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28 octobre 2008 2 28 /10 /octobre /2008 22:53

Ce matin, j'ai vu mon premier toit blanc...


Et moi, ma première prairie givrée, là bas le long des saules..., dit Lucien l'âne en se secouant rien qu'à l'idée de ses sabots bientôt gelés.


On dirait bien que c'est l'hiver qui commence à annoncer sa venue, dit Mârco Valdo M.I..


Il nous faudra sans doute trouver un coin abrité pour continuer nos lectures et nos conversations, dit l'âne Lucien


Ou alors, nous devrons nous résoudre à devenir des péripatéticiens, des déambulateurs et ainsi rester en mouvement, question de ne pas nous les geler. Ce sera en quelque sorte un retour aux sources de la philosophie...


Oh oui, dit Lucien en esquissant un pas traînant, je me souviens bien des allées-venues des philosophes de l'Antiquité, du temps où je commençais ma carrière de quadrupède. Ils allaient et venaient tout au long de la place et du jour, ils sillonnaient les allées du parc, ils remontaient la colline par un chemin entre les oliviers et la descendaient du côté des cyprès. Il y en avait même qui allaient d'un village à l'autre tout en devisant, ils longeaient la mer, ils ramassaient des cailloux, certains les mangeaient. Si, si, je te jure, il y en avait un surtout qui s'en était fait une spécialité. Pour le reste, ils étaient toujours dehors... Il faut dire que le temps s'y prêtait.




 


En effet, j'imagine mal nos philosophes marcheurs en robe et en sandales dans la neige, dit Mârco Valdo M.I.. Dans le brouillard épais de Dublin et environs, non plus ... Il faut être Sally Mara pour passer dans cette purée de poix sur une passerelle étroite; il est vrai qu'elle se tenait à la rampe d'un gentleman...


Quoi ?, dit l'âne. Dans la brume, dans le brouillard, traverser sur une passerelle dans l'obscurité de surcroît, pour une jeune fille inexpérimentée, c'est périlleux. Même en se tenant à la rampe. Enfin, il faut prendre les choses avec philosophie, dit la sagesse populaire. Ma grand-mère disait plutôt avec précaution.


Tout ceci, dit Mârco Valdo M.I., nous ramène à cette conception fort insulaire de la philosophie qui consiste la plupart du temps à deviser sur le temps qu'il fait, le temps qu'il fera, le temps qu'il a fait, le temps qu'il ferait et ainsi de suite.


Oui, dit l'âne en hennissant comme un cheval bourré, j'en ai connu un qui disait toujours à ce sujet : le temps est pluvieux, ça ne nous rajeunit pas. Faut dire qu'en même temps, il se frottait les reins, rapport à ses rhumatismes. D'ailleurs, il évitait de se promener près de l'étang. À propos de taons, avec ce temps qui refroidit, les taons disparaissent et ne me piquent plus. C'est une bonne raison d'aimer l'automne et l'hiver...



Oh, Lucien, on ne va pas quand même discuter du temps comme ça pendant cent ans. On s'y perd dans le temps, dit Mârco Valdo M.I.. Pour un peu, j'allais oublier pourquoi j'étais là et toutes mes belles promesses de te conter des histoires. Voilà, Lucien mon ami, que préfères-tu : une histoire nouvelle ou un épisode que je t'ai annoncé d'une histoire d'Achtung Banditen ! Cette fois-ci, c'est la suite de la trahison...


Oui, oui, Mârco Valdo M.I., dit l'âne un peu guilleret, je n'ai pas trop envie d'une nouvelle histoire et je me morfonds d'ailleurs du destin de nos amis de Rome. J'ai bien l'impression que leurs ennuis ne sont pas finis avec cette trahison... J'essaie de m'imaginer comment ils vivaient, comment ils arrivaient à supporter tout ça... Ce n'était pas le tout de faire des choses héroïques, il fallait vivre tous les jours et dans leur cas, en bêtes traquées. Et pendant des mois, des années et sans savoir pour combien de temps.... Ce devait être des temps difficiles...


