sen opposé, Carla et moi dans une direction, Corrado et Franco dans l'autre. Ils trouvèrent un refuge un bloc plus loin, dans la maison de la sœur de Franco. Moi, je pensais me diriger, avec Carla, vers la maison des marquis Solari, des amis de ma famille, qui habitaient dans le quartier de la place Quadrata.

Il faisait nuit noire. Nous devions traverser beaucoup de rues et de places pour rejoindre ce nouveau refuge et nos ennemis quadrillaient le quartier avec de nombreuses voitures pour nous chercher. Nous avions entendu des coups d'armes à feu provenant de la maison dans laquelle les Allemands étaient entrés en enfonçant la porte.

Immédiatement après, la chasse commença. Nous avancions en rasant les murs, Carla et moi, avec nos pistolets à la main. Par moments, surgies d'autres coins, certaines lentes, certaines rapides, des voitures se croisaient dans les rues où nous nous trouvions. Nous nous aplatissions contre les chambranles, serrés pour prendre le moins d'espace.

Les phares des autos ennemies fouillaient les recoins en se déplaçant en zig-zag afin de nous débusquer de l'ombre.

Glissant le long des murs, contre les portes, nous nous retrouvâmes dans l'allée de la Villa Massimo au moment où survenaient de deux directions opposées des véhicules ennemis. Nous nous plaquâmes contre les grands troncs, parfois étendus à terre, parfois accroupis, cherchant à nous confondre avec la zone d'ombre que les lames des phares laissaient par moment d'un côté, par moment de l'autre de l'avenue. L'un près de l'autre, l'arme au poing, nous changions souvent de position pour rester à couvert des lumières.

Le printemps qui s'avançait ne réussit pas, cette-là, à rompre l'écorce de tension qui nous enveloppait.

Peut-être les grillons chantaient-ils dans le parc autour de nous; certainement, n'y avait-il pas d'autre bruit, mais nous n'avions d'oreilles que pour les moteurs de l'ennemi qui s'approchait, s'approchait toujours plus, passait devant nous et puis s'éloignait. Une fois, deux fois, trois.

Je ne sais combien de temps passa ainsi. Quand je fus convaincu que l'ennemi avait cessé de nous chercher, nous bougeâmes et nous rejoignîmes la maison des Solari.

Je frappai. Le majordome vint nous ouvrir. « Qui êtes-vous ? », me demanda-t-il perplexe. Il ne m'avait pas reconnu.

« Bonsoir. Je suis Sasà, Sasà Bentivegna. » Je chercher à me remettre. Il me regarda stupéfait. Nous étions mal vêtus, Carla était déchaussée, sales de nous être si longtemps couchés à terre.

Arriva Maria-Antonietta, une des filles Solari; elle me reconnût, comprit immédiatement. La famille Solari était une famille d'antifascistes, organisés dans le Parti d' Action. Leur fils, Paolo, un jeune d'une rare intelligence et de grande culture, avait été arrêté par les fascistes dans les années précédentes.

Maria-Antonietta nous conduisit dans un salon où Madame Solari et ses filles étaient occupées à attendre que passe une autre triste soirée d'occupation. Elles écoutaient la radio. Elles ne nous demandèrent rien et affectueusement solidaires, avec une conversation générale, banale et détendue, elles nous rassérénèrent.

Elles nous donnèrent quelque chose à manger et à boire et s'organisèrent pour que nous restions cette nuit à dormir chez elles.

Le péril immédiat était désormais derrière nous, mais une autre grosse préoccupation me taraudait. Je savais, en effet, que le matin suivant, à 9 heures, Antonello Trombadori viendrait à la via Sambucuccio d'Alando pour nous indiquer notre nouvelle destination.

Notre refuge était devenu un piège pour Antonello, comme du reste, cela lui était arrivé en février déjà, quand il avait été arrêté à la via Giulia, dans la sainte barbe des GAP; et je ne savais comment faire pour empêcher que cette trappe ne se referme. Les règles conspiratrices étaient si rigides entre nous qu'il me serait certainement impossible de rencontrer Antonello avant qu'il ne se rende à note refuge, qui avait été occupé par l'ennemi quelques heures auparavant.

Je fus contraint d'en parler aux Solari. Antonello et Paolo avaient été en prison ensemble en 1941 et entre eux, il y avait une sorte d'amitié qui transcendait le rapport politique. Il était probable dès lors qu'ils pourraient m'indiquer comment le trouver. Lucia Solari surtout qui était l'amie de Fulvia Trozzi, la fiancée d'Antonello. Elle me donna l'adresse de Fulvia et le matin, à l'aube, je pus avertir Antonello.

Carla rétablit de son côté le contact avec Fiorentini et avec l'estafette qui, chaque jour, nous apportait nos ordres.


***********


Le jour suivant, nous fûmes envoyés dans de nouveaux refuges : Mario Fiorentini et moi chez un ingénieur à Parioli, lequel nous hébergea dans sa belle villa sans savoir qui nous étions. Carla, de son côté, fut envoyée chez une professeure qui avait été collègue d'université d'Antonio Gramsci.

Nous dormîmes dans cette confortable maison une paire de nuits et cela nous sembla un rêve. Massimo Aloisi, assistant en Pathologie générale à l'Université de Rome, était réfugié là aussi. Je fus heureux de cette rencontre. J'estimais et j'aimais Aloisi, dont je connaissais l'intégrité morale et la capacité scientifique outre le fait qu'il était communiste. Avant même de le connaître, j'en avais entendu parler par son maître, Guido Vernoni, qui dans son discours d'introduction de l'année 1941, nous avait lu des extraits des lettres que son élève, alors officier en service, avait envoyées du front. De celles-ci transparaissaient le haut degré de civilisation et l'humanité de ce jeune scientifique. L'orgueil du maître était bien placé, me semblait-il et nous en tirâmes une leçon morale. Aloisi avait été arrêté avant le 25 juillet et libéré quelques jours avant le 8 septembre. Je le rencontrai avec grande joie dans la maison qui nous hébergeait.? Le connaître personnellement fut pour moi un motif de satisfaction. Notre contact resta, pourtant, plutôt superficiel car les règles de la conspiration empêchaient tant lui que moi d'échanger nos expériences et nos idées. Au cours de la seconde nuit que nous passions là, nous étions endormis quand le maître de maison vînt nous avertir que la police arrivait. Mario et moi, nous empoignâmes nos révolvers, nous sortîmes en courant de la maison et nous nous éloignâmes à travers les jardins des villas voisines.

La police effectivement avait pénétré dans une maison et elle la perquisitionnait. Elle ne nous cherchait pas; ils cherchaient des voleurs qui avaient caché dans cette petite villa des bidons d'essence pour le marché noir? Le maître de maison, cependant, en nous voyant aussi décidés et prêts à user de nos armes et pas du tout intimidés ou apeurés par le danger qui semblait imminent, comprit que nous n'étions pas les jeunes déserteurs qu'on lui avait dit qu'il devrait cacher. Et il nous invita à déloger sur le champ. Ceci accéléra mon départ pour Palestrina.



**********


Raoul Falcioni fut arrêté par Guglielmo Blasi dans des conditions différentes de celles de Spartaco et des autres.

Raoul était un ami de Blasi et Blasi chercha d'abord à le convaincre de se comporter comme lui. Dans l'attente, toutefois, que Raoul se décide, il le fit mettre en prison avec nos autres camarades.

Raoul se concerta avec Spartaco; ils décidèrent qu'il suivrait la suggestion de Blasi avec cependant l'objectif d'éliminer Koch. Ce fut ainsi que Raoul passa en apparence au service de l'ennemi en réussissant à s'attirer la sympathie de Koch jusqu'à en devenir le chauffeur. L'accord intervenu en prison entre Raoul et Spartaco, n'était pas dans un premier temps parvenu au Commandement qui nous donna l'ordre de tirer à vue sur Raoul si nous le rencontrions, ainsi que nous aurions dû le faire contre Blasi.

Raoul entretemps chercha à rétablir le contact avec notre organisation par le biais de Fernandino Vitagliano, qui, avec Francesco Curelli et Maria Garelli. Était l'unique rescapé des Gap du réseau « Sozzi-Garibaldi ».

Fernandino, quand il vit Raoul s'approcher, mit immédiatement la main en poche. « Laisse ton pistolet, ne fais pas de sottises », lui dit Raoul. « je dois te parler ». « Ça va, mais ne t'approche pas et ne bouge pas. Parle. », lui répondit Fernando. Et Raoul parla. Il lui dit son accord avec Spartaco, comment il était devenu le chauffeur de Koch et son plan pour libérer la ville de ce bandit.

Fernandino resta perplexe et lui donna un rendez-vous pour le lendemain. Il consulta le Commandement et il fut décidé de faire confiance à Raoul et de préparer l'action.


(Suite au prochain épisode)





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27 octobre 2008 1 27 /10 /octobre /2008 22:05

Je me disais aussi... Où est-il passé, cet âne même pas bâté, ce stupide lâcheur, plus bête encore que le plâtre ou distrait comme un pâtre, à l'hôpital ou sur l'île de Pâques, sans doute un goût de vague à l'âme, bref, où est donc allé Mârco Valdo M.I. ?, dit Lucien l'âne en écartant ses pavillons lustrés de gouttelettes de la rosée du soir. À ce propos, dit l'âne à l'âme élégiaque et cinéphile, goûtons la saveur de la roseur de la rosée...


Ben voyons, Lucien mon bel ami, je suis là, dit Mârco Valdo M.I.. Sinon, tu ne parlerais même pas... À qui voudrais-tu causer et surtout, qui voudrait écouter tes âneries ? À part moi, sauf ton respect, je ne vois pas grand monde... Pas la peine de monter sur tes grands chevaux, je suis là et bien là, car je vais t'en conter une bien bonne. Courte, mais bien bonne. Et comme tu le sais, les plus courtes sont les meilleures. J'entends bien que ce n'est pas l'avis de toutes les personnes; certaines les aiment plus longues, mais en fait, ça les regarde, si j'ose ainsi dire. Enfin, puisque l'œil était dans la tombe et regardait Caïn, je ne vois pas pourquoi ça ne les regarderait pas. Si tu vois ce que je veux dire...


Par là, je ne vois rien, dit l'âne en se retournant. Je suis comme ma sœur âne, je ne vois rien venir; pas un chat à l'horizon. Trêve de plaisanteries, si tu me disais de quoi tu as comme ça l'intention de me parler, que vas- tu me faire voir, me raconter, que sais-je.


Souviens-toi, ô Lucien l'âne au grand cœur, que nous sommes lundi; ce qui signifie que hier, nous étions dimanche. Et que...


Le dimanche, c'est le jour des canzones et que dès lors, dit Lucien l'âne, mon cher ami Mârco Valdo M.I., tu me dois des canzones.


C'est ce que j'allais te proposer. Cependant, il me faut m'expliquer un peu, car il y a eu un changement de programme et pas plus tard qu'en début de soirée, au moment où j'allais me préparer à te rejoindre avec tout mon bataclan. J'avais préparé plusieurs canzones et je me réservais de t'en parler. Et même bien plus que ça, je voulais t'exposer tout ce que je comptais en faire... J'avais déjà préparé toute une explication et soudain....


Soudain, quoi ?, dit l'âne en se cabrant comme un cabri.


Soudain... Si tu ne m'interrompais pas, je ne perdrais pas le fil du récit, dit Mârco Valdo M.I.. Je reprends : soudain, patatras, voilà que, suivant ainsi une habitude ancienne, je jette un coup d'œil sur les journaux du soir et je découvre un article qui me met dans la position d'un setter irlandais devant un lièvre qui se sent découvert.


Je vois ça d'ici, dit l'âne en se tenant sur trois jambes avec l'antérieur gauche replié à l'horizontale et les oreilles toutes noires tendues vers l'arrière et la queue itou.


Exactement comme çà, tu as vraiment l'air idiot comme tu es là..., dit Mârco Valdo M.I. en éclatant de rire. J'étais donc intellectuellement, mentalement dans cette position ridicule et je me dis. Voilà une histoire extraordinaire qu'on risque fort de voir disparaître dans le néant de la presse, si l'on n'en fait pas une chanson. Sitôt, si tôt fait... Je jette quelques notes sur un bout de papier et je me mets à la tâche. Juste le temps de la faire et je retrouve devant moi, sur mon papier une chanson. Bien sûr, une de mes chansons sans musique. Vu le sujet, je l'envoie aux amis de Canzoni contro la guerra; pour voir ce qu'ils en pensent et quelques minutes plus tard, la voici sur leur site. Ils ont dû la trouver à leur goût.


Avec tout ça, mon ami Mârco Valdo M.I., je ne sais toujours pas de quoi il s'agit, dit l'âne dépité.


J'y viens, dit Mârco Valdo M.I.. J'y viens à l'instant. C'est une chanson de cuisine. Une chanson qui parle de cuisine, une chanson culinaire en quelque sorte. « Pas d'oie, sans armoise ! », disait le chef qui enseignait la cuisine à Günther Grass dans un camp d'internement du côté du Tyrol en 1945. Il est vrai que l'oie en question était purement théorique, vu que dans un tel camp, il n'y avait pas d'oie, ni d'ailleurs rien de ce qui put nourrir copieusement et encore moins, justifier d'une oie à un repas, dès lors festif. Le repas de l'oie fait la fête.


À propos de pas de l'oie, je ne te suis pas trop bien, dit l'âne. Le pas de l'oie, ce n'est pas mon truc, moi, vois-tu, Mârco Valdo M.I., je suis un âne et je marche l'amble.


Je ne t'ai pas parlé du pas de l'oie, dit Mârco Valdo M.I., mais tu vas voir, ce n'est quand même pas sans rapport. Donc, j'ai fait cette chanson que j'ai intitulée « La cuisine de la fin ». Maintenant, tais-toi et écoute bien. Je t'explique. Tout est parti d'un article du Monde – tu sais ce journal de Paris – qui parlait d'une émission de télévision destinée aux ménagères et qui s'intéresse à la cuisine. Bref, une émission culinaire et didactique. Avec des relents historico-culturels et même, tu vas le voir, hystérico-cultuels. L'idée de l'émission à venir – c'est de présenter à ces dames le plat préféré d'un homme célèbre. Bref, une émission des plus pipeules. Jusque là, c'est délirant, mais sans plus. Mais le chef en question a carrément décollé et s'est lancé en proposant le plat préféré d'Adolf Hitler. En l'occurrence, la « truite au beurre ». Pauvre bête ! Déjà que jeune fille, elle avait dû subir les avanies du piano... La voilà, soumise à la honte universelle...


Et tu as fait une chanson sur une pareille histoire??? Je n'en reviens pas, mon cher Mârco Valdo M.I.. Enfin...



Attends de voir la chanson..., dit Mârco Valdo M.I..


C'est précisément ce que je fais, dit l'âne en souriant de toutes ses dents blanches comme l'uniforme d'une infirmière de la Croix-Rouge suisse.


Allons-y, alors, dit Mârco Valdo M.I..


Ce 27 octobre 2008, dit Marco Valdo M.I., je lis dans le journal français Le Monde, l'article suivant intitulé :



Le mets préféré d'Hitler, un plat indigeste en Belgique



"Plat préféré" - en français dans le texte - a cessé d'être une sympathique émission de la chaîne publique flamande Canvas. Et son chef, le maître queue Jeroen Meus, 30 ans, aurait sans doute dû tourner sept fois sa cuiller dans sa recette du succès avant de présenter, dans une émission programmée pour le mardi 28 octobre, le plat favori... d'Adolf Hitler. A savoir, si cela intéresse vraiment quelqu'un, la truite sauce au beurre.

