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4 octobre 2008 6 04 /10 /octobre /2008 23:05

 

 

Il y a tant de choses à dire, tant de choses à savoir, tant de choses à apprendre, tant de choses à entendre... Je ne vois pas le bout du temps qu'il me faudrait. Ah là là, il y faudrait mille heures par jour; j'arrive plus à me suivre. Mille jours par semaine, mille semaines par mois, mille mois par an... J'y arriverais peut-être alors...

 

Qu'est-ce que tu chantes là ?, dit l'âne Lucien en arrivant d'un pas syncopé comme s'il se trouvait sur une scène en danseur de claquettes. Je ne comprends pas vraiment ce que tu veux dire...

 

Et pourtant, dit Mârco Valdo M.I., la chose est toute simple : je n'ai pas assez de temps pour vivre. Tout est trop court, trop étriqué. La vie est un costume trop étroit, une chemise dont je n'arrive pas à fermer le col, un pantalon qu'il faut toujours laisser ouvert à la ceinture, des chaussures où les orteils tentent désespérément de sortir en trouant les bouts. Comme tu l'entends, ce n'est pas un problème d'espace, ni de place, ni de déplacement. C'est juste un problème de temps. Il n'y en a pas assez.

 

Pas assez, pas assez... C'est vite dit. Je pense quant à moi, dit Lucien l'âne à l'arrière-train plus solide que le roc, qu'il y en a trop, que les jours sont longs, qu'on peut baguenauder comme on veut et qu'il en reste encore à attendre pour te voir et t'entendre. J'ai eu tout le temps d'aller brouter, de faire la cour à deux ou trois ânesses de ma connaissance, de bavarder avec Martin, l'âne du voisin et même, de m'offrir une longue ballade dans les bois et ce n'est pas exceptionnel, c'est une journée banale depuis qu'on ne nous force plus à travailler et qu'on ne nous utilise plus comme des esclaves. Et toi, tu me dis que tu n'as pas assez de temps... Explique-moi donc où le temps te manque ou ce qui fait qu'il te manque ainsi.

 

Je vais essayer de t'expliquer la chose, mon bon Lucien. Je vais le faire, car c'est toi qui me poses la question. Mais je compte beaucoup sur ta compréhension, car la chose est assez hallucinante. C'est que je me bats contre ce flot ininterrompu d'idées, de mots, de phrases qui déferlent dans ma tête et que la seule façon d'y faire vraiment face sans dépérir est de les mettre en œuvre. Et c'est là que se pose le problème avec le temps. L'idée est là, je vois littéralement qu'il y a telle ou telle histoire ou chanson à raconter, à dire. Pour être juste, j'en vois de nombreuses en même temps et l'écueil, c'est qu'il faut passer par la voix ou l'écriture, peu importe, pour précisément mettre les choses en œuvre. Il y a là une sorte de goulet qui ralentit tout et n'autorise qu'un seul pas à la fois, qu'un seul mot, qu'une seule lettre. En soi, vois-tu, Lucien mon ami, dit Mârco Valdo M.I., cela ne me dérange pas, mais il y faut du temps. Regarde, une page comme celle-ci, pour un blog – quasiment confidentiel au demeurant – de ce genre prend entre quatre (c'est le minimum) et huit ou dix heures. Ici, il a fallu d'abord trouver le sujet, puis, le traduire, puis ensuite le copier, puis, le mettre en page, puis, il faut y ajouter notre présente conversation et la recherche... des photos qui vont l'illustrer.

 

 

Évidemment, vu comme ça, si tu dois trouver tant d'heures rien que pour notre petite conversation... et j'imagine bien que tu fais d'autres choses que de converser avec moi. Déjà, toutes ces chansons que tu traduis, puis aussi ta vie banale, quotidienne...

 

Prends une chanson, mon bon Lucien, dit Mârco Valdo M.I.. Il faut bien imaginer que cela prend du temps aussi. C'est un processus très proche de celui de nos conversations. Une chanson ainsi, c'est généralement au moins deux heures. Puis, il faut faire toutes les choses d'une vie courante : les ménagères et les autres. Il y a une sorte d'administration de ta vie que la société t'impose; il y a aussi tes engagements sociaux, si tu en as – moi, j'en ai. Il faut aussi lire parfois, il importe également de se promener... et comme tu sais et tu le fais, il faut aussi un peu de temps pour le sentiment... et puis aussi, pour les amis. Et bien, souvent, j'ai à peine vu passer le matin qu'on est arrivé au soir.

 

Je comprends bien mieux maintenant. Tout ça, c'est parce que tu veux faire des textes, des chansons... dans le fond, ce n'est pas vraiment nécessaire, rien ne t'y oblige.

 

Là, tu as à la fois, raison et tort. Dans l'absolu, évidemment, rien ne m'y oblige. C'est tout à fait vrai. Cependant, dans ma réalité, dans ma vie telle qu'elle se passe en moi, c'est une nécessité impérieuse. Je pense que c'est ainsi que doivent le ressentir les artistes, les vrais, ceux qui créent. Crois-moi, même à ma petite façon quotidienne qu'on ne saurait en aucun cas comparer aux tâches d'un véritable artiste, c'est quelque chose d'indispensable et qui a vraiment besoin de prendre toute sa place. En somme, c'est tout bêtement une sorte de respiration vitale. L'oiseau ne peut s'empêcher de chanter, le prunier de donner des prunes...