Comme tu as raison, dit Mârco Valdo M.I., moi aussi, je me pose ce genre de questions. Sans compter ceux qui ceux qui se faisaient prendre, allaient en prison, étaient torturés, envoyés dans des camps ou étaient fusillés ou pendus....Il faut bien dire que nos temps sont moins difficiles. Je me dis parfois que ceux-là, ces Achtung Banditen !, ces terroristes étaient en fait, de véritables héros. Ce doit être le cas dans tous les pays occupés par des armées étrangères... Sans compter que l'oppression ne vient pas nécessairement ou entièrement de l'étranger, elle a des relais sur place. Généralement, le pouvoir en place. C'est particulièrement vrai quand on réfléchit dans le cadre de la guerre de cent mille ans, tu sais cette guerre que les riches et les puissants mènent contre les pauvres, ce qu'on pourrait appeler la guerre sociale. Dans cette guerre, l'armée qui opprime est forcément toujours celle des riches et des puissants. Les pauvres n'ont pas d'armée. Ils sont condamnés à la guérilla... Mais, voyons un peu ce que deviennent nos amis...


Oui, dit Lucien l'âne en approuvant d'un grand hochement de tête. Mais avant cela, je voudrais te dire deux ou trois choses. D'abord, celle-ci qu'il faut un fameux courage pour mener cette vie à l'encontre des forces du système en place, il y faut du cran et aussi, sans doute, renoncer à beaucoup de choses à commencer par la tranquillité, le confort, la sécurité... Il y faut une force d'âme, une conviction, un règle de vie, sans compter l'intelligence, l'habileté, le sang-froid et un sacré moral...


Certainement, dit Mârco Valdo M.I.. Il y faut de la rigueur, une confiance dans les autres, un sens aigu de la solidarité, une forme d'abnégation aussi... C'est un peu pour faire comprendre tout cela que j'ai voulu raconter ces histoires. On ne part pas en vacances dans ces circonstances et dans les seuls camps qui peuvent t'accueillir, l'alimentation est assez particulière et l'animation d'un genre plutôt spartiate. À condition d'en sortir vivant, on en garde des souvenirs pour le reste de sa vie. Des souvenirs et des séquelles.


Une autre, dit l'âne, et c'est la dernière pour cette fois-ci, une autre réflexion qui m'est venue, c'est que dans ce combat, pour nos amis, il n'y a pas d'arrières, ils sont toujours sur le front, car le front est partout. Non seulement cela, mais en plus, toute la population y est mêlée... Ce qui me frappe, ce sont les restrictions de ravitaillement, mais pas seulement. Des restrictions de déplacement, des restrictions de temps... J'imagine les rafles, quelle horreur ! Et elles frappent à l'aveugle; tu es là, tu es pris. Point final. Après, c'est le destin qui décide... On te relâche, on t'enferme, on te déporte, on te fusille, on te pend, on te noie.... Brrrrr ...


Alors, je commence, dit Mârco Valdo M.I.. Comme les précédentes fois, je reprends la fin de l'épisode précédent pour faire la liaison...




Selon notre plan, nous devions emmener avec nous de nombreuses armes à distribuer aux prisonniers auraient pu renforcer de cette façon le groupe nécessairement modeste des assaillants et contribuer au succès de notre action et à leur propre libération. Ce plan qui devait être exécuté avec les Gap du PSI et du Partito d'Azione fut toujours reporté et à la fin, il fut annulé.

À nous, il ne restait plus qu'à attendre d'être transférés en montagne.


(Suite au prochain épisode)


Ce fut à cette période que notre refuge de la via Sambucuccio d'Alando fut repéré par l'ennemi.

Nous y étions quatre : Carla, Corrado Noulian, Franco Di Lernia et moi.

J'ai déjà raconté cet épisode, en rapportant même la préoccupation grotesque fr Corrado Noulian, qui était ce soir-là avec nous, de sauver ses brosses à chaussures et sa brosse à dents.

Quoi qu'il en soit, nous réussîmes à nous sauver en nous jetant par la fenêtre.

À peine à terre, nous entrevîmes au coi de la rue une auto qui se dirigeait lentement vers nous. Nous nous éloignâmes dans le sen opposé, Carla et moi dans une direction, Corrado et Franco dans l'autre. Ils trouvèrent un refuge un bloc plus loin, dans la maison de la sœur de Franco. Moi, je pensais me diriger, avec Carla, vers la maison des marquis Solari, des amis de ma famille, qui habitaient dans le quartier de la place Quadrata.