Le chef flamand s'était contenté, avant cette initiative douteuse, d'explorer les secrets du moules-frites de Jacques Brel ou la langouste à la catalane qui ravissait Salvador Dali. Décidé, selon ses dires, à explorer, cette fois, les richesses trop méconnues de la gastronomie bavaroise, il a, explique-t-il, estimé "avoir le droit de se demander ce que mangeait Adolf Hitler". Et le droit d'en rendre compte au cours de ce qui doit être, toujours d'après M. Meus, un "excellent festin" réalisé à Berchtesgaden (Allemagne).

A propos d'Hitler, le cuisinier note quand même qu'il s'agit d'un "homme atroce". Il ne s'émeut toutefois pas outre mesure d'être devenu une idole sur les sites néo-nazis qui pullulent sur Internet. "Dommage, mais ces gens aussi ont le droit de regarder l'émission. Chacun a le droit d'avoir un avis", s'est-il enferré. Le directeur de Canvas, Jan Stevens, ajoutant tout aussi maladroitement que le programme vise, non pas à "humaniser Hitler" mais à en avoir "une meilleure compréhension". M. Stevens a néanmoins présenté ses excuses anticipées à ceux que l'émission choquerait.

SÉANCE MACABRE

Parmi eux, il y a Francis De Coster, un ancien déporté qui a perdu son frère et son père à Buchenwald. M. De Coster, président de l'association belge des anciens prisonniers politiques, a conseillé au jeune cuistot de présenter plutôt le menu réservé aux détenus du camp de Breendonk,

d'où étaient déportés les opposants au nazisme. A savoir "trois tasses de café et 100 grammes de pain par jour". Hugo van Minnebruggen, animateur du site Internet verzet. org, consacré à la seconde guerre mondiale, a indiqué, quant à lui, que le plat favori d'Hitler n'était pas la truite au beurre mais "le partisan fraîchement abattu", "le juif battu à mort" ou "le nouveau-né tzigane fouetté".

Le magazine juif d'Anvers Joods Actueel, qui a révélé l'affaire a, quant à lui, déploré "la naïveté" d'une vedette de la télévision, incapable, selon lui, de mesurer la charge émotionnelle de son projet pour tous les survivants de l'époque nazie.

L'affaire tombe d'autant plus mal que la Flandre a été, au cours des dernières semaines, le théâtre de plusieurs concerts clandestins de Blood & Honour, un groupe de néo-nazis européens. Récemment, une séance d'hommage à Hitler dans un cimetière du Limbourg belge a vu apparaître un jeune néo-nazi affichant sa ressemblance avec Hitler, moustache, coiffure gominée et chemise brune comprises. Trois personnes ont été mises en examen à l'issue de cette séance macabre qui a, une fois encore, mis en évidence les liens entre ce groupuscule et des personnalités du Vlaams Belang, le parti xénophobe qui draine un tiers des voix à Anvers et un cinquième dans la Région flamande.

Jean-Pierre Stroobants

in Le Monde, 27 octobre 2008

 

 




En effet, se dit Marco Valdo M.I. ...

On doit avoir le droit de se demander ce que mangeait Hitler; démocratie oblige !

Après les grandioses funérailles de l' Haider, dignes en tous points des fastes de la Cacanie, ainsi que Musil appelait l'Autriche, après les sublimes obsèques qui ont tant apporté aux télévisions et tant fait pour humaniser l'Haider, la Hideur, pour le banaliser en vedette de l'écran, qui ont pipeulisé le nazifascisme, voici à présent, une émission plus intimiste, une émission de cuisine qui s'en vient « humaniser » Hitler. Comprendre le nazisme par la « truite au beurre » permettra de mieux l'apprécier; voici donc la propagande culinaire. Hitler aimait la truite au beurre, il ne devait pas être si mauvais que ça, penseront le pêcheur et la ménagère. Demandez à la truite...


Pour que cette énormité gastronomique ne se perde pas, faisons-en une chanson, se dit Marco Valdo M.I.









LA CUISINE DE LA FIN.



On a le droit de savoir

La Cuisine du terroir

Quel était le plat préféré d'Hitler ?

La truite au beurre

Haute gastronomie de la Bavière

Cuisine et terreur

Manger, manger et boire de la bière

A Dachau, en Bavière

près de Munich, berceau politique

Réunions de brasseries, fêtes de la bière

Gastronomie politique

Pour comprendre, pour humaniser Hitler

Que mangeait Goebbels, que mangeait Himmler ?

Que mangeaient-ils en entrée ?

Que mangeaient-ils au dessert ?

Émissions culinaires

et pédagogiques

Émissions populaires

et didactiques

La Force par la Joie,

l'Histoire par le Plat.

Pour comprendre, pour expliquer

Quel était le menu de Breendonck, d'Auschwitz, de Treblinka ?

Pour rappeler, pour ne jamais oublier

Quel était le plat préféré à Belzec, à Chelmno, à Pirna ?

Tout un univers culinaire oublié

Réduit à un plat de bouillie à l'eau

Pain de paille, pain gluant, pain noir

Menu santé : le pain, le rien et l'eau

Terreur, folie et désespoir

La cuisine de la faim

et tout au bout de la faim. La fin.


 


 


 



Mais, dit Lucien l'âne, j'ai droit à au moins deux canzones...


Bien entendu, je vais t'exaucer et je vais même te proposer une chanson qui touche un peu au même sujet. C'est une très belle chanson française, que peut-être tu as déjà entendue, mais qui me paraît d'une actualité des plus urgentes... à voir comment dérivent les vents sur ce continent... Je te laisse la découvrir....



On passe souvent à côté des choses extraordinaires, on oublie parfois de les signaler. Je me jette des cendres sur la tête, dit Marco Valdo M.I.

Mais enfin, quand même, l'Heider s'en envolé...

Oui, sans doute, mais il y a tous les autres...

Ma sœur Anne est évidemment une réminiscence de la vieille chanson française... Sœur Anne, ne vois-tu rien venir...

Louis Chédid a eu raison de la chanter au fantôme d'Anne Frank, de lui raconter le retour des autres fantômes avec leurs uniformes noirs et leurs runes... Les voilà qui reviennent déguisés en civils, mais pour combien de temps « en civilisés », si on les laisse faire.... Ils rôdent encore dans toute l'Europe. Ils recommencent leurs simagrées. Comment extirper la bête immonde du cœur des hommes ? Telle est la question sousjacente qui taraude ceux qui - Ora e sempre : Resistenza ! - sont restés vigilants. C'est l'Hydre en personne cette bête-là, ses têtes repoussent à une vitesse hallucinante.

Alors, la voici cette superbe chanson de Louis Chédid.

Peut-être la traduira-t-on... Elle en vaut la peine.

Marco Valdo M.I.



Ma sœur Anne

Paroles et Musique : Louis Chédid





Anne, ma sœur Anne,

Si je te disais ce que je vois venir,

Anne, ma sœur Anne,

J'arrive pas à y croire, c'est comme un cauchemar...

Sale cafard!



Anne, ma sœur Anne,

En écrivant ton journal du fond de ton placard,

Anne, ma sœur Anne,

Tu pensais qu'on n'oublierait jamais, mais...

Mauvaise mémoire!



Elle ressort de sa tanière, la nazi-nostalgie:

Croix gammée, bottes à clous, et toute la panoplie.

Elle a pignon sur rue, des adeptes, un parti...

La voilà revenue, l'historique hystérie!



Anne, ma sœur Anne,

Si je te disais ce que j'entends,

Anne, ma sœur Anne,

Les mêmes discours, les mêmes slogans,

Les mêmes aboiements!



Anne, ma sœur Anne,

J'aurais tant voulu te dire, petite fille martyre:

"Anne, ma sœur Anne,

Tu peux dormir tranquille, elle ne reviendra plus,

La vermine!"



Mais beaucoup d'indifférence, de patience malvenue

Pour ces anciens damnés, beaucoup de déjà-vu,

Beaucoup trop d'indulgence, trop de bonnes manières

Pour cette nazi-nostalgie qui ressort de sa tanière... comme hier!



Anne, ma sœur Anne,

Si je te disais c' que j' vois venir,

Anne, ma sœur Anne,

J'arrive pas à y croire, c'est comme un cauchemar...

Sale cafard!





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24 octobre 2008 5 24 /10 /octobre /2008 23:46

Mais évidemment, Lucien mon bon ami, dit Mârco Valdo M.I., je le comprends très bien que tout le monde n'a pas envie de lire tout le temps des textes à propos de Marco Camenisch. Je le comprends bien et d'ailleurs, tu vois qu'en tout cas, nous on parle souvent d'autre chose. Mais quand même, je ne te raconte pas ces histoires – toutes ces histoires et toutes ces chansons – uniquement pour meubler ton ennui...


C'est sûr, Mârco Valdo M.I., dit l'âne en raclant le sol avec son pied gauche, tout noir, si noir qu'on le confond aisément avec son pied droit qui est vraiment très noir. Cependant, laisse-moi te dire que tu y arrives très bien à meubler mon ennui. Enfin, pour un peu que j'aie de l'ennui, que j'en souffre, que je le ressente. Mais voilà, je ne connais pas l'ennui... J'aimerais bien, tu sais, mais je n'arrive pas à m'ennuyer. Qu'en est-il pour toi de cette sensation d'ennui ?


Je pense, Lucien mon ami, dit Mârco Valdo M.I., exactement comme toi. J'aimerais tant avoir du temps et la capacité de m'ennuyer, mais je n'y arrive pas. On dit, vois-tu Lucien, chez les humains, on dit que celui qui ne fait rien s'ennuie. Et bien, je fais des efforts extraordinaires et depuis des années pour ne rien faire, je fais tout pour arriver à l'ennui et je n'y arrive pas. J'ai abandonné toute velléité de travail pour y arriver et je n'y arrive pas. Crois-moi, Lucien, l'ennui est un objectif hors de ma portée. Par contre, ce que je peux très bien faire et là, je suis champion, c'est ne rien faire. Je veux dire ne rien faire qu'un autre puisse en tirer profit; bref, je refuse tout emploi, je refuse toute forme de travail stipendié. Note que j'accepterais volontiers d'apporter ma contribution à une œuvre véritablement collective et utile, une œuvre ou un travail qui profiterait à la collectivité et d'y apporter une coopération enthousiaste et sans faille... Même si j'ai un goût immodéré pour les siestes, pour le Dieu Sommeil, je sais aussi faire et de façon ordonnée, avec une obstination digne des ânes les plus têtus, avec une conscience profonde, y mettre du mien, comme on dit.


Oui, je te connais assez pour savoir tout cela, mon ami Mârco Valdo M.I.. Mais dis-moi, tu vas me parler de Marco Camenisch... et laisse-moi te dire que je suis très heureux d'entendre – par ta voix, bien sûr – son récit. Je ne comprends pas très bien où tu veux en venir avec mon supposé ennui qui n'existe pas ou l'idée de ce « tout le temps »... tes récits sont assez diversifiés, crois-moi, pour que je ne ressente pas l'histoire de Marco Camenisch comme pesante. Bien au contraire, comme je te l'ai dit, j'attends la suite avec intérêt, sympathie et un très fort sentiment de solidarité. Alors, que veux-tu dire ?


Ce que j'avais en tête, vois-tu, mon bon Lucien, c'est précisément cette idée que le récit de Marco Camenisch tel que je le présente en français est réduit par rapport à la version d'origine et celui qui a réduit, c'est moi. De même, je l'entremêle avec d'autres récits, notamment pour faire durer l'intérêt, pour parler plus longuement de Marco Camenisch car rappelle-toi, j'ai traduit ce livre (il est assez long) pour faire connaître le vilain destin que les États infligent aux gens comme lui. En somme, c'est une tâche de révélation de ce qui est caché, de diffusion de ce qui est tu, d'édition de ce que je ne peux éditer par les voies traditionnelles, c'est enfin vis-à-vis de Marco Camenisch et de tous les « achtung banditen ! », une marque de solidarité.


Très bien et alors, Mârco Valdo M.I. ?, dit l'âne en tournant deux fois sur lui-même pour marquer par ce rythme de danse, à sa manière, un mouvement de solidarité. Que vas-tu me raconter aujourd'hui, qu'as-tu retenu, car ainsi vont les choses, si j'ai bien compris, qu'as-tu retenu du récit de Marco Camenisch....?


Je vais essayer de te résumer tout ça, mon cher âne noir. J'ai d'abord retenu toutes une série de notations qui font une sorte de portrait pointilliste de ce qui passe par la tête de notre héros, quelles sont les pensées qui cheminent au long de ces jours, de ces semaines, de ces mois, de ces années d'enfermement dans la tête d'un prisonnier parmi tant d'autres. Ces pensées, à mon sens, sont chacune des unités de résistance, des bulles, comme il le dit. Je parlerais aussi de courants sousjacents, de courants souterrains, des écoulements de pensées qui vont tous se regroupant et former ce mental particulier et lui donner force et intelligence. Regarde comme il marque ses marques, comment il délimite son monde mental, la prise mentale qu'il a sur le monde. En fait, c'est un peu cela que je veux montrer... Cela et sa capacité à construire une résistance aux pressions énormes du système.... Te souviens-tu, par exemple, de ma réflexion où je disais que nous n'étions finalement rien, si ce n'est une sorte de grain de sable sur une plage immense – un sept milliardième et bientôt, un dix milliardième... Mais que nous étions aussi un. Et qu' un grain de sable peut, en effet, mettre à mal la plus terrifiante des machines ou grain de silicium, être le lieu où se construit la pensée... Une autre idée, sur laquelle je reviendrai un jour que j'aurai le temps, c'est qu'une bonne façon de penser est de considérer que chaque idée (appelons ça comme ça), émise par l'un ou l'autre, est en fait une idée émise à partir d'un point d'une sorte de cerveau commun. Bref, on pense ensemble et il faut commencer par accepter cette position d'être ou d'énoncer un élément de la pensée commune. Ainsi, je m'égare.


Non pas vraiment, dit l'âne. Je vois très nettement ce que tu veux me dire. Et pour le récit de Marco Camenisch, je le perçois tout à fait comme un élément d'une pensée commune.


Par exemple, j'aime beaucoup la réplique cinglante de Marco Camenisch que l'on accuse depuis toujours d'être un « terroriste ». Il dit : « Alors être appelé « terroriste » par vous est le plus grand honneur qu’on puisse me faire. ». J'aime beaucoup et je suis d'accord avec lui. C'est d'ailleurs le sens de l'honneur qu'il y a à être catalogué « Achtung Banditen ! » et sa revendication rappelle celle de Thyl Uylenspiegel et des Gueux qui s'étaient fait une gloire du nom insultant que le Pouvoir leur avait lancé à la tête. Par parenthèse, Günther Grass, tu sais cet immense écrivain allemand, vouait à Uylenspiegel une grande admiration et je crois bien qu'il avait parfaitement raison. Ceci dit être ainsi traité de Gueux ou de terroriste... C'est un peu comme si le Pape me traitait d'athée... ou de renégat ou d'impie ou d'incroyant ou m'excommuniait...




Christ enceinte


 


D'ailleurs, on m'a souvent traité de terroriste - alors que je ne terrorise personne, en réalité... Enfin, Lucien mon ami, ce que j'aime dans cette forme de récit, c'est, en fait, qu'on converse tout simplement et crois-moi, la conversation avec des gens qu'on considère – surtout quand elle est aussi subversive – est un des plaisirs de l'existence.


Moi aussi, j'aime beaucoup la conversation... dit l'âne en brinquebalant la tête. Si tu veux bien, laissons parler Marco Camenisch...


On y va, dit Mârco Valdo M.I..



Novara, 15 novembre 1996


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Dans les desseins de l’internationale de la répression, nous sommes seulement une minuscule partie du puzzle, vu que, au moins en Europe, il y a en cours de très nombreuses opérations contre les isolés et les groupes de la dissidence radicale. Si la glace que nous avons sous les pieds est fragile, la digue avec laquelle le pouvoir veut contrôler les eaux est elle aussi fragile et branlante. En superficie, on voit seulement les bulles, mais qui sait combien il y a de bulles en profondeur.


