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17 juin 2013 1 17 /06 /juin /2013 14:25

 

 

LE MIRACLE DE BOLOGNE (SUITE)



FAISONS L'HYPOTHÈSE

 

Discours de Piero Calamandrei au IIIième Congrès de l'Association de défense de l'école nationale – 11 février 1950 – Rome



Texte italien : http://www.uaar.it/uaar/ateo/archivio/2002_3_art1.html

 

Calamandrei-Discorso-Uaar.jpeg

 

Incroyablement lucide et actuelle cette question de Piero Calamandrei à ses collègues enseignants d'Italie : « Êtes-vous vraiment sûrs qu'en Italie nous ayons l'école laïque ? » Les gens de Bologne n'en sont pas vraiment sûrs, eux qui réclament une école véritablement publique et pas un ersatz privatisé et sous-traité à l'Église catholique. Micro-Mega titre au lendemain de ce référendum : « Miracle à Bologne »... [http://temi.repubblica.it/micromega-online/miracolo-a-bologna-davide-batte-golia/] et en effet, c'en est un. Quelques laïques de bonne volonté, écœurés par le système en place (Cet écœurement, c'était déjà la position des premiers antifascistes lorsqu'ils lancèrent en janvier 1925 de Florence le journal clandestin : « Non Mollare! » – Ne pas céder !), ont affronté tout l’establishment ou comme on dit en Italie, toute la caste et l'ont emporté.

C'est d'ailleurs un des arguments fondamentaux (c'est le cas de le dire) avancés par Calamandrei qui servit de fondement au groupe « Article 33 », qui a fédéré les citoyens de Bologne : la constitutionnalité de l'école, l'absolue priorité de l'école publique, la subsidiarité de l'école privée (fût-elle sous l'aile protectrice de l'évêché et du Vatican) et l'impératif constitutionnel qu'elle ne coûte rien à la collectivité publique.

On verra ci-après que Calamandrei est respectueux du prescrit de la Constitution qui est double : l'État, le service public doit fournir aux citoyens les meilleurs écoles à tous les niveaux et la liberté accordée de créer des écoles privées, mais sans qu'il en coûte à la collectivité. Car et c'est là aussi l'intérêt du discours de Calamandrei, cet argent, ces subventions publiques à l'enseignement catholique se feraient nécessairement au détriment de l'enseignement public, gratuit et démocratique, au détriment du meilleur enseignement et conduirait (et ce n'est pas innocent) à la destruction de l'enseignement public et dès lors, au détricotage de la Constitution et de cet embryon de démocratie qu'elle avait mis en place.



Il est intéressant de lier ce discours à celui que le même Piero Calamandrei fit quelques années plus tard devant les étudiants à la Société Humanitaire de Milan, le 26 janvier 1955, où il met en garde les jeunes gens contre la « desistenza » – désistance, qui au détricotage de la Constitution ajoute le retour progressif des fascistes dans la vie quotidienne et politique italienne et une sorte de grimace de mépris vis-à-vis de tout ce qui touche à la Résistance. À partir de là, on comprend le terrible destin de déchéance qui a frappé l'Italie depuis la liquidation du gouvernement de Ferruccio Parri en 1946 – issu de la résistance au fascisme, ce gouvernement n'eut pas l'heur de plaire aux libérateurs atlantistes... On imposa la démocratie chrétienne et l'heure des grands arrangements, comme on dit aujourd'hui : des « larges ententes » (larghe intese). Ces « larges ententes » qui font actuellement fureur en Italie (bâties sur le chantage : ou on vote la confiance ou c'est le chaos – rengaine de toutes les dictatures), se retrouvent d'ailleurs un peu partout en Europe ; ce sont elles, ces larges ententes, qui servent à faire avaler la « pilule de crise » aux populations médusées. C'était aussi l'argument (Ou le vote de confiance au Chancelier ou la dissolution et le chaos) qui l'emporta au Reichstag, le 30 janvier 1933 et mit en selle le Troisième Reich, celui qui devait durer mille ans.



L'école – à tous ses niveaux – telle qu'elle est prévue et voulue par la Constitution, l'école publique et démocratique sert à préparer, à former la classe – je dirais la couche – dirigeante de la société. Calamandrei ajoute « et non la caste »... et ô combien, il voyait juste. Il s'agit de l'école de la démocratie et souligne Calamandrei : « La démocratie doit servir à rendre chaque homme digne d'avoir sa part de soleil et de dignité. »



Dès lors, priorité absolue à l'école publique : « L'État doit établir ses écoles. Avant tout l'école publique. Avant d'exalter l'école privée, il faut parler de l'école publique. L'école publique est le prius, la privée est le posterius. » Priorité de principe et conséquemment, tous les moyens de cette priorité.



Ce discours est intitulé : « Faisons l'hypothèse... » et ce ne peut être par hasard, mais tout au contraire, le titre est là pour attirer et focaliser l'attention sur le point central de l'analyse de Calamandrei. Et où trouve-t-on ce « Faisons l'hypothèse... » ?  On trouve cet écho du titre juste au moment du discours où Calamandrei aborde l'école de parti, qui pour lui, est l'antithèse de l'école d'État démocratique. Mais qu'on ne s'y trompe pas, quand Calamandrei parle des écoles de parti, il vise clairement un parti : la démocratie chrétienne, qui pendant quarante ans va tenir l'État italien sous son auréole. Aujourd'hui qu'elle a disparu en tant que parti, elle se reconstitue en tant que caste ou que mouvement souterrain téléguidant les partis – de gauche comme de droite – P.D. ou PDL et quand il y a lieu, du centre. Elle est devenue ubiquitaire. Elle s'est infiltrée partout, elle a essaimé partout ; en cela, elle retrouve son origine, elle est catholique bien plus que chrétienne. C'est sous son empire que l'on a maintenu les cadres issus du fascisme en place, c'est sous sa houlette que l'on a laissé prospérer les rejetons du ventennio, des vingt ans de fascisme.



Disons-le tout net,pour ce qui des résurgences et des régurgitations futures, Calamandrei voyait juste et clair, tout comme l'avait fait également Carlo Levi dans son roman L'Orologio (1948) et dans ses éditoriaux d'Italia Libera, quand il dénonçait la liquidation du gouvernement de Ferruccio Parri et des Comités nationaux de la Libération.



Comme on le voit, la question de l'école et de l'enseignement n'est pas neutre, n'est pas une pure affaire comptable....







Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.



 

Comme on le voit, la question de l'école et de l'enseignement n'est pas neutre, n'est pas une pure affaire comptable....

 

En raison de la longueur du texte, il nous a fallu le scinder... la suite sous le titre Faisons l'hypothèse (2)  Discours de Piero Calamandrei

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