Il faisait nuit noire. Nous devions traverser beaucoup de rues et de places pour rejoindre ce nouveau refuge et nos ennemis quadrillaient le quartier avec de nombreuses voitures pour nous chercher. Nous avions entendu des coups d'armes à feu provenant de la maison dans laquelle les Allemands étaient entrés en enfonçant la porte.

Immédiatement après, la chasse commença. Nous avancions en rasant les murs, Carla et moi, avec nos pistolets à la main. Par moments, surgies d'autres coins, certaines lentes, certaines rapides, des voitures se croisaient dans les rues où nous nous trouvions. Nous nous aplatissions contre les chambranles, serrés pour prendre le moins d'espace.

Les phares des autos ennemies fouillaient les recoins en se déplaçant en zig-zag afin de nous débusquer de l'ombre.

Glissant le long des murs, contre les portes, nous nous retrouvâmes dans l'allée de la Villa Massimo au moment où survenaient de deux directions opposées des véhicules ennemis. Nous nous plaquâmes contre les grands troncs, parfois étendus à terre, parfois accroupis, cherchant à nous confondre avec la zone d'ombre que les lames des phares laissaient par moment d'un côté, par moment de l'autre de l'avenue. L'un près de l'autre, l'arme au poing, nous changions souvent de position pour rester à couvert des lumières.

Le printemps qui s'avançait ne réussit pas, cette-là, à rompre l'écorce de tension qui nous enveloppait.

Peut-être les grillons chantaient-ils dans le parc autour de nous; certainement, n'y avait-il pas d'autre bruit, mais nous n'avions d'oreilles que pour les moteurs de l'ennemi qui s'approchait, s'approchait toujours plus, passait devant nous et puis s'éloignait. Une fois, deux fois, trois.

Je ne sais combien de temps passa ainsi. Quand je fus convaincu que l'ennemi avait cessé de nous chercher, nous bougeâmes et nous rejoignîmes la maison des Solari.

Je frappai. Le majordome vint nous ouvrir. « Qui êtes-vous ? », me demanda-t-il perplexe. Il ne m'avait pas reconnu.

« Bonsoir. Je suis Sasà, Sasà Bentivegna. » Je chercher à me remettre. Il me regarda stupéfait. Nous étions mal vêtus, Carla était déchaussée, sales de nous être si longtemps couchés à terre.

Arriva Maria-Antonietta, une des filles Solari; elle me reconnût, comprit immédiatement. La famille Solari était une famille d'antifascistes, organisés dans le Parti d' Action. Leur fils, Paolo, un jeune d'une rare intelligence et de grande culture, avait été arrêté par les fascistes dans les années précédentes.

Maria-Antonietta nous conduisit dans un salon où Madame Solari et ses filles étaient occupées à attendre que passe une autre triste soirée d'occupation. Elles écoutaient la radio. Elles ne nous demandèrent rien et affectueusement solidaires, avec une conversation générale, banale et détendue, elles nous rassérénèrent.

Elles nous donnèrent quelque chose à manger et à boire et s'organisèrent pour que nous restions cette nuit à dormir chez elles.

Le péril immédiat était désormais derrière nous, mais une autre grosse préoccupation me taraudait. Je savais, en effet, que le matin suivant, à 9 heures, Antonello Trombadori viendrait à la via Sambucuccio d'Alando pour nous indiquer notre nouvelle destination.

Notre refuge était devenu un piège pour Antonello, comme du reste, cela lui était arrivé en février déjà, quand il avait été arrêté à la via Giulia, dans la sainte barbe des GAP; et je ne savais comment faire pour empêcher que cette trappe ne se referme. Les règles conspiratrices étaient si rigides entre nous qu'il me serait certainement impossible de rencontrer Antonello avant qu'il ne se rende à note refuge, qui avait été occupé par l'ennemi quelques heures auparavant.

Je fus contraint d'en parler aux Solari. Antonello et Paolo avaient été en prison ensemble en 1941 et entre eux, il y avait une sorte d'amitié qui transcendait le rapport politique. Il était probable dès lors qu'ils pourraient m'indiquer comment le trouver. Lucia Solari surtout qui était l'amie de Fulvia Trozzi, la fiancée d'Antonello. Elle me donna l'adresse de Fulvia et le matin, à l'aube, je pus avertir Antonello.