Novara, 4 décembre 1996


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Pour ce qui est de décembre, la seule date que je prends en considération est le 21, le solstice d’hiver. Nonobstant le fait que le clergé chrétien s’en soit approprié en le transformant en Noël (Natalité), cela reste pour moi une splendide fête païenne de la renaissance du monde.


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Novara, 13 mars 1997


Aujourd’hui avec l’apocalypse technologique en cours, il peut certes sembler difficile de ne pas s’abandonner au sentiment de défaite et au découragement. Mais nos propres parcours et nos propres contenus doivent vivre et agir même si on les sépare du reste au niveau personnel et de sa petite communauté immédiate, en gardant en tête l’adage coutumier que c’est seulement avec la reddition du dernier d’entre nous que tout sera véritablement perdu. Car la personne, l’individu est la brique de ce qui est plus vaste et plus généralisé. Certes, les bois ont été presque tous abattus, mais des graines ont survécu…


....



Novara, 21 avril 1997


Actuellement, j’ai beaucoup à faire avec un travail de solidarité en soutien à une lutte pour les terres et la survie d’une communauté mapuche : des éleveurs et des pasteurs indigènes de Patagonie. Ma contribution consiste à traduire et à diffuser des nouvelles et des informations pour sensibiliser les milieux du mouvement de langue allemande en Suisse et en Allemagne. Tout cela a impliqué différents journaux et divers camarades avec un engagement et des déclarations d’intention. Il s’agit d’un entrepreneur italo-suisse qui vit en Argentine et qui trempe jusqu’au cou dans l’abus des pâturages mapuches à des fins d’exploitation touristique dans un esprit « écologiste » néocolonialiste. Les habituels et très efficaces compagnons suisses sont occupés à un travail d’enquête sur l’aspect financier de cet entrepreneur. Pour ma part, c’est un bordel de traduire et résumer ces informations, mais ma satisfaction de le faire est d’autant plus grande que c’est un signe de la non (encore) inutilité du soussigné pour le monde extérieur à ce cercueil de ciment.


Novara, 26 juin 1997


Aujourd’hui, par surprise, je viens d’apprendre que je suis sous enquête, depuis des mois, pour substances stupéfiantes. J’ai immédiatement écrit au Juge des Enquêtes préliminaires en déclarant que, chez le soussigné ou chez ses parents et sa compagne qui me rend régulièrement visite, on n’a jamais trouvé la moindre petite parcelle de stupéfiants. Et ceci vaut pour les autres détenus avec lesquels je partage, ou j’ai partagé, mon incarcération. Aucun type de stupéfiant n’a jamais été trouvé dans ma cellule ou dans tout autre lieu que je fréquente. En conséquence, je ne comprends pas les motifs de cette enquête pour un délit de niveau infime, utile seulement pour le poids de la « lourde charge et des multiples devoirs différents » de l’Office du PM du tribunal de Novara.


....



Novara, 22 décembre 1997


J’ai enfin réussi à écrire ma lettre au Centro Valle, que j’avais projetée depuis longtemps et qui est maintenant faite et envoyée.

Comme d’habitude, l’horaire de cette fin d’hiver est prohibitif et festif ; c’est alors que la prison pèse le plus et fonctionne au ralenti, mais les obligations de socialité festives et collectives et même de travail augmentent. Et puis aussi, mes ennuis alimentaires, à cause des sucreries dont je me suis empiffré durant cette période.


....





Centro Valle, 11 janvier 1998.


JOURNALISTES OU FOLLICULAIRES ?


Mesdames , Messieurs,



Avant tout, je vous souhaite de bonnes fêtes et une bonne nouvelle année sous le signe et pour le progrès de la vérité, de la liberté, et de la justice sociale, et par conséquent, de la paix.

Je saisis l’occasion pour vous remercier de la publication, il y a un an, d’un manifeste solidaire de ma personne et de ma lutte dans les prisons contre les illégalités et les injustices qui y sont perpétrées et en outre, pour vos dire certaines choses relatives à l’articulet du 31 août 1997 sur mes mésaventures et ma personne, intitulé « Accostamenti… » (Rapprochements…), où vous avez réussi au-delà du possible à concentrer une série de mensonges implicites et explicites, de diffamations et de provocations contre le soussigné et plus encore contre la résistance historique et actuelle face à l’exploitation et la destruction de l’environnement et la vie sur notre planète.

Le chef d’œuvre dans ce chef d’œuvre de désinformation et de propagande plus ou moins subliminale, est sans aucun doute le sous-entendu, l’allusion contenue dans le titre et ses points de suspension où l’on veut ironiser et ridiculiser, pour exorciser le contenu subversif de la vérité, le rapprochement de ma petitesse avec un personnage comme le Che. Je suis d’accord que le rapprochement est impropre et d’autant moins audacieux que le soussigné n’est pas digne même de porter un verre d’eau à un personnage comme le Che… C’est un fait difficilement niable qu’un tel rapprochement est moins impropre et moins audacieux que celui, caché de façon générale et aussi dans votre article, du rapprochement du Che avec le consommisme et la publicité, pour des marchandises produites dans le soi-disant « tiers-monde » en exploitant malhonnêtement, entre autres, une main d’œuvre au salaire de famine, particulièrement la main d’œuvre forcée et mineure. Triple complicité dans le détournement : du cadavre du Che ; de la lutte qu’il représente, qui est exactement aussi la lutte contre ce qui – dans la publicité ou ailleurs – abuse de lui ; du soussigné, dont la lutte a sûrement et légitimement plus en commun avec celle du Che que vous ou ceux qui sont avec vous, même si vous vous évertuez à mentir. Dans sa lutte, le Che n’a rien sûrement rien de commun avec vous, fidèles folliculaires, et avec tous ceux qui sont avec vous, l'État policier planétaire, votre économie, votre politique et votre répression.

« Rocambolesque », une fuite au cours de laquelle serait mort « un » gardien ? A propos de « rapprochements » …

« Écoterroriste », en effet. Je suis le premier responsable de l’effet de serre, de la débâcle et des catastrophes hydrogéologiques, environnementales et sociales au-dessus de nos têtes, de la cimentification et de la destruction sauvage du monde. Comme le peuple kurde, le zapatiste, celui de l’île de Bougainville et tous les gens et les peuples qui s’opposent à leur propre destruction et à celle de leur environnement vital contre vos intérêts messieurs-mesdames et de vos maîtres. Cependant, vu que la moindre résistance authentique et radicale à vos intérêts et vos privilèges est désormais du « terrorisme », très bien ! Alors être appelé « terroriste » par vous est le plus grand honneur qu’on puisse me faire. Le soussigné ne « risque » pas l’extradition, mais elle est bureaucratiquement certaine puisqu’elle est concédée par l’Etat italien à l’Etat suisse.

Il est tout à fait vrai, par contre, que le soussigné a été condamné pour les morts de (enfin une…) d’un gardien de prison et d’un douanier suisses. Officiellement ! selon les services de l’Etat helvétique dans leur incritiquable et très objectif compte rendu annuel sur l’extrémisme en Suisse et selon vous et les autres plumitifs du régime.

Pour qui, comme vous et comme ceux de l’Etat de Droit, de la séparation des pouvoirs, de la démocratie et d’une justice authentique s’en fout complètement, à moins qu’ils ne servent pour défendre et légitimer et affirmer hypocritement leurs propres privilèges et leur propre pouvoir, c’est là un détail insignifiant le fait que jusqu’à présent, aucun tribunal de la fameuse « loi est égale pour tous » n’a daigné jusqu’à présent me juger et me condamner pour ces accusations. Mais c’est un détail négligeable.

Comme vous et ceux qui comme vous êtes certainement satisfaits de votre opportunisme réactionnaire, avez une satisfaction entière de votre réel pouvoir de condamnation, de justice, d’exploitation et de destruction dans le cadre de votre système de pouvoir de classe inquisitorial et arbitraire dont les tribunaux, avec leur complaisance et leur acharnement sur mon cas, seront les serviles appendices. Honneur aussi à votre omniscience, si vous réussissez sans ambages à affirmer que j’aurais été reconnu par un douanier abattu dans cet affrontement, on peut le supposer, d’un homme armé contre un autre homme armé. Si vous parlez même avec les morts, alors les voies de vos Seigneurs et de vos Dames sont vraiment infinies. A propos des serviteurs armés de votre régime morts : il me répugne qu’à chacune de leur mort, ces serviteurs tombés soient ultérieurement instrumentalisés, avec pillage et abus, pour réaffirmer par des mythes cyniques et des mensonges dénigrants la « monstruosité » et l’impossibilité de toute résistance réelle et de tout monde différent du vôtre, avec l’unique fin de la légitimation et de l’affirmation du monopole de votre violence contre toute contreviolence et toute autodéfense venant du bas contre vos délires d’omnipotence et de destruction venant du haut. Le premier pas vers la liberté, la justice sociale, la dignité, et par cela vers la paix authentique, adviendra exactement quand toute mort, tout deuil, toute vie, toute douleur et toute joie auront exactement le même respect, la même pitié, la même valeur, la même considération et la même dignité.

Salutations distinguées sans rancœur.


Marco Camenisch


Je suis depuis un mois à la tête de « Centro Valle » qui, je vous l’assure, n’est pas formé de plumitifs du régime. En relisant l’articulet rédigé par un ex-collaborateur, je n’y ai pas trouvé, cependant, d’attaques directes contre votre personne. J’ai néanmoins décidé de publier l’écrit d’un subversif invétéré comme vous en adéquation avec l’orientation du journal qui est d’assurer une place adéquate aux interventions de ses propres lecteurs.

(Elisabeth Del Curto)

....


(Suite au prochain épisode)

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22 octobre 2008 3 22 /10 /octobre /2008 23:43

Et bien Mârco Valdo M.I., tu m'as l'air un peu désabusé, on dirait que tu es fatigué ou que c'est encore une fois, un effet du raccourcissement des jours ?, dit Lucien l'âne en se dressant sur la pointe des sabots pour mieux se faire entendre.



Ne t'inquiète donc pas, Lucien mon très cher ami, je ne suis ni malade, ni trop fatigué, simplement j'avais la tête ailleurs. Je méditais, je songeais, je ne sais trop. D'ailleurs, tu m'as tiré comme d'un monde vide où je nageais dans une sorte de brouillard. Mais cela n'est rien, rassure-toi. C'est même plutôt bien d'être ainsi un peu rêvasseur. En fait, c'est tout simplement un moment où le grand brassage des faits, des idées, des événements, des bruits, des sensations, des sentiments s'opère et où en quelque sorte, la pensée s'élabore en toute liberté. Ce sont tout au contraire de très grands moments, très importants et crois-moi, plus c'est flou, plus c'est vague, plus on dirait qu'il ne se passe rien, plus c'est important.



Oh, oh, dit Lucien l'âne pour se différencier de Bosse-de-Nage le singe du docteur, qui ne sait dire que ah, ah. Excuse-moi de t'avoir troublé un pareil moment. Je suis vraiment confus. Si seulement, j'avais su...



C'est bien cela, dit Mârco Valdo M.I.. On ne sait jamais et d'ailleurs, à mon avis, on ne se pose pas la question. Je dois dire à ta décharge que je fais souvent comme toi. Véritablement, on ne peut pas savoir. Et puis, c'est sans doute aussi une bonne chose, sinon on s'abîmerait en soi. Mais une dernière réflexion sur la pensée, sur ce flux flou; à ma connaissance, personne n'est encore arrivé à vraiment saisir ce qui se passe dans ce magma. Je dirais que c'est à la fois, une mise en ordre, une mise en désordre, un bouleversement, une espèce de tentative désespérée de maîtriser le flux flou. Parfois, la lave jaillit à l'état pur et avant de se transformer en définitives scories, elle illumine. C'est le phénomène de création, ce moment poétique par excellence. Et quand je t'ai dit tout à l'heure que j'avais la tête ailleurs, c'était évidemment allégorique, mais il vaudrait mieux dire que l'on a la tête en dedans d'elle-même et la voilà comme un nuage partie à explorer le ciel devant elle. Je ne vais pas analyser ce processus magmatique. D'abord, car je n'en vois pas la façon...



Passons, passons, dit l'âne un peu plus éberlué encore qu'au début du débat. Je vois bien, Mârco Valdo M.I., que je t'ai sorti de tes profondeurs intimes, mais rappelle-toi que tu m'as promis la suite de cette histoire de trahison et je suis très curieux de connaître le sort de notre ami Paolo. Est-ce que cette bande de Koch va finir par l'attraper ? Enfin, dis-le moi...



Tu as raison, mon ami Lucien. Je vais te dire la suite à l'instant. Cependant, quelques commentaires me viennent à l'esprit, notamment en ce qui concerne ce joyeux luron de Guglielmo Blasi. Je ne sais si tu partageras mon point de vue, mais je trouve que c'est une fameuse crapule et que le tuer ne règlerait rien, surtout si on ne peut pas le trouver. Mais en plus, je crois qu'il vaudrait mieux le laisser boire le calice de la honte pendant très longtemps. Quoique, je ne sais pas finalement quelle aurait été réellement ma réaction. Je crois bien que si je l'avais trouvé sur mon chemin, ou si j'avais su où le trouver, je l'aurais soumis à une séance didactique définitive. Si tu vois ce que je veux dire. D'ailleurs, je crois que je t'ai déjà raconté ce qui est arrivé à ce traître qui avait – entre autres - dénoncé mon propre père et auquel on est allé expliquer qu'on n'appréciait pas trop ses manières. Après cette explication musclée et définitive, il n'a jamais plus dénoncé personne. Tu vois, c'est parfois difficile de formuler un avis, on dit une chose et en même temps, on en pense une autre. On se dit, on se contredit.


C'est bien ennuyeux çà, mon ami Mârco Valdo M.I.. Surtout quand on veux savoir ce que tu penses. M'est avis que tu penses trop et que tu donnes trop de liberté à ton troupeau d'idées sauvages. J'espère pour toi qu'elles sont d'une espèce migratrice ; comme ça, au moins, pendant une partie de l'année, elles s'en vont au loin.


Là, mon bon ami Lucien, tu te moques, tu me charries. Mais tu n'as pas tort, il faut parfois revenir sur le terrain. C'est précisément ce que je voulais faire en te parlant de ce que je vais te conter aujourd'hui. Mon deuxième commentaire serait pour dire que - je le tire de ton intérêt pour cette histoire – le genre du feuilleton n'est pas mort. Les journaux l'ont abandonné en croyant que ce qui se passait sur les écrans suffisait et avait condamné ce brave vieux feuilleton... Quelle erreur, tant qu'il y aura des ânes... Souviens-toi Lucien que toi-même tu es né d'un feuilleton, que Don Quichotte, Rossinante, Sancho, son âne, Dulcinée – la célèbre Dulcinée du Toboso (et non du Tabasco, comme je l'ai entendu dire... une dame piquante, je suppose, celle-là) sont nés pareillement, de même que Tristram Shandy (dont la naissance occupe quand même les sept cents pages du roman de Sterne), son oncle Toby et bien d'autres, comme les Mousquetaires, Rocambole, Fantômas, Sandokan, dont je parlais l'autre jour, Ulysse, Ménélas, Agamemnon et tous les héros d'Homère sans doute aussi. Un feuilleton oral, mais un feuilleton avant la lettre. D'ailleurs, je me demande s'il eût été possible de faire autrement. On ne peut garder en soi une histoire si longuement... Encore que certains romanciers ont ainsi fait... Voire, s'ils ne se la racontaient pas à eux-mêmes, pour l'essayer, comme Flaubert dans son gueuloir.





FRONTISPIECE







T  H  E


L   I   F   E


A  N  D


O P I N I O N S


O F


TRISTRAM SHANDY,

G E N T L E M A N.



Tarassei tous Anthropous ou ta Pragmata,
alla ta peri ton Pragmaton, Dogmata.

V O L. I.

THE THIRD EDITION.


L O N D O N :

Printed for R. and J. DODSLEY in Pall-Mall.
M.DCC.LX.





Ce que j'aime dans le feuilleton, mon ami Mârco Valdo M.I., dit l'âne, c'est la petite parenthèse finale : (Suite au prochain épisode). Vraiment, je l'adore. Mais quand même, cela ne doit pas t'empêcher de me dire la suite, précisément.



Alors, allons-y.... Comme d'habitude, je reprends un peu avant la fin du feuilleton précédent. Histoire de te remettre dans le bain. Blasi (cet ignoble individu) avait trahi et s'était ainsi tiré du mauvais pas qu'il avait accompli.







Guglielmo Blasi résolut de cette façon ses comptes avec la police fasciste et sa situation économique. Il participa aux vols de la bande Koch et empocha les primes de ceux d'entre nous qu'il réussit à prendre.

Il a continué sa carrière même après la libération de Rome, en suivant Koch et sa bande à Florence et à Milan. À la fin de la guerre, il fut arrêté et condamné à perpétuité.

Il sortit de prison après 15 ans et il retourna à Rome dans sa maison de la via del Leoncino. Il y a un certain temps, il rencontra un camarade Luigi Moro. Il osa le saluer. Luigi Moro, sous le pseudonyme de Nino, avait été le commandant des GAP de la zone VI et il avait été arrêté par Koch.

Par une étrange faiblesse, Guglielmo Blasi l'avait en sympathie; il l'avait dénoncé, mais il n'avait pas révélé que c'était le commandant d'une des zones des GAP et, bien qu'il n'ait pu obtenir qu'on lui épargne les tortures auxquelles se laissaient aller habituellement ses camarades et lui-même, il chercha à l'aider en lui donnant des nouvelles de sa famille, en lui portant de temps en temps un peu de nourriture.

Guglielmo Blasi rencontra donc Moro après sa sortie de prison et il l'arrêta en rue. Il l'appela même par le pseudonyme que Moro avait porté pendant la Résistance. « Nino », lui dit-il, « comment va ? » et face à l'évidente perplexité et à l'étonnement de Moro, il suggéra : « Tu ne me reconnais pas ? ». « Si, je te reconnais, mais il vaut mieux que tu ne te fasses pas voir par moi. »

« Mais j'ai été brave avec toi », osa affirmer Guglielmo Blasi .

Il était vieux désormais et maladif. Moro n'eut pas le courage de lui répondre comme il le méritait. Il lui dit seulement : « Va-t-en. La prochaine fois que tu me rencontres, dégage. Tu es trop mal en point pour que j'aie envie de te donner la leçon que tu mérites, mais ne te fais plus voir par moi car une autre fois, ça pourrait être différent. »

Un jour, après son arrestation Spartaco qui avait déjà subi des violences et des tortures au cours de nombreux interrogatoires fut emmené dans le bureau de Koch. Devant lui, Koch compta un million et le remit, en se faisant donner le reçu administratif régulier, à celui qui l'avait arrêté. Il s'agissait d'un gros débours; un million de cette époque valait plus de cent millions d'aujourd'hui. Cela fut fait avec la méticulosité régulière des opérations administratives, surtout quand il s'agissait d'aussi grosses sommes : timbres, signatures, reçus.

Koch – haut, maigre, élégant, avec ses cheveux bien peignés – affable souriait vers ses collaborateurs, mais aussi en direction de Spartaco. Il chercha à engager une conversation, puis subitement, il lui dit : « Tu vois, Spartaco, nous payons bien qui nous sert. Voici un million pour toi aussi. Dis-nous où est Paolo. »

Spartaco lui répondit en lui crachant à la figure.


La tentative de faire parler mes camarades se fracassa contre leur courage et leur capacité à surmonter les tortures les plus inhumaines.
Spartaco fut massacré de coups. Je le revis après la Libération; il avait encore le visage tuméfié, les yeux écrasés, réduits à une fente au travers de laquelle palpitait la lumière de ses pupilles, les membres, surtout aux articulations gonflés et douloureux.

Raoul Falcioni et Duilio Grigioni eurent aussi un traitement particulièrement féroce.

Duilio était le vieux portier dans la cantine duquel nous avions trouvé refuge. Nous lui avions confié le secret de la vie de chacun de nous. Il était le seul à connaître, pour nombre d'entre nous, le nom et l'adresse; c'est à lui que nous avions remis les lettres que nous avions préparées pour nos familles, si, dans le cours d'une action, nous étions tombés et que nos mères auraient été contraintes à ne plus nous voir.

Nous étions persuadés que sa situation était plus tranquille que la nôtre et de plus, ,nous pensions que sa généreuse trempe de vieil homme du peuple, d'ancien anarchiste, résisterait à toute torture. Seuls Duilio et Spartaco auraient pu nous trahir et ils furent ceux qui subirent les pires tortures.

Duilio fut étendu à terre, bras et jambes écartelés, liés avec des cordes et tirés de sorte à ce que tout mouvement lui fut impossible. Les fascistes de Koch, du haut d'une table lui sautaient à pieds joints avec leurs bottines à clous sur l'abdomen et sur le thorax. Il eut les côtés fracturées. Ils le frappèrent à coups de pied sur ses fractures.

Quand il s'évanouissait, ils lui jetaient un seau d'eau au visage et ils recommençaient à l'interroger, à lui donner des coups de pied, sans lui laisser de répit, pendant des heures et des heures. « Où est Paolo ? Où est Elena ? Qui est Paolo ? Où se trouve Paolo ? » . Il ne dit pas un mot.

De la via Romagna, nos camarades furent transférés à la via Tasso. Les interrogatoires et les tortures reprirent. Les Allemands voulaient tous les GAP pour organiser un procès retentissant. Ils revoulaient Cola, à côté de Spartaco sur le banc des accusés et ils voulaient aussi Paolo, Elena et Giovanni. Mes camarades ne parlèrent pas. Ils ne dirent rien et les Allemands n'eurent aucun élément qui pu les mettre sur la bonne voie. Vu l'inutilité de toute pression et de toute torture, ils condamnèrent à mort leurs victimes. Spartaco et Raoul devaient être fusillés le 4 juin, à l'aube.

Mais le 4 juin, les Alliés arrivèrent à Rome. Alors, les Allemands chargèrent nos camarades sur un camion pour qu'avec d'autres prisonniers placés sur un autre camion, ils fussent conduits à la Storta et assassinés. Spartaco et les autres, à l'aube du 4 juin, montèrent sur ce véhicule pour ce voyage qui devait être l'ultime. Puis, contre toute attente, le camion qui suivait immédiatement le leur et qui était occupé par une escorte nazie, fut saboté. Alors, les ennemis, qui étaient trop pressés de s'en aller, remirent leurs prisonniers dans les cellules de la via Tasso et prirent, pour repartir, le camion qui était, de ce fait, devenu disponible. Ce banal incident sauva la vie de nos camarades.

La capacité de nos camarades à un si long temps face aux tortures – capacité, du reste égale à celle de centaines de combattants romains comme Labo, Marchesi, Gesmundo, Mattei, Maurizio Giglio – fut incroyable. Je pense qu'il est beaucoup moins dur de mourir que d'affronter une telle épreuve.

Aucun homme, selon moi, n'est en mesure de garantir une résistance absolue à ces méthodes d'interrogatoire. Seul celui qui y est passé et qui a réussi à ne pas céder peut avoir la certitude d'en avoir été capable.

Un an après la Libération, ma sœur a épousé un de mes camarades et collègue, Faustino Durante, dont les Allemands avaient fusillé en mai 1944, deux frères : Marco et Bruno. Les frères Durante, élevés et guidés à la lutte par leur père Antonio, un instituteur antifasciste qui avait toujours maintenu une opposition ferme au régime, dirigeaient une organisation partisane dans la haute vallée du Liri.

Un de leurs hommes pris par les Allemands parla. Faustino et son père réussirent à échapper à la rafle des Allemands; Mario et Bruno, au contraire, avec les autres, furent torturés et tués à Tagliocozzo.

Quelques temps après leur mort, Faustino rencontra le partisan qui avait indiqué aux Allemands leurs noms et leurs positions. Il lui courut après et celui-ci ne s'enfuit pas. Il l'aborda en hurlant, l'attrapa par les bras et il ne se défendit pas. « Tu as raison », lui dit-il, et il pleurait. « Mais d'abord, laisse-moi te raconter. Ils m'ont pris, ils m'ont lié sur une chaise, ils m'ont tenu éveillé - sans manger, sans boire, et, debout derrière moi, ils m'ont frappé sur la tête avec une tablette, pendant deux jours. Puis, j'ai parlé. Je suis une charogne, mais je n'aurais pas pu faire autrement. Tu as le droit de me tuer. »

« Va-t-en! », lui dit seulement Faustino.



La chute des Gap posa un grave problème au Commandement, qui perdait ainsi l'instrument le plus décisif de son action militaire.

Entretemps, Antonello Trombadori, qui avait avec d'autres prisonniers partisans échappé à l'appel pour le massacre des Fosse Ardeatine, puis transféré de la prison de Regina Coeli aux travaux forcés sur le front d'Anzio, avait réussi à s'évader et était revenu à la lutte. Avec Valentino Gerratana, il s'employa immédiatement à la reconstruction des GAP (Groupes d'action patriotiques) qui puissent recueillir et développer notre héritage, en utilisant les camarades qui s'étaient distingués dans les GAS (Groupes d'action étudiants) et dans les Gap de zones. Maurizio Ferrara, Luciano Vella, Alfredo Reichlin, Gastone Mazzoni, Giovannella et Lucy Ribet, Leoni, et d'autes camarades renouèrent les fils de l'organisation centrale des GAP et reprirent l'activité militaire d'avant-garde en ville.

Nous, les rescapés de l'organisation primitive, nous restâmes quelques jours à Rome en attente d'être transférés dans les zones de montagne où opéraient les brigades partisanes.

Par l'entremise de Mario Fiorentini, nous parvint l'ordre catégorique de ne pas sortir de nos refuges jusqu'au jour où serait décidé notre départ pour différentes zones de la guérilla de montagne.

Ce fut un ordre que nous ne respectâmes pas complètement. Nous étions profondément perturbés par cette période de lutte? La faim, les difficultés, la rage contre l'ennemi et contre la trahison, la douleur que nous éprouvions à la pesée de nos camarades qui allaient être fusillés étaient tous des motifs valables pour nous pousser à la désobéissance. Il nous fut impossible de séparer par une cloison notre vie de notre passé récent.

Nous n'étions pas habitués, comme tant d'autres, à rester enfermés chez nous en attente de temps meilleures. Après quelques minutes, les pièces devenaient des prisons et nous sentions l'exigence de sortir dans les rues de notre vielle pour nous sentir encore participer à cette atmosphère, à cette lutte à laquelle nous ne voulions pas renoncer. Nous avions le sentiment de ne pas pouvoir renoncer à deux objectifs surtout : punir Blasi et libérer nos camarades. Nous tournions dans les rues de Rome, affamés et mal vêtus, avec nos pistolets en poche, avec nos mains serrées sur nos pistolets sans sécurité, prêts à faire feu. Nous nos sentions pourchassés, dans une tension qui exaltait la spontanéité de nos sens et des nos réflexes et rendait notre choix plus lucide et plus conscient.




La chasse que nous donnâmes à Guglielmo Blasi resta infructueuse, même si nous battions les quartiers qu'il parcourait pour nous donner la chasse. C'était une idiotie et nous donnions à ce fait une valeur qu'il n'avait certainement pas.

Il se servait des taxis réquisitionnés par les commandements allemands et fascistes et qui avaient été mis à disposition des différentes bandes de police. Chaque taxi que nous voyions de loin ou qui passait à côté de nous à l'improviste, devenait pour nous une probable occasion de combat. Nos muscles tendus, attentifs à l'extrême, nos mains serrées sur la crosse de nos pistolets qui en un éclair auraient tiré, pendant des heures, pendant des jours, nous patrouillâmes dans la ville.

Nous échafaudions les plans les plus incroyables – que le commandement repoussait régulièrement – pour assaillir les lieux où étaient enfermés nos camarades.

Pendant des jours, Mario Fiorentini, Lucia et moi, nous avons passé au crible la via Tasso et les rues limitrophes pour élaborer un plan qui nous aurait permis l'assaut à la prison nazie. Nous nous étions procuré les clés des immeubles qui se trouvaient devant la prison de la via Tasso et dont les terrasses dominaient la prison. Nous avions pensé à lancer de ces terrasses sur la rue et sur l'édifice des grenades, de tailles diverses. Tout de suite après, deux groupes de partisans, postés aux coins des rues, auraient dû s'élancer contre l'ennemi en tentant de pénétrer dans l'édifice et délibérer les détenus qui y étaient enfermés.

Selon notre plan, nous devions emmener avec nous de nombreuses armes à distribuer aux prisonniers auraient pu renforcer de cette façon le groupe nécessairement modeste des assaillants et contribuer au succès de notre action et à leur propre libération. Ce plan qui devait être exécuté avec les Gap du PSI et du Partito d'Azione fut toujours reporté et à la fin, il fut annulé.
À nous, il ne restait plus qu'à attendre d'être transférés en montagne.


(Suite au prochain épisode)




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22 octobre 2008 3 22 /10 /octobre /2008 00:21

M'est avis, mon cher Lucien, que ces jours de plus en plus courts te tapent sur la cafetière. En tout cas, moi, ils me fatiguent bien plus que les longues journées de l'été quand on a la lumière jusque presque minuit et que le jour se lève vers les quatre heures, si pas plus tôt. Ces jours-là, je tiens éveillé comme pour rien. Je suis plein d'ardeur, toujours actif et si je fais quand même une sieste dans l'après-midi, c'est précisément en raison de cet éveil prolongé.


C'est exactement pareil pour moi, Mârco Valdo M.I., dit l'âne en s'étirant et en mettant les oreilles à l'horizontale. Tout à fait pareil pour moi; l'été aux longs jours, je gambade, je batifole, je m'active, je suis souvent en grande joie. Mais à présent, avec ces jours trop courts, j'ai du mal à finir ma journée. Et pire encore, j'ai bien du mal aussi à la commencer. Parfois, je m'endormirais sur place et à n'importe quel moment de la journée. Et dire que ce n'est que le début...


Ne dramatise pas trop vite, Lucien. Ne dramatise pas trop vite, mon ami. On finit par s'habituer. Moi, par exemple, je m'accoutume très bien d'une petite trêve de repos dans la matinée et d'une sieste dans le début de l'après-midi. En fait, je m'entraîne pour la nuit. Et de ce fait, je me sens aussi très bien d'aller coucher plus tôt et de me lever plus tard. Le sommeil est une chose bien curieuse. D'abord, comme tu le vois, il est très élastique et je dirais même, qu'il est malléable. Il s'adapte même assez volontiers à de longues périodes d'activité – ce qui pour lui consiste bien évidemment à ne rien faire d'autre que dormir. Mais d'abord, dormir est une activité essentielle. À ne pas confondre avec se reposer. Ce sont là deux choses très différentes. Elles se recoupent parfois, mais pas toujours. On peut très bien se reposer sans pour cela dormir; on peut aussi dormir, sans pour cela se reposer. Crois-moi, pour un bon sommeil, pour dormir de façon correcte, efficiente, efficace, j'irais jusqu'à dire rentable, bénéfique, quoi... il faut y mettre du talent, car dormir, à partir d'un certain niveau, c'est tout un art. Sans doute négligé de nos jours, sans doute même, quelque peu méprisé par des ignorants ou des malades, mais c'est un art et un grand art. Souviens-toi de Virgile et de son Tytire... Le sommeil, le dormir, comprends-moi, est un des plus grands biens de l'homme et pour cela, il doit être pratiqué avec art.