Carla rétablit de son côté le contact avec Fiorentini et avec l'estafette qui, chaque jour, nous apportait nos ordres.


***********


Le jour suivant, nous fûmes envoyés dans de nouveaux refuges : Mario Fiorentini et moi chez un ingénieur à Parioli, lequel nous hébergea dans sa belle villa sans savoir qui nous étions. Carla, de son côté, fut envoyée chez une professeure qui avait été collègue d'université d'Antonio Gramsci.

Nous dormîmes dans cette confortable maison une paire de nuits et cela nous sembla un rêve. Massimo Aloisi, assistant en Pathologie générale à l'Université de Rome, était réfugié là aussi. Je fus heureux de cette rencontre. J'estimais et j'aimais Aloisi, dont je connaissais l'intégrité morale et la capacité scientifique outre le fait qu'il était communiste. Avant même de le connaître, j'en avais entendu parler par son maître, Guido Vernoni, qui dans son discours d'introduction de l'année 1941, nous avait lu des extraits des lettres que son élève, alors officier en service, avait envoyées du front. De celles-ci transparaissaient le haut degré de civilisation et l'humanité de ce jeune scientifique. L'orgueil du maître était bien placé, me semblait-il et nous en tirâmes une leçon morale. Aloisi avait été arrêté avant le 25 juillet et libéré quelques jours avant le 8 septembre. Je le rencontrai avec grande joie dans la maison qui nous hébergeait.? Le connaître personnellement fut pour moi un motif de satisfaction. Notre contact resta, pourtant, plutôt superficiel car les règles de la conspiration empêchaient tant lui que moi d'échanger nos expériences et nos idées. Au cours de la seconde nuit que nous passions là, nous étions endormis quand le maître de maison vînt nous avertir que la police arrivait. Mario et moi, nous empoignâmes nos révolvers, nous sortîmes en courant de la maison et nous nous éloignâmes à travers les jardins des villas voisines.

La police effectivement avait pénétré dans une maison et elle la perquisitionnait. Elle ne nous cherchait pas; ils cherchaient des voleurs qui avaient caché dans cette petite villa des bidons d'essence pour le marché noir? Le maître de maison, cependant, en nous voyant aussi décidés et prêts à user de nos armes et pas du tout intimidés ou apeurés par le danger qui semblait imminent, comprit que nous n'étions pas les jeunes déserteurs qu'on lui avait dit qu'il devrait cacher. Et il nous invita à déloger sur le champ. Ceci accéléra mon départ pour Palestrina.



**********


Raoul Falcioni fut arrêté par Guglielmo Blasi dans des conditions différentes de celles de Spartaco et des autres.

Raoul était un ami de Blasi et Blasi chercha d'abord à le convaincre de se comporter comme lui. Dans l'attente, toutefois, que Raoul se décide, il le fit mettre en prison avec nos autres camarades.

Raoul se concerta avec Spartaco; ils décidèrent qu'il suivrait la suggestion de Blasi avec cependant l'objectif d'éliminer Koch. Ce fut ainsi que Raoul passa en apparence au service de l'ennemi en réussissant à s'attirer la sympathie de Koch jusqu'à en devenir le chauffeur. L'accord intervenu en prison entre Raoul et Spartaco, n'était pas dans un premier temps parvenu au Commandement qui nous donna l'ordre de tirer à vue sur Raoul si nous le rencontrions, ainsi que nous aurions dû le faire contre Blasi.

Raoul entretemps chercha à rétablir le contact avec notre organisation par le biais de Fernandino Vitagliano, qui, avec Francesco Curelli et Maria Garelli. Était l'unique rescapé des Gap du réseau « Sozzi-Garibaldi ».

Fernandino, quand il vit Raoul s'approcher, mit immédiatement la main en poche. « Laisse ton pistolet, ne fais pas de sottises », lui dit Raoul. « je dois te parler ». « Ça va, mais ne t'approche pas et ne bouge pas. Parle. », lui répondit Fernando. Et Raoul parla. Il lui dit son accord avec Spartaco, comment il était devenu le chauffeur de Koch et son plan pour libérer la ville de ce bandit.

Fernandino resta perplexe et lui donna un rendez-vous pour le lendemain. Il consulta le Commandement et il fut décidé de faire confiance à Raoul et de préparer l'action.


(Suite au prochain épisode)





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