Attends un peu, Mârco Valdo M.I.. Laisse-moi te suivre sur tes chemins qui ne mènent pas à Rome et si je te suis bien, je crains de comprendre que tu fais l'apologie des sommes et des sommes multiples de surcroît. N'as-tu pas entendu parler de cette crise terrible qui frappe l'humanité et qui laisse pantois plus d'un gouvernement, plus d'un puissant devenu impuissant d'un jour au lendemain. N'as-tu pas entendu que l'espèce serait en danger et que pour redresser sa barre, il lui faudra redoubler d'activités... En somme, il va falloir un mettre un coup...


J'entends, comme toi, mon bon Lucien, d'ici leur chanson : Debout les gars, réveillez-vous, il va falloir en mettre un coup, debout les gars réveillez-vous on part au bout du monde... Chanson de boy-scout et autres patronages... Chanson aux relents militaires... Bref, moi, je leur réponds en être humain conscient de son humanité et de la nécessité et de l'art et du sommeil, que s'ils veulent aller au bout du monde, ben qu'ils y aillent, mais que moi, je me recouche. Comprends-moi, Lucien mon ami, je les ai vus s'agiter comme des damnés depuis que je suis né – et sans doute était-ce déjà pareil avant ma naissance. Je les ai vu creuser leur trou avec des gestes et des cris de forcenés, pousser des hans, hans, pester, hurler, courir du matin au soir, s'agiter avant même de servir, édifier ainsi une bulle tellement gigantesque qu'elle s'en est allée au loin en les laissant le cul par terre et tout endoloris. Crois-moi ou d'ailleurs, ne me crois pas, si tu le veux, ça ne changera rien à mon propos que voici : il y a des années, peut-être quinze ou vingt ans, un jeune homme de mes amis, qui avait fait le plein d'études dans les pseudo-sciences économiques, s'en fut nanti de ses diplômes et de sa déraison travailler dans une de ces grandes banques qui manipulent des sommes astronomiques. Il m'en entretint. Il fit bien, d'ailleurs, car je lui dis à ce moment déjà que tout cela ne reposait sur rien et que tout cela n'était qu'une énorme bulle qui s'en irait dans les nuages. Bref, que tout cela n'était que du vent. Un de ces vents mauvais qui nous emportera. Enfin, qui en emportera certains, ses sectateurs, ceux qui l'auront créé de leurs essoufflements.

Et alors ?, dit l'âne Lucien un peu perplexe tout en hérissant sa crinière noire comme la boue du charbonnage, que déduis-tu de cette estimable péroraison ?









Et bien, pour en revenir à leur trou, tu sais, celui qu'ils ont creusé avec tant de gesticulations, celui dont ils attendaient tant de merveilles, et bien, ce trou, ils viennent de tomber dedans. C'était assez prévisible, ils l'avaient fait si grand, leur trou, qu'il n'y avait plus assez de place pour qu'ils puissent échapper à leur destin. Oh, Lucien, je vais te faire une confidence, ils m'ont eu un temps, ils m'ont eu en partie seulement, mais ils m'ont quand même fait courir; pas loin, pas longtemps et pas autant qu'ils l'auraient voulu, mais quand même. Juste le temps que je comprenne tout, où ils m'avaient fourré, ce qu'ils voulaient me faire faire – imagine : travailler et que je trouve une échappatoire. C'est ainsi que je suis venu te rejoindre... Mais, je peux l'avouer à présent, j'ai toujours fait la sieste. À l'école déjà, les professeurs devaient me réveiller pendant la classe... Et l'hiver, nous les hommes, et je pense, vous les ânes aussi, nous sommes comme les ours et les loirs... L'hiver, nous nous confondons dans les jours et les soirs... Il nous faut hiberner; il nous faut ralentir plus encore, et plus encore, nous activer dans l'art du sommeil.


Mais finalement, Mârco Valdo M.I., dis-moi, dit l'âne un peu décontenancé, te souviens-tu du pourquoi ? Du pourquoi tu me racontes toute cette histoire à propos d'ours, de trous, de loirs, de jours, de soirs et d'art... car, je te l'avoue, moi, je suis perdu... Je ne sais vraiment plus de quoi on cause, ni d'où l'on vient, ni encore moins, où l'on va... je finirai même par demander qui je suis...


Ohlala, mon cher Lucien, tu es bien un âne de ne plus te retrouver toi-même. Je vais t'aider par une phrase, que dis-je une pensée, appelons-la une pensée, donc, une pensée de mon ami André Isaac qui disait : « Je suis moi, je viens de chez moi et je retourne chez moi ». Et pour ce qui concerne le pourquoi, il est tout simple : les jours raccourcissent, les nuits s'allongent et du coup, on a bien moins d'entrain, plus d'envie de sommeil... Je te disais très exactement, je me cite : « M'est avis, mon cher Lucien, que ces jours de plus en plus courts te tapent sur la cafetière. En tout cas, moi, ils me fatiguent bien plus que les longues journées de l'été quand on a la lumière jusque presque minuit et que le jour se lève vers les quatre heures, si pas plus tôt. Ces jours-là, je tiens éveillé comme pour rien... » J'arrête là, mais tu te retrouves maintenant dans notre conversation. Crois-moi, il faut pratiquer l'art du somme...


Ah oui, je me souviens maintenant, mon cher ami Mârco Valdo M.I., même que tu avais continué en disant : « Je suis plein d'ardeur, toujours actif et si je fais quand même une sieste dans l'après-midi, c'est précisément en raison de cet éveil prolongé. » et que je t'avais répondu : « C'est exactement pareil pour moi, Mârco Valdo M.I.. Tout à fait pareil pour moi; l'été aux longs jours, je gambade, je batifole, je m'active, je suis souvent en grande joie. Mais à présent, avec ces jours trop courts, j'ai du mal à finir ma journée. Et pire encore, j'ai bien du mal aussi à la commencer. Parfois, je m'endormirais sur place et à n'importe quel moment de la journée. Et dire que ce n'est que le début... » Oui, oui, je me souviens. Mais tout ça ne me dis pas de quoi tu vas me causer aujourd'hui., car tu n'es pas venu sans chanson ou sans histoire quand même...


Bien sûr que non, dit Mârco Valdo M.I., que pensais-tu là. Lucien, tu le sais, on est suffisamment amis pour que tu aies confiance en moi, alors...


Alors, oui, dit Lucien, c'est comme tu le dis, mais histoire ou chanson ?









Histoire et de l'Achtung Banditen ! Encore bien. La suite. La suite, c'est-à-dire la trahison de Guglielmo Blasi et ses suites.



Vers la fin avril, les GAP centraux du Parti communiste tombèrent aux mains de l'ennemi. La grande majorité d'entre nous, y compris Spartaco, fut arrêtée en raison de la trahison de Guglielmo Blasi.

D'autres – Franco Ferri, Pasquale Balsamo, Ernesto Borghesi, Marisa Musu – avaient déjà été arrêtés suite à une confrontation armée avec la police fasciste qui était intervenue pour prévenir une de leurs actions.

La chance voulut, pour eux, que leur action fut interprétée par les policiers qui les avaient arrêtés comme une tentative de vol à main armée et que le commissaire auquel avait été confiée l'enquête fut en liaison avec le front clandestin et membre actif de la Résistance.

Toutefois quand un jour plus tard, le reste des Gap fut trahi par Guglielmo Blasi, leur situation se fit extrêmement précaire et seule la force de la résistance, qui s'exerçait même à l'intérieur de la police fasciste, réussit à les sauver.

Bien différent fut le sort de Spartaco et des autres camarades qui furent capturés suite à la trahison de Guglielmo Blasi.

Celui-ci était un petit artisan qui habitait dans une ruelle de la Suburra où il avait une famille nombreuse et très pauvre; il avait l'habitude de résoudre ses problèmes personnels par le vol et l'escroquerie.

Les Gap étaient choisis avec des critères hautement sélectifs. Chacun de nous avait été évalué soigneusement tant sur le plan personnel que sur le plan familial et social. Les doutes et les incertitudes, dans ce type de lutte, prenaient souvent, dans le chef des hommes, des tournures dramatiques. J'ai déjà raconté, effectivement, au travers de quelles incertitudes et de quels doutes pesants j'avais réussi à gagner la confiance de mes dirigeants.

Cette sélection avait été exercée à l'égard de tous es membres des Gap. Pour cela, nous ne réussîmes jamais à comprendre par quelles mailles de ce filet de contrôle, Guglielmo Blasi avait réussi à passer pour s'infiltrer parmi nous.

De fait, dans les premiers mois de la lutte antifasciste, quand il travaillait encore à la zone VI, il avait donné de bonnes preuves de soi. Évidemment, cette capacité et une sorte de courage bravache qu'il montrait parfois, avaient atténué la vigilance à l'égard de certains de ses comportements douteux. Mais on ne sut seulement qu'après que Guglielmo Blasi avait écopé dans sa jeunesse d'une grave condamnation pour des faits de droit commun.

Aussi, les premiers temps de son activité dans les Gap avaient été marqués par une certaine vivacité qui l'avait valorisé auprès du commandement. De sorte que quand, plutôt précocement, il commença à donner des signes de fatigue et même de peur, ceux-ci furent attribués à un épuisement provoqué par les dures conditions dans lesquelles nous menions notre guerre, aggravées par ses conditions familiales.

En effet, il avait de nombreux enfants, dont un en bas âge, et sa situation économique était franchement désastreuse. À l'évidence, cette condition pesa de manière déterminante sur son moral et le poussa à recourir à des moyens qu'il avait déjà utilisés dans le passé. Une nuit, durant el couvre-feu, il s'apprêtait à dévaliser un commerce. Il faut arrêté et trouvé en possession d'un pistolet et de documents allemands qui par la suite, se révélèrent faux.

Nombre d'entre nous étaient porteurs de documents semblables qui devaient servir à nous tirer d'embarras face à un éventuel contrôle sommaire au cours des rafles d'hommes de la part des Allemands ou en cas de rencontre fortuite avec un poste de garde fixe ou mobile. Il était clair cependant que face à une enquête de police, ces documents se révéleraient ce qu'ils étaient : des papiers fabriqués par les faussaires de nos ateliers.

Nous sûmes immédiatement, par sa femme, que Guglielmo Blasi avait été arrêté, mais nous pensions que c'était pour des motifs politiques. Nous prenions, chaque fois, des précautions opportunes, naturelles, chaque fois que quelqu'un tombait aux mains de l'ennemi et nous déplacions nos rendez-vous à de nouveaux endroits en demandant en outre aux camarades dont il connaissait le nom ou le refuge de trouver un nouveau logement.

Guglielmo Blasi, par contre, accusé de vol avec effraction durant les heures du couvre-feu, de port d'arme abusif et de possession de documents allemands falsifiés, eut peur et s'effondra tout de suite. Il savait que les circonstances dans lesquelles il avait été arrêté impliquaient la peine de mort selon la loi martiale allemande et, d'autre part, il se sentait condamné par la Résistance qui n'aurait certainement pas levé le petit doigt pour le sauver dès qu'elle aurait connu les causes de son arrestation; elle l'aurait même durement rejeté en lui refusant toute manifestation de solidarité, même à l'intérieur de la prison.

Son infamie et sa bassesse morale n'eurent pas de limites; en effet, fans la matinée qui suivit son arrestation, il demanda et obtint une entrevue avec Caruso, ce questeur fasciste de Rome, un des plus actifs persécuteurs des partisans et responsable d'avoir fourni aux Allemands plus de 50 antifascistes italiens pour atteindre le nombre de ceux qui devaient être assassinés aux Ardeatine. C'est pour ce crime que Caruso fut fusillé après la libération de Rome.

En quelques heures, Guglielmo Blasi avait trouvé le moyen de sauver sa peau en vendant ses camarades de lutte.

Il fut conduit immédiatement devant Caruso? Il lui raconta qu'il faisait partie des Gap et, pour lui donner la preuve qu'il disait vrai, il expliqua même les préparatifs que menaient les Gap ces jours-là pour justement liquider le questeur, en lui précisant ses horaires et ses parcours, comme il nous apparaissaient à nous qui les contrôlions pour mettre au point notre action : le restaurant où il mangeait, le chemin qu'il prenait, l'escorte qui le suivait, l'adresse de son habitation qu'il tenait secrète.

Il le mit au courant de l'organisation des Gap, des modalités de leur action, des noms qu'il connaissait, des pseudonymes, des caractéristiques de chacun de nous qui pouvaient servir à la police fasciste pour nous identifier. Il raconta dans les détails comment s'étaient déroulées nos diverses actions et en particulier, celle de la via Rasella, dont la mécanique n'avait pas encore été reconstruite par l'ennemi. En fait, les Allemands et les fascistes n'avaient pas compris que la tolite avait été placée dans le chariot et ils pensaient que l'explosion était due à une bombe lancée d'une fenêtre du palazzo Tittoni ou directement par un coup de mortier tiré des jardins du Quirinale.

Enfin, il se mit à la disposition des fascistes pour les accompagner afin d'arrêter les camarades dont il connaissait l'adresse et pour circuler dans les rues de Rome afin d'identifier ceux dont il ne connaissait pas le nom ni l'adresse.

Caruso le confia à Koch, un officier italien qui avait organisé une des nombreuses bandes de police et auquel fut réservé, après la libération, le même sort qu'à Caruso : la fusillade.

Koch commandait une bande d'ex-criminels, dont certains s'étaient infiltrés dans les rangs de la Résistance, et d'ex-partisans traîtres qui se montraient les plus féroces contre nous. Guglielmo Blasi trouva sa place naturelle dans ce milieu et de la base de la bande Koch, située dans la pension Jaccarino, via Romagna, deux jours à peine après son arrestation, il fut en mesure de mener à bien sa nouvelle tâche.

Sa chute fut – contrairement à toute prévision – tellement rapide que les mesures de vigilance n'avaient pas encore été prises par tous les camarades des Gap. En particulier, Raoul Falcioni, qui était dur este un ami personnel de Guglielmo Blasi depuis de nombreuses années et qui aurait juré de son honnêteté et de sa capacité de résister aux tortures, n'avait pas encore abandonné son habitation. Approché par Guglielmo Blasi, il pensa dès lors que son ami avait réussi à tromper les policiers qui l'avaient arrêté.

Cet après-midi-là, Raoul avait un rendez-vous avec Spartaco et Cola.

En dehors de toutes les règles élémentaires de vigilance conspiratrice, aveuglé comme il l'était par sa confiance affectueuse en Guglielmo Blasi, il l'emmena directement au rendez-vous.

Guglielmo Blasi raconta alors à Spartaco et à Cola les mêmes mensonges qu'il avait déjà racontés à Raoul. Ceux-ci les acceptèrent sur le moment, en se réservant toutefois de les contrôler dès que possible.

Puis, ils donnèrent des consignes à Raoul afin qu'il se rende à la saintebarbe, via Marc'Aurelio, pour chercher le matériel explosif pour une action qui devait se faire dans le courant de la nuit. Ils saluèrent Raoul et Guglielmo Blasi et ils s'éloignèrent. Quelques dizaines de mètres plus loin, Spartaco s'entendit appeler? Il se retourna. Autour de lui et de cola étaient alignés des hommes en chemise noire avec la mitraillette à la main qui les emmenèrent à bord d'une automobile. Ils furent conduits à la via Romagna.

La trahison de Guglielmo Blasi fut dès lors évidente pour nos camarades et il fut clair que pour eux, il n'y avait plus d'issue. L'organisation et nous encore libres, nous étions désormais à la merci du traître.

Cola avait en poche des papiers compromettants et il réfléchit à la manière de les détruire. Tandis qu' dans les corridors de la pension Jaccarino, il attendait le moment d'être interrogé, il demanda à un fasciste de l'accompagner au cabinet; laissé seul en dedans, il contrôla rapidement ses poches, déchira en tout petits bouts les feuilles qu'il avait, regarda autour de lui, tira la chasse et, couvert par le bruit de la chute d'eau, il ouvrit la petite fenêtre qui en haut donnait de l'air au local, il s'y introduisit ( pour sa et notre chance, il était fort grand et fort mince), il se laissa tomber de l'autre côté et se retrouva dans la rue, libre.

Ce fut par lui, dès lors, que nous fûmes avertis de la trahison de Guglielmo Blasi.

Entretemps, Guglielmo Blasi avait laissé Raoul; celui-ci s'était rendu à la cantine de Duilio Grigioni, via Marc'Aurelio, pour y enlever le matériel explosif et il avait reçu l'ordre de s'y rendre seul. Guglielmo Blasi ne connaissait pas l'adresse, mais il fit en sorte que Raoul fut suivi, de sorte que lui et Duilio furent arrêtés.

Guglielmo Blasi fit ensuite arrêter Silvio Serra et Luigino Pintor.

Il ne restait désormais des Gap libres, mais inutilisables, que six membres : Mario Fiorentini, Franco Di Lernia, Fernando Vitigliano, Carla, Lucia et moi.

Guglielmo Blasi se mit à nous donner la chasse ainsi qu'à tous les camarades avec lesquels il avait eu un quelconque contact politique avant son entrée aux Gap. Il en fit arrêter des dizaines. Son action frappa surtout la zone VI.

Mais se maîtres me voulaient et il fit tout pour me trouver, poussé par les primes qui étaient placées sur ma tête par les Allemands et les fascistes pour un total de 1.800.000 lires.

Il ne connaissait ni mon nom, ni mon refuge. Depuis quelques temps, j'avais abandonné la cantine de Duilio Grigioni et j'habitais dans une maison fournie par Marcello Perez, via Sambucuccio d'Alando. Toutefois, il savait que mon refuge était localisé près de la place Bologna et donc, il se mit à battre cette zone avec l'opiniâtreté de tous les traîtres. Malheureusement, sa chasse donna des résultats positifs car, s'il est vrai qu'il n'eut pas la chance de me rencontrer, son «équipe rencontra et tua en rue, comme un chien, Eugenio Colorni, un dirigeant du Parti Socialiste.

De cette façon, Guglielmo Blasi résolut ses comptes avec la police fasciste et sa situation économique. Il participa aux vols de la bande Koch et empocha les primes de ceux d'entre nous qu'il réussit à prendre.

Il a continué sa carrière même après la libération de Rome, en suivant Koch et sa bande à Florence et à Milan. À la fin de la guerre, il fut arrêté et condamné à perpétuité.

 

(Suite au prochain épisode)


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20 octobre 2008 1 20 /10 /octobre /2008 23:26

Tiens voilà Lucien, on t'a pas vu de la semaine... Tiens voilà Lucien, je me demande d'où tu reviens....

Allons, Mârco Valdo M.I., arrête de te moquer de moi, dit Lucien l'âne en se balançant sur ses quatre pieds comme un gille qu'aurait trop bu. Tu sais bien qu'on était ensemble et qu'on s'est – excuse-moi des termes – bourré la gueule comme des chameaux. Je dis des chameaux, car le chameau est capable de boire jusqu'à cent litres d'un coup. Presque autant que toi et moi. Alors, mon ami Mârco Valdo M.I., n'essaie pas de mettre sur mon pauvre dos qui en a tant vu toutes nos turpitudes. D'ailleurs, j'ai même dû te ramener sur icelui. Ah, Ah, fait ainsi l'âne singeant Bosse-de-Nage, le singe du docteur.

Oh la la, comme tu y vas, dit Mârco Valdo M.I.. On dirait que tu es fâché. Mais moi, je plaisantais. Entre nous, on s'est bien marré quand même. Avec ça que j'ai quand même eu du mal à m'en remettre. Au point, comme tu le vois, que nous voilà lundi et que je n'ai toujours pas pu te dire les canzones du dimanche que je t'avais promises. Mais ne t'inquiète pas, nous allons le faire pas plus tard que maintenant.

J'espère bien, dit Lucien en frottant son museau, long comme un jour sans pain, au tronc du saule (salix) qui est si vieux qu'il en est rugueux à souhait. J'espère bien que tu vas m'en faire connaître des canzones et plus qu'une, pour ta peine et pour la mienne de t'avoir porté.

C'est vrai, Lucien mon ami, d'avoir un âne comme pote, ça me botte. On rentre sans problème sur ton dos et je ne dois même pas dire où...

Bien sûr, Mârco Valdo M.I.. D'ailleurs, t'aurais bien eu du mal à expliquer où tu devais aller. Tu étais tellement ... disons, fatigué, que tu ne savais plus trop où tu devais aller. Et alors, ces canzones...

Nous y venons, nous y venons, au petit trot de l'âne, si tu veux bien, dit Mârco Valdo M.I.. D'abord, je t'accorde quatre canzones.

Oh, oh, c'est fabuleux, dit l'âne en redressant le col tout content. Mais encore...

Et bien, j'aimerais te faire un petit commentaire préliminaire, mon bon ami Lucien. Tu n'écoutes pas beaucoup la radio et tu ne regardes pas trop la télévision, je pense savoir.

Oui, oui, c'est exact, dit l'âne Lucien en prenant un air intrigué et en ouvrant des yeux d'âne étonné. Mais où veux-tu en venir ?

Je veux te demander si tu entends souvent des chansons disons révolutionnaires ou plus simplement, comme on dit par chez nous engagées, bref des chansons ouvrières, des chansons de gauche... des chansons de lutte... qui dénoncent le système, le régime, les patrons et toutes ces sortes de choses...

À vrai dire, j'ai bien l'idée que c'est jamais ou presque. Personnellement, mais je ne suis qu'un âne, je n'en connais presque pas, pour ne pas dire pas du tout. Du moins, des récentes. Et toi ?

Écoute-moi, Lucien mon ami, bien que je ne sois pas un âne, au moins biologiquement, je n'en connais pas plus que toi. La seule différence peut-être, c'est que moi, j'ai un peu cherché pour en trouver et que je suis revenu bredouille de mes recherches. J'en suis bien triste, mais c'est ainsi. Alors, voilà les canzones d'aujourd'hui sont toutes les quatre – comme d'autres que je t'ai déjà fait entendre venant d'Italie – des canzones de combat. Et pas des choses d'il y a un siècle ou un demi-siècle... Ce sont des canzones récentes et directement branchées sur l'univers contemporain. Je dirais même à certains égards qu'elles sont prophétiques, annonciatrices et en tous cas, révélatrices. Tu y découvres un autre monde que celui que diffuse la téléberlusconienne – le Pays du sourire et des seins nus. En somme, tu commences avec ces canzones à découvrir de la chanson qui pense, de la chanson qui revendique, de la chanson offensive... Et il est grand temps que nous allions à l'offensive... contre le libéralisme.

Fais-les moi entendre... dit l'âne tout enthousiasmé, tout en esquissant une petite ruade de plaisir.

Je te dirai simplement que le groupe qui les chante s'appelle Radici nel cemento (Racines dans le ciment) et qu'il est originaire de la région romaine.




LES PIERRES EN POCHE

Chanson italienne – Le Pietre in Tasca – Radici nel cemento.
Version française – Les Pierres en poche – Marco Valdo M.I. – 2008


On aurait pu croire - vu du côté de la chanson française - que la chanson de combat était éteinte, qu'à tout le moins, la flamme s'était calfeutrée sous la cendre. Mais ce qui est vérité en deçà des Alpes, ne l'est pas nécessairement de l'autre côté de l'arc alpin. De ce point de vue, il est grand temps de traduire la chanson italienne, celle qui vaut qu'on le fasse, s'entend. Et en voici une, pleine de vie, de flamme et de feu... et contemporaine en diable.
J'insère ici la note de bas de page, car elle mérite d'être lue et relue...(1)Le mot italien de Fasci – Faisceaux en français mérite un petit éclaircissement, car il a fait l'objet d'un détournement historique.
Si l'on se reporte au Zingari, un des dictionnaires important de la langue italienne, on trouve à Fascio, la définition suivante :
Fasci dei lavoratori : associations socialistes ou de tendance anarchiste, fondées par les paysans à la fin du 19ième siècle, c'est – à – dire bien avant 1900, pour lutter contre les propriétaires fonciers.
Fasci di combattimento : groupes fascistes fondés en 1919 qui furent la base musclée et crapuleuse du Parti Fasciste National et du régime qui s'ensuivit.
La présente chanson ramène le mot « fasci dei lavoratori » à son origine socialiste, anarchiste et révolutionnaire.

Eux, ils font des promesses qu'ils ne veulent pas tenir
pour assouvir leur faim, leur soif de pouvoir
Ce sont des hommes petits petits
mais ils se croient des géants,
Ce sont des mégalomanes ridicules
par moments aussi inquiétants,
ils sont forts avec les faibles
mais avec les forts, faibles,
prêts à assassiner par calcul
et ils se foutent des morts.
Ils commandent à des meutes de mâtins
qu'ils répandent dans les rues
avec leurs instincts assassins.
Ce sont des hyènes teigneuses
affamées de charognes,
de gros rats
à peine sortis des égouts.
Et alors, boum, boum
La rage éclate déjà !
Je te le dis boum boum
et la flamme monte,
et encore boum boum,
La rage éclate déjà !
Je le répète boum boum
et le feu monte !

Ils sucent le sang de celui qui travaille,
ils font des affaires avec qui exploite,
ils raclent jusqu'au fond
jusqu'à détruire toute ressource,
ils donnent l'aumône à qui obéit,
le bâton à qui proteste,
des ordres précis de t'éclater la tête en deux,
Ils se roulent dans l'or accumulé par leurs escroqueries,
protégés contre toutes les lois
car ce sont des tyrans,
amis de la mafia
et de la criminalité,
Ils sont la lie de l'humanité.
Et alors, boum, boum
La rage éclate déjà !
Je te le dis boum boum
et la flamme monte,
et encore boum boum,
La rage éclate déjà !
Je le répète boum boum
et le feu monte !

Pour nous, il y a la fatigue
Pour nous, aussi la sueur
Pour nous, les os rompus
et les yeux rouges de douleur
Pour nous, il y a les morts tombés au travail
À eux, par contre, le luxe,
les beaux habits,
le blé et l'or,
Pour nous, la misère
Pour nous, l'ignorance
Pour nous, le sang amer,
et le cœur plein d'espérance.
À eux, les fruits de notre travail quotidien
Et pourtant, ils tiennent toujours leurs mains en main.
Et alors, boum, boum
La rage éclate déjà !
Je te le dis boum boum
et la flamme monte,
et encore boum boum,
La rage éclate déjà !
Je le répète boum boum
et le feu monte !

Avec nos pierres en poche
Avec nos pierres et nos bâtons,
Nous ne craignons plus les patrons.
Nous sommes les faisceaux siciliens,
les faisceaux des travailleurs,(1)
Femmes hommes enfants
ouvriers et paysans
Avec les universitaires, les manœuvres et les mineurs
Nos drapeaux rouges au vent,
C'est le moment d'être unis à présent,
Car s'ils veulent nous faire plier,
Cette fois, nous devons les abattre.





ET ÇÀ NE FINIRA PAS


Chanson italienne – E non finirà – Radici nel cemento

Version française – Et çà ne finira pas – Marco Valdo M.I. – 2008



Et ça ne finit pas ici,
ce n'est pas encore fini,
et ça ne finira pas,
non non non, ça ne finira pas.
Ça ne finit pas ici,
ce n'est pas encore fini,
et ça ne finira pas
Pour qui lutte et qui espère
que tôt ou tard arrivera
une ère nouvelle de Justice et Liberté !

Et ça ne finit pas ici,
ce n'est pas encore fini,
et ne finira pas,
non non non, ne finira pas.
Ça ne finit pas ici,
ce n'est pas encore fini,
et ça ne finira pas.

Messieurs du monde, chefs d'État, enfoncez-vous bien ça dans la tête
Ce que vous avez devant vous, c'est une marée
Qui ne s'arrête pas, ne ralentit pas et qui ne s'inclinera pas
Devant la violence de l'autorité,
Devant la matraque de la police,
devant la mort proclamée de l'idéologie,
devant les balles de la répression,
devant les barrières de toutes formes et de toutes dimensions
et il n'y a pas de zone rouge qui puisse stopper
cette grande marée qu'on ne peut arrêter !

Et ça ne finit pas ici,
ce n'est pas encore fini,
et ne finira pas,
non non non, ne finira pas.
Ça ne finit pas ici,
ce n'est pas encore fini,
et ça ne finira pas
Ce n'est pas encore fini,
et ne finira pas.
Jusqu'au moment où finalement dans le monde il y aura
pour chaque être humain dignité et droits !
Ça ne finira pas, ne finira pas, ne finira pas !
Non !





WORKIN' CLASS


Chanson italienne – Workin' Class – Radici nel cemento

Version française – Workin' Class – Marco Valdo M.I. – 2008



Radio, TV et journaux ne parlent que de vous,
Il semble que plus personne désormais ne se lève à six heures...
Et pourtant, je vois des chantiers tout autour de nous
et alors, tu sais ce que je te dis :
ce soir, sera la fête pour vous !
Cha–na–na–na-na–na the workin’ klass!
Cha–na–na–na–na–na the workin’ klass!


J'ai entendu dire que la technologie nous sauvera,
qu'au travail, plus personne ne se cassera l'échine désormais
Je n'y crois pas beaucoup, mais ce sera peut-être vrai...
et alors, tu sais ce que je te dis : ce soir la star ce sera vous !
Cha–na–na–na-na–na the workin’ klass!
Cha–na–na–na–na–na the workin’ klass!

Je ne sais pas bien quand finira cette vieille histoire
Mais des « travaux en cours », il y en a plein la ville...
Et je sais que celui qui lutte et qui sue
tôt ou tard, prendra le dessus
Et alors, tu sais ce que je te dis :
Ce morceau est pour vous!
Cha–na–na–na-na–na the workin’ klass!
Cha–na–na–na–na–na the workin’ klass!





LA LOGIQUE DU PROFIT


Chanson italienne – La logica del profitto – Radici nel cemento

Version française – La logique du profit – Marco Valdo M.I. – 2008


Qu'est-ce qui rend esclaves tous les êtres humains ?

Qu'est-ce qui rend ignoble notre civilisation ?

Qui assèche les cœurs et ensuite, lie les mains,

c'est une avidité aveugle !

C'est la logique du profit

qui affame les populations.

À tuer sans pitié,

jusqu'où ira-t-elle

celle qui sème la destruction ?

Qui souffle sur le feu

de la violence ?

Sa guerre est un jeu

et une exigence,

elle fomente la haine entre les nations,

instrumentalise de vieilles vengeances et des religions

C'est la logique du profit

nourrie d'indifférence,

elle moissonne ses victimes.
Nos protestations ne sont pas légitimes

nous ne pourrions vivre sans

Nous sommes tous pris dans son engrenage

Comme les roues d'un parfait mécanisme.

Elle nous enlève l'âme et le courage

Puis elle nous rembourse avec le vide du consommisme.

C'est la logique du profit,

avec ses paladins

vêtus d'arrogance

qui tuent l'espérance

et font pleurer les enfants

et ne laissent pas en paix qui lui est opposé.

Comme des rapaces, d'impitoyables inquisiteurs.

Tu es un subversif, un révolutionnaire ?

Persécuté, comme un vil traître.

La logique du profit

Pour qui creuse-t-elle le trou ?

Tu la vois son hypocrisie

Quel sera son prochain coup ?

Elle est folle à lier !

Il n'y a pas de paix sur cette terre,

car elle est vorace et insatiable

Il n'y aura jamais de paix sur cette terre,

Ce sera la guerre... à l'infini !

Avec la logique du profit.


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17 octobre 2008 5 17 /10 /octobre /2008 22:58

Holalaider, Holaleider, Holà le lider, Holà la laideur
Holalaider, Hola Heider, Holà le Hyder, Holà la hideur
Ho - la laideur, Laid d'air, Laid d'eau, salaud.


Qu'entends-je ? Çà jodle dans le coin. Il ne manque plus que des culottes de cuir, des chaussettes montantes et des chapeaux à plumeau. Ah, mais, c'est toi, Mârco Valdo M.I., qui fait de pareilles sonneries...


Oh, salut Lucien l'âne aux oreilles panoramiques et rotatives, je te remercie beaucoup pour la cédille... En fait, je m'essayais à chanter la dernière version française du refrain de la canzone de Riccardo Scocciante : Haider ! Haider ! Comme tu le sais, on l'enterre demain, il faut que je sois prêt à lui chanter ce petit refrain en canon avec Riccardo. Nous saluerons ainsi son envol d'eider vers l'éternité. Regarde-bien ce texte et tu verras qu'on l'a pas mal travaillé. Veux-tu que nous en fassions une analyse, question de faire la causette.


Pourquoi pas... dit l'âne en se contorsionnant pour arriver à se mordre la queue. C'est à cause des taons qui me tannent. Il doit faire orageux, les taons sont difficiles. Alors, dis-moi...


Donc posons les éléments : on salue du haut de la montagne, le dénommé Haider, ex-gouverneur de la Carinthie, qu'on incinère demain. Ainsi l'on dit : Holà Haider, mais pour jodler [je te rappelle qu'on est censé être dans la montagne en culottes de cuir, avec de grandes chaussettes et un chapeau à plumeau], il faut y mettre des « l ». Dès lors, on dira, on chantera : holà L' Haider, que j'ai transcrit, à la suite de Riccardo : Holalaider. Note qu'il n'est aucunement question pour nous (je veux Riccardo et moi, et toi aussi si tu veux de l'aider, ce bougre). Ensuite, on glisse vers Leider – le guide, en angliche : le leader . Mais aussi, l'eider, ce canard dont le duvet (et toute la bête par conséquent; malheur à lui...) est si prisé pour les couettes et les oreillers. D'où, Holaleider. Ensuite...


Oui, je comprends maintenant : le Lider, francisation de l'angliche... et en plus, ce pourrait être un chanteur... Et dans le fond, je me demande si Haider n'était pas un maître-chanteur... Je veux dire sur le plan politique...


Sans doute aussi. Mais je continue mon analyse, car on n'a pas que ça à faire... Tu as compris le mécanisme : la laideur. Bien entendu, on n'a pas d'appréciation mesquine sur son physique, dont on se contrefout, la laideur de L'Heider est purement morale; elle relève du jugement politique, éthique. Le passage de Haider à Heider vient de la chanson et du personnage de référence : Heidi. Quant au très anglophile Hyder, il vient évidemment de Robert Stevenson et de son personnage à double figure : Dr Jekill (je kille – je tue ?) et Mr. Hyde, la face mauvaise, qui donne Hyder. Evidemment, si l'on francise un peu, cela donne : Hyder = Hideur. La hideur est une forme, je dirais accentuée, de la laideur. En quelque sorte, on est monté d'un cran dans l'horrible... Retour à la laideur, qui ouvre par homophonie sur Lait d'air (on a sauté au-delà de lait d'heure), qui entraîne (référence à Trenet et Blanche – Débit de lait, débit de l'eau) Lait d'eau, qui évidemment se décline en salaud – sale eau.


Ho, ho, arrête-toi, Mârco Valdo M.I., dit l'âne Lucien en faisant des yeux aussi grands que le ventre. C'est bien assez pour moi. Tu serais capable de dériver sur la chanson de Charles Trenet et Francis Blanche et personne ne sait ni quand ni où ton aparté finirait. Dis-moi plutôt ce dont tu comptais me parler aujourd'hui...


Tu sais, mon ami Lucien l'âne perspicace, dit Mârco Valdo M.I., tu sais bien que je suis un brin obstiné – mais ça ne me différencie pas de toi, et que j'avais promis de poursuivre inlassablement les histoires d'Achtung Banditen ! Je vais donc le faire et je vais reprendre le récit de Marco Camenisch où on l'avait abandonné. Nous en étions, je te le rappelle à la fin de 1995. Je reprends au début de 1996. Marco Camenisch est toujours à la prison de Novara et il attend le printemps – car il sait qu'il n'est pas près de sortir. Tu feras spécialement attention aux remarques anecdotiques de Marco (en vert) et à celles de Piero (en jaune). Ce sont, à mon sens, des notations fort importantes pour comprendre dans quel monde est plongé Marco et aussi, combien – même enfermé dans une prison dite de haute sécurité – il continue à résister et à se battre pour défendre ses conditions de détention et celles de tous les autres prisonniers; pour défendre ses idées, ceux qui sont dans le combat à l'extérieur et même, la planète, notre planète contre les incessantes attaques de l'inhumanité capitaliste et libérale. Dans ce récit, dans cette sorte de journal de prison, on trouve deux voix : d'abord, Marco Camenisch qui salue le printemps qui s'annonce et puis, Piero Tognoli qui raconte cette petite excursion en taxi et le portrait de ce taximan qui refuse de jouer les indics...






 


Novara, 15 février 1996


Je suis ici à écrire à toute pompe, ma nuque et mon échine font mal et je ressens une grande volonté exubérante de communiquer et une énergie pétillante.

Le jour est magnifique ; le soleil entre enfin dans nos cages de tigres, que nous ne sommes pas.

D’autre part, pour parler de la presse anarchiste en général, je pense que, en plus de se remplir la bouche avec les affaires du Chiapas, il est fondamental de reprendre une solidarité qui va au-delà des fractures du mouvement. Il nous faut enlever tout espace et toute légitimité à cette attaque répressive à forte saveur propagandiste.

Pour ma part, récemment, je me suis « battu » contre un coussin de mousse haut et dur comme une brique qui me causait des insomnies, des douleurs à la nuque et des problèmes circulatoires. Après l’avoir taillé horizontalement, j’ai reçu un rapport et la note du « dommage ». Ces situations sont mon pain préféré, puisque contre une mesure stupide, utile seulement à casser les couilles, je pense faire sortir de ma plume un articulet satirique divertissant.


«  S’il vous plaît, via Sforzesca 49, la prison ». Le taxi novarais nous accueille avec sympathie. Et il se confie à nous, cordial et confiant en notre compréhension.

La Préfecture l’a menacé du retrait de sa licence s’il accompagne des prostituées de couleur dans des lieux équivoques et à des heures suspectes. « Pour moi, ce sont des clients comme les autres, pourquoi devrais-je leur refuser la course ? Ce qu’elles font ensuite, ce sont leurs affaires. »

En d’autres occasions, ils voulaient savoir par où était passé Tizio et ce qu’avait dans sa bourse Caïo. « Comme si je me mettais à fouiller les bagages de mes passagers ! Moi, mon travail, c’est taxi ; eux, ce sont des policiers, qui sont payés pour çà. » Il est vraiment furieux et il se laisse emporter, actionnant avec sûreté les vitesses sans ralentir.

Çà fait plaisir de rencontrer une personne simple, distante de l’assentiment complice ou de l’interventionnisme collaborationniste de la majorité silencieuse.

Un chaud au-revoir de fin d’hiver accompagne notre solitude dissidente. Lentement, avec un sourire en plus, nous nous acheminons vers le sarcophage.






Novara, 3 mars 1996


Les derniers rayons du soleil resplendissent encore dans ma cellule au milieu de l’après-midi. Ce n’est pas le soleil des Alpes Rhétiques, mais il quand même toujours très beau et l’air tiède presque printanier annonce déjà une petite toux de saison. Avec encore mes sous-vêtements chauds et les flambées qu’on fait faire au chauffage, j’ai quelques courtes sueurs.

A l’extérieur, ils continuent à enquêter à propos des camarades et de simples citoyens pour l’usage de la marijuana et mes correspondants me tiennent informé de cela aussi. Et dire que le cannabis est un excellent calmant des douleurs dans le cas du cancer, meilleur que les morphines ! Dans le cas aussi des patients atteints du Sida, il est miraculeux comme reconstituant par son action métabolique, par la fameuse faim qu’il provoque et que nous connaissons bien, telle que les gens qui en font usage réussissent à reprendre poids, vigueur et volonté de vivre. L’interdire est une mascarade qui sert seulement le bizenesse, comme les habituelles lois contre la médecine douce émises pour favoriser les assassins des multinationales de la pharmacie.

Par chance, je n’ai pas de problèmes d’appétit et j’ai dans ma marmite une mixture de courgette, mozzarella, tomate, origan, persil que je suis en train de cuire au bain-marie, un stratagème contre le manque d’instruments adaptés pour une saine cuisson. J’ai préparé ensuite du petit-lait qui est une partie d’une diète naturopathique qui fait peut-être du bien à mon cancer et s’il n'en fait pas, c’est de toute façon très bon. En plus du petit-lait, du bouillon de lait mêlé de jus de citron, il sort une ricotta qu’en Inde, on nomme « Panir ».

Aujourd’hui, ce petit-lait accompagné de raisins secs, de miel, de bouts de noix, je le partagerai avec Christos durant notre socialité hebdomadaire. Nous en profiterons pour continuer nos leçons de grec que petit à petit, j’assimile avec un journal du mouvement qui, relayant le texte de notre grève de la faim, parle de moi et me fait connaître même en Grèce.


Novara, 25 mars 1996


Il y a quelques jours, le 18 exactement, le magistrat de surveillance Andrea Del Nevo a communiqué à moi et à Chris la censure pour 6 mois de notre correspondance en entrée et en sortie. La disposition affirme textuellement : « Relevant que la gravité des faits pour lesquels Marco Camenisch (et Christos Stratipopoulos) est enfermé et son assignation à la Maison de la Circonscription de Novara dans la section au plus haut degré de prudente vigilance pour des raisons d’ordre et de sécurité, conduit à retenir opportune l’adoption de la présente mesure du fait que pourrait être contenu dans sa correspondance épistolaire des éléments tels qu’ils doivent être considérés comme un danger pour l’ordre et la sécurité de l’institution. »

Ce n’est pas une disposition inattendue, vu que notre compagnon anarchiste Antonio Budini, détenu à Voghera, à son retour de la farce du procès de Trento du 31 janvier, a été transféré de la section pénale à la spéciale. Notre compagnon anarchiste Carlo Tesseri aussi a été assigné à la section spéciale de Fossombrone.

Vu et constaté l’absence de contenus « clandestins » dans notre correspondance, c’est un lourd prétexte de parler de la gravité des faits et de danger pour l’ordre. Le transfert dans les spéciales est encore plus tordu et, en marquant de dangerosité un détenu, il sert pour mieux légitimer des actions persécutoires, diffamatoires et « dissuasives » de nature politique.

En réalité, par la volonté des enquêteurs Marini et Vigna et de leurs obscurs metteurs en scène retranchés dans les abysses du pouvoir, de leur état policier néolibéral, il s’agit de diffamer pour mieux persécuter. Avec un tempo suspect, ils construisent laborieusement une machinerie antianarchiste. Ils s’en prennent à la communication pour empêcher notre solidarité, nos confrontations, nos discussions et notre croissance. C’est la politique de la terre brûlée, du terrorisme psychologique, contre ceux qui osent résister et être solidaires envers celui qui est en prison.

Ces mesures administratives tendent à l’anéantissement psychique, social et physique de celui qui est détenu et entre comme çà dans le rôle d’otage, séquestré de fait et traité comme tel.

L’internationale néolibérale du complot contre le reste de l’humanité frappe de cette façon la diffusion de nouvelles et la solidarité pratiquée par nous au niveau international.

Qui sait quels retards énormes subira notre correspondance privée et publique écrite en grec ou en allemand.


Novara, 16 avril 1996


Je deviens de plus en plus anxieux, je ressens l’appréhension du prisonnier avec tant d’angoisses irrationnelles pour les ennuis de mes chers durant les voyages de visite. Certainement celle qui risque le plus dans le voyage, c’est Manuela, qui vient en voiture, mais ma mère a déjà un certain âge et elle a déjà été fort éprouvée par mon aventure.

Mais assez pensé à des ennuis hypothétiques quand les méchancetés continuent ici comme d’habitude et que ma rage croît.


Novara, 2 mai 1996


Ici, le 1er mai a été fêté par un coup de force de la part de la dictature. Ils ont retiré la « gestion » de la distribution des travaux aux détenus de l’étage, en reconfirmant ainsi qu’en raison de la faible solidarité entre détenus, la tendance totalitaire, hystérique et antidémocratique des institutions peut s’affirmer et se défouler librement. Cela n’a rien d’étrange en des temps où le 1er mai est devenu pour la « gauche » des imbéciles et des hypocrites, un jour où on fête le fait qu’on nous fait notre fête.


Novara, 27 juin 1996


Pauvre village de Cardoso, tellement frappé de deuils et de dommages dans cette dernière inondation qui n’a pas épargné les monts de la Versilia. On s’obstine à parler de catastrophes naturelles en feignant de ne pas savoir que ce climat affolé est encore notre responsabilité due à la pollution.

Pauvre Cardoso, ils le reconstruiraient dix fois avec seulement les sous gaspillés pour la sécurité à l’occasion de la « visite » chacalesque de Scalfaro. Entretemps, autour de la maison de Manuela, les flics s’entassaient par grappes, encore un peu et il en pend aux arbres, peut-être par peur d’une insurrection.

Certainement, bien payés, il est plus facile de casser le cul aux gens plutôt que d’aller creuser dans la vase et dans les détritus. Il est plus simple de réprimer les victimes des désastres que les gens qui les ont causés et qui, par la suite, empochent les milliards de la reconstruction. Figurez-vous, ceux promis au Piémont, ils les ont congelés, ceux promis à la Versilia, on verra s’ils les enlèvent du frigo.


Atmosphère pesante avant la tempête. Atmosphère d’enquête où les habituels pouvoirs forts n’ont plus de tolérance. Ce n'est pas le problème – malheureusement – d’une subversion révolutionnaire capable de renverser le sordide existant ? La répression, aujourd’hui, n’est pas l’ultime plage des dominants avant de disparaître enfin et pour toujours de la scène. Ils veulent seulement frapper celui qui a osé rompre un œuf pourri dans le panier de la démocratie. Ils veulent faire payer le haut prix de la vengeance aux incontrôlés, à celui qui ne pourra jamais être domestiqué, aux irrécupérables rebelles de l’utopie.

Annaberta aussi est consciente que Marco appartient à ce minuscule fragment d’humanité non soumise, peut disposée comme toujours à se laisser mettre les pieds sur la tête.


Novara, 21 juillet 1996


Entre un safari antimoustique et l’autre, je continue à écrire. Du reste, rien de neuf dans ce cimetière. J’ai plein de rêves, somme tout nullement beaux, à par certains où je m’éveille en riant et qui pourraient représenter le fond d’une histoire de Bohumil Hrabal.

J’ai lu dans les quotidiens le double homicide de Colonnata, où un ex-mari jaloux a tiré sur son ex-femme et sur son nouvel amour, notre compagnon Umberto. Cette nouvelle m’a beaucoup attristé et je suis triste pour Umbè, ce bon géant qui, lâchement interrompu sur le sentier de sa vie, avait trouvé la joie d’un amour.







 


C’est le sempiternel août novarais auquel depuis des années, nous nous habituons. Ville à demi-déserte que nous contemplons assis sur un banc des jardins de la gare. Trois-quarts d’heure de temps, à discuter dans l’attente du train de retour.

Annaberta n’a pas connu Umberto, mais elle reste frappée de sa fin tragique. Lui si hermétique de sa langue, mais pas de son cœur, qui de deux grimaces, l’œil vif et quatre mots de son accent carrarin pointu t’exposait un discours philosophique entre un verre de vin rouge et un soupir pour les compagnons emprisonnés ? Il était très attaché à Marco (le vieux Martino) et il fut assez blessé de son arrestation.

Un imbécile, avec un port d’arme régulier et des propositions homicides déclarées, lui a coupé la vie à coups de pistolet. Excité lâchement par quelques paysans, forts de leur culture de maître-mâle, avec l’omertà complice des carabiniers de l’endroit, il a ainsi tué Umbè et sa compagne, ex-femme d’une relation faillie désormais finie depuis un temps. Un « délit d’honneur » consommé pour venger l’abandon d’une femme qui voulait refaire sa vie avec ses deux filles et avec Umbè.

Pour l’autorité, Umberto Corsi était seulement un anarchiste. Un ennemi en moins pour le futur ? Pour ces deux fillettes, rendues violemment orphelines de mère, ce salaud homicide sera un père à détester pour toute leur vie.


Novara, 17 septembre 1996


Aujourd’hui, j’ai reçu, du Regroupement Opérationnel Spécial des Carabiniers, Section Anticriminelle de Turin, le procès-verbal de l’ordonnance de surveillance renforcée. C’est un feuillet pelure émis par le GIP du Tribunal de Rome ; les GIP sont maintenant responsables des visites, des correspondances, des téléphonades, etc.

Pour le moment, ils ont imposé « seulement » l’interdiction de rencontre et Chris a été transféré à un autre étage. Je désigne immédiatement comme mon défenseur de confiance l’avocat Lamacchia de Turin.


Le gardien à la face à gifles a une expression plus hébétée qu’à l’ordinaire. Il feint l’indifférence, mais c’est avec une satisfaction mal dissimulée qu’il nous communique le transfert de Marco à Roma Rebibbia.

Annaberta est démontée. « Comment est-ce possible ? » ; se demande-t-elle, pensant à une blague de très mauvais goût. Le trauma initial surmonté, elle met le feu à la situation. Marco a sûrement écrit un télégramme pour l’aviser de son transfert et lui épargner ce voyage à vide. Le problème est que ce texte n’est jamais parti.

Ce sont les habituelles pratiques carcérales et répressives de cette Italietta mesquine, bourbonique, fasciste, mafieuse, forte avec les faibles et faible avec les forts. Une Italietta vile et vindicative qui, de 1860 à aujourd’hui, sait récompenser les ruffians qui s’inclinent face à son autorité et punir les rebelles qui la défient la tête haute.

La mesquinerie d’un juge qui veut clôturer en beauté sa carrière en poursuivant des dizaines d’anarchistes s’ajoute à la mesquinerie de l’officier des carabiniers qui fausse les enquêtes, à celle de l’invisible directeur de la prison, pour finir au stupide garde qui se réjouit d’un rendez-vous manqué.

On discute et on se réconforte sur le chemin du retour. L’Italie est une république fascistoïde fondée sur la mesquinerie.



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16 octobre 2008 4 16 /10 /octobre /2008 23:17

Heidi, Heido, Heida !  Heidi, Heido, Heida ! Heidi, Heido, Heida ! Ha, ha, ha,ha,ha, ha...

Heidi, Heido, Heida !  Heidi, Heido, Heida ! Heidi, Heido, Heida ! Ha, ha, ha,ha,ha, ha...




Mais que chantes-tu là, mon ami Mârco Valdo M.I., dit Lucien l'âne en agitant ses oreilles comme deux sémaphores en délire.  On dirait une chanson de la guerre, une sorte de chanson militaire et pour tout dire, elle évoque de très mauvais souvenirs. N'était-ce pas un chant de l'armée nazie ? Serais-tu devenu fou ou veux-tu commémorer un grand moment du nazifascisme ?




Oh, Lucien mon ami, te voilà enfin. Je t'attendais plus tôt et en attendant, en t'attendant, je chantais. C'est en effet un chant nazi, hérité des défilés militaires chantants, un peu comme celui qui remontait la via Rasella en 1944 à Rome et qui a sauté  en l'air - et crois-moi, pas de joie. Mais pour le coup (et c'est le cas de le dire...), tu as tout à fait bien perçu que je commémorais un événement fameux pour ce qui concerne le nazifascisme. Mais  bien qu'il s'agisse d'un événement qui s'est déroulé en pays germanique, ce n'est pas d'un épisode fort lointain; il ne faut pas remonter à la période hitlérienne. Je dirais même qu'il est très proche. Je chante pour célébrer l'exploit de Jorg Heider, qui a réussi un parfait autogoal et tout seul encore bien. Il y avait bien le fameux record encore inégalé de Carrero Blanco, tu sais l'Amiral Boum, qui avait réussi à se tuer en auto en un bond de vingt mètres de haut... Mais il faut bien dire que les entraîneurs basques l'avaient solidement aidé. Pour Jorg Heider, l'exploit est tout différent: il a réussi  sans aide extérieur, tout seul, comme un grand, en vrai champion.  Au passage, note que je sais parfaitement que son nom s'orthographie Haider, mais tu comprendras pourquoi je m'obstine à l'écrire Heider quand tu auras vu la chanson de mon ami Riccardo Scocciante, que j'ai traduite ce matin.


Attends, s'il te plaît, dit Lucien en jetant un regard éperdu de ses yeux exorbités d'âne un peu dépassé par les événements. Allons-y doucement, Mârco Valdo M.I.. Ne viens-tu pas de m'annoncer que Jorg Haider serait mort ... Il s'agit bien de cet Autrichien qui nourrissait tant d'admiration pour son compatriote Adolf Hitler...


Si, si, dit Mârco Valdo M.I., c'est bien lui, c'est bien ce personnage odieux, cette ordure pour tout dire. Il a réussi un exploit splendide. Il a retourné une Phaeton de deux tonnes et demie en ligne droite dans un village et à la faire s'écraser (et s'écraser lui-même par la même occasion) sur le toit. La presse en a donné de splendides photos. C'était à la fin de la semaine dernière et voilà que mon ami (ce qui veut dire que c'est aussi le tien), donc notre ami Riccardo Scocciante, qui comme son nom l'indique est Italien, a écrit une chanson (en italien, évidemment) pour célébrer ce grand moment : le départ de Jorg Heider en Phaeton (le char du soleil) vers l'éternité. Bon vent au Phaeton, ton, tontaine et tonton...


Ah, une chanson et si vite..., dit l'âne un peu estomaqué et très curieux d'en savoir plus. Mais dis-moi, quand donc en as-tu eu connaissance et quand l'as-tu traduite ?


Quand j'ai ouvert ce matin mon ordinateur et que je me suis branché sur les dernières nouveautés du site que j'aime bien de Canzoni contro la guerra, j'ai trouvé cette chanson, mise en ligne pendant la nuit. Je n'ai pas pu me retenir de la traduire illico et de la faire parvenir aussi vite. Avant mes réunions du matin. C'était tellement jubilatoire... et j'avais pensé te montrer toute cette histoire dès ce soir. En fait, je vais te montrer exactement toute l'histoire telle qu'elle apparaît sur le site de nos amis italiens. Comme ça, tu verras aussi à quoi ça ressemble. Donc, ne t'effraye pas, la première partie est en italien, telle que je l'ai découverte au matin. Je l'ai mise en couleurs verte et mauve; elle comporte aussi une photo de Heider.  La seconde partie est en français et de couleur rouge et c'est celle où j'ai apporté ma contribution; tu y trouveras en plus un petit commentaire de Riccardo... Ce sera tout pour aujourd'hui... Mais nous nous reverrons bientôt avec la suite de nos feuilletons et des chansons.


Oui, j'en suis tout content, dit l'âne Lucien, mais avant de lire ce que tu m'as préparé, je voudrais savoir pourquoi tu as modifié ainsi l'orthographe du nom de ce héros si démocratique. Tu semblais avoir une explication particulière à me donner et il me paraît que tu allais t'en aller sans me la donner cette explication. Et comme je suis fort curieux, je la voudrais quand même...


Exact, Lucien, dit Mârco Valdo M.I.. Je me suis laissé distraire par mon propos et j'allais oublier de te donner cette explication. En fait, elle est toute simple. Commençons par le commencement. Riccardo Scocciante a fait sa chanson sous forme de parodie en partant d'une chansonnette qui a hanté les téléviseurs de toute la terre occidentale ou simplement, européenne, je ne sais trop, en servant d'indicatif à un des feuilletons télévisés les plus ringards de l'histoire (et Hermès sait qu'il y en a eu des feuilletons ringards sur les étranges lucarnes !). Ce feuilleton qui n'en finissait pas de feuilletonner s'intitulait Heidi et racontait l'histoire d'une petite Suisse ( et sans doute de petits suisses également) qui s'appelait Heidi et le feuilleton portait donc son nom au travers des airs jusque dans les foyers les plus reculés de la Romandie. Elle a dû en étourdir plus d'un parmi les jeunes téléspectateurs à qui on infligeait cette sombre historiette lactée et parmi ceux-là, il y avait certainement Riccardo Scocciante. La similitude phonique de Heidi et de Haider m'a conduit à créer ce mot-valise de Heider... Ce qui par parenthèse, ouvre la voie aux canards d'Autriche, les célèbres eiders, dont on fait des couettes et des oreillers... Comme tu vois, on fait dans le soporifique. Au fait, il a dû s'endormir au volant notre Heider d'élite... Et maintenant, allons-y...


Oui, oui, allons-y, dit l'âne en remuant la queue comme un métronome accéléré.


Une dernière chose quand même, dit Mârco Valdo M.I., le titre de la chanson italienne est Haider, Haider...  (calqué sur Heid, Heidi...) et le titre de la traduction que j'ai faite est celui que je te chantais et que je t'invite, comme j'invite tous les amis, à fredonner avec moi :

Heidi, Heido, Heida !  Heidi, Heido, Heida ! Heidi, Heido, Heida ! Ha, ha, ha,ha,ha, ha...

Heidi, Heido, Heida !  Heidi, Heido, Heida ! Heidi, Heido, Heida ! Ha, ha, ha,ha,ha, ha...









Haider, Haider

Riccardo Scocciante

Lingua: Italiano


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La goduriosa dipartita da questa valle di làgrime del merdoso leader nazifascista democràtico Jörg Haider, capo della BZÖ austriaca e altresì detto "L'infimo di Carinzia", ha ispirato al nostro Riccardo Scocciante questa riscritturina di una nota canzone per bambini, a suo tempo sigla del cartone animato roihageniano “Heidi” e cantata da Elisabetta Viviani (che fu fidanzata con l' "abatino" Gianni Rivera).

haiderbriaco


L'autore, scrivendoci, ha tenuto a precisare che è per lui motivo di assolutamente perfida soddisfazione il fatto che il suddetto sia venuto a mancare in circostanze del tutto degne dell'ultimo ragazzotto briaco che si stiànta dopo una sballosa notte in una discoteca di Riccione, andando briaco come un tègolo a 142 kmh dove c'era un limite di 70; viene solo da chiedersi la seguente cosa. Se, per caso, nella sua mortal carambola, il fascistone razzista austriaco avesse ammazzato qualche altra persona, gli sarebbe stato riservato lo stesso trattamento (in questo caso postumo) usato per un rom, o per un rumeno? Temiamo di no; del resto, è noto che questi tizi tutti law & order e tolleranzazzèro, sono immuni da tutte le norme che così volentieri applicano nei confronti degli altri.

Holaila, Holaila...

Haider, Haider, un nazista sui monti
Haider, Haider, eri triste laggiù in città
Accipicchia, c'è una curva fantastica
Haider, Haider, chi è briaco come te?

Holalaider, Holalaider, Holalaider, Holalaider
Holalaider, Holalaider, Holalaider, Holalaider
Ho-la-lai-der, Lai-der, Lai-do, Lai-do, Ha-ho

Haider, Haider, tenero, piccolo, con un Mein Kampf così!

Gli amici di montagna, Galan, Bossi e Borghe'
ti dicono sei un màrtire, ti spiegano il perché
Saresti indi uno strònzolo che in cielo sta a volar,
centoquaranta all'ora, ma non sai più piano andar?

Haider, Haider, ti tradirono i freni,
Haider, Haider, la Phaeton t'ha fatto "ciao"
Neve bianca, forse hai preso anche quella,
Haider, Haider, law & order ma per gli altri, ja!

Holalaider, Holalaider, Holalaider, Holalaider
Holalaider, Holalaider, Holalaider, Holalaider
Ho-la-lai-der, Lai-der, Lai-do, Lai-do, Ha-ho

Haider, Haider, tenero, piccolo, con un Mein Kampf così!

inserita il 15/10/2008 - 23:35

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HEIDI, HEIDO, HEIDA... HEIDI, HEIDO, HEIDA... AH, AH, AH ...


chanson italienne - Haider, Haider - Riccardo Scocciante - 2008
version française - HEIDI, HEIDO, HEIDA... HEIDI, HEIDO, HEIDA... AH, AH, AH .. - Marco Valdo M.I. - 2008


Un poing levé pour saluer la parodie d'Heidi-Haider de Riccardo.

Le joyeux départ de cette vallée de larmes du merdique leader nazifasciste démocràààtique Jörg Haider, chef de la BZÖ autrichienne et autrement nommé « L'infime de Carinthie » a inspiré à Riccardo Scocciante cette parodie d'une chanson pour enfants en son temps indicatif de ce dessin animé « Heidi »... (HEIDI, HEIDO, HEIDA... HEIDI, HEIDO, HEIDA... AH, AH, AH ...)
L'auteur, en écrivant, a tenu à préciser que c'est pour lui un motif de perfide satisfaction le fait que le susdit a manqué de la dignité élémentaire du gars bourré qui sort d'une discothèque de Riccione, allant soûl comme une tuile à 142 km/h où la limite était 70 km/h; on en vient à se demander la chose suivante. Si, par hasard, dans sa carambole mortelle, le fascistissime raciste autrichien avait tué une autre personne, lui aurait-on réservé le même traitement (en l'occurrence, posthume) qu'à un Rom ou à un Roumain ? Nous pensons que non; du reste, il est bien connu que ces types tout law & order et tolérancezéro, sont immunisés contre toutes les normes qu'ils appliquent volontiers à l'encontre des autres.


Holaila, holaila...

Haider, Haider, nazi des montagnes
Haider, Haider, tu étais triste ne bas en ville
Bordel, une courbe fantastique
Haider, Haider, qui est bourré comme toi ?

Holahaider, Holahaider, Holahaider, Holahaider,
Holahaider, Holahaider, Holahaider, Holahaider,
Ho-la-lai-der, Lai-der, Lai – do, Ha-ho.

Haider, tendre, petit, avec un Mein Kampf comme çà !

Tes amis des montagnes Galan, Bossi et Borghe'
te disent que tu es un martyr. Ils t'expliquent pourquoi
Tu es devenu un étron qui vole dans le ciel
Cent quarante à l'heure, mais ne sais-tu pas aller plus lentement ?

Haider, Haider, tes freins t'ont trahi.
Haider, Haider, la Phaeton t'a dit « ciao ».
Blanche-Neige, tu en as peut-être pris aussi,
Haider, Haider, law & order mais pour les autres, ja !

Holahaider, Holahaider, Holahaider, Holahaider,
Holahaider, Holahaider, Holahaider, Holahaider,
Ho-la-lai-der, Lai-der, Lai – do, Ha-ho.

Haider, tendre, petit, avec un Mein Kampf comme çà !

(inviata da Marco Valdo M.I.)

inserita il 16/10/2008 - 09:28


Un très grand merci à Marco Valdo M.I. pour le poing levé qu'il m'a offert avec sa traduction, qui représente aussi un beau poing serré dans le trouduc' des fachos européens, qui considéraient ce salaud comme un "exemple à suivre". J'en profite pour signaler que "Haider, Haider" a été reprise aussi par le site du Centre Populaire Autogéré CPA Firenze Sud de Florence.

νῦν χρῆ Mârco Valdo M.I.εθύσθην καί τινα πὲρ βίαν
πώνην, ἐπεὶ δὴ κάτθανε Mârco Valdo M.I.ύρσιλος.


"Maintenant il faut s'enivrer,
Il faut boire jusqu'à se soûler
car Myrsile est mort." (Alcée)

( Riccardo Scocciante)

inserita il 16/10/2008 - 11:37

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