 

Je pourrais t'objecter que tu n'es ni un oiseau, ni une prune... et même que tu es un homme et que pour ce que j'en sais, dit l'âne en agitant sa queue d'un mouvement saccadé, répétitif, l'homme dispose de ce qu'il appelle sa liberté, il lui est loisible de décider de ce qu'il veut faire, de disposer de son temps. Il me semble, en tout cas. Mais arrêtons là pour aujourd'hui et dis-moi plutôt ce que tu me réserves comme histoire. Est-ce encore une histoire de prisonniers, un récit d'Achtung Banditen !... ?

 

Juste, mon bon Lucien, dit Mârco Valdo M.I.. Tout à fait juste. Il s'agit bien d'Achtung Banditen !, de gens qui sont poursuivis (en fait, furent, car c'est une histoire ancienne) comme terroristes et par toutes les polices du royaume et même, l'armée et les bandes armées du pouvoir. L'alerte est donnée sur des milliers de kilomètres et... En fait, je vais te raconter cette histoire pour donner un message d'encouragement et d'espoir aux camarades en prison ( il y a bien sûr parmi eux, notre ami Camenisch, mais bien d'autres et dans de nombreux pays – là aussi, il y faudrait du temps pour le dire et du temps pour l'écouter...) ou qui vivent dans la clandestinité ou qui vivent dans des pays où règne la terreur d'État... En fait, il n'y a des terroristes qu'à partir du moment où existe une terreur d'État ou d'entités qui exercent du pouvoir sur les personnes et les peuples. Le « terrorisme » est une accusation lancée par ceux qui pratiquent la terreur contre ceux qui essayent de s'en défendre... Tu vas voir d'ailleurs ici qu'il ne faut pas nécessairement utiliser des armes ou agir avec brutalité pour être considéré comme terroriste... Mais pour ce point, je te laisse découvrir l'histoire.

 

Halte ! Tu t'égares. Dis-moi en quoi elle est un message d'encouragement et d'espoir pour ceux qui souffrent en prison ou qui doivent se défendre ou se cacher pour survivre...

 

Et bien, Lucien mon ami, car c'est une histoire d'évasion. En clair, on peut échapper à la prison, à la terreur... Tu verras que c'est possible, qu'il y faut sans doute du courage, de l'audace, de la ténacité... et de la solidarité.

 

 

 

 

 

Les prisonniers s'évadent parfois.

 

Une histoire italienne qui ne doit pas être oubliée.

 

 

  Photo G.L.

À LA FIN DE 1926 FUT MISE EN ŒUVRE LA FUITE DE LA « PRISON ITALIE » DE PERSONNAGES COMME FILIPPO TURATI, CLAUDIO TREVES, GIUSEPPE SARAGAT E PIETRO NENNI

 

( tirée d'un article de l'Avanti du 30/12/2006 par Aldo Chiarle )

 

 

Après la dissolution des partis, après l'approbation des lois spéciales avec la fermeture de tous les journaux d'opposition, il ne restait plus aux hommes libres que la voie de l'exil, pour continuer à l'étranger, en terre de France, la lutte pour la liberté et pour le socialisme.

 

En novembre et décembre 1926 s'évadèrent deux grands anciens du socialisme, Filippo Turati et Claudio Treves et abandonnèrent aussi l'Italie deux socialistes, Giuseppe Saragat et Pietro Nenni, qui après la libération seront, pendant des dizaines d'années, les premiers acteurs de l'idéal socialiste. Leur « fuite » d'Italie fut douloureuse et difficile, mais c'est une page d'histoire que malheureusement trop de jeunes ne connaissent pas.

 

 


L’évasion de Treves, Saragat et Nenni

 

Le 20 novembre 1926, Claudio Treves et Giuseppe Saragat s'évadèrent de la « prison Italie ». On se rappelle leur fuite vers la liberté avec les mots de Vera Modigliani, déjà à Paris, et de Saragat. Vera Modigliani raconte : « Claudio Treves, notre grand Treves, s'évada et nous rejoint en décembre 1926 à Paris. Il entra dans la « Popote » (nous étions dans la salle) tandis que nous nous mettions à table.

Il n'y eut qu'un cri de tous : « Treves ». Nous allâmes à sa rencontre... Mais il avait un visage si fatigué, si douloureux, que nous osâmes à peine lui faire fête. Nous qui l'avions laissé deux mois plus tôt, nous le trouvâmes changé comme s'il s'était passé des années. Ses joues paraissaient creuses, son visage contracté. Peut-être était-ce la fatigue, certainement la douleur, qui lui faisait ce visage.

Il se mit à table sans parler et il nous paraissait à peine licite de l'interroger : Turati ? - Il n'est plus à Milan. Ta famille ? - Elle est restée là. Comment es-tu passé ? - Par la montagne avec Zannerini et Saragat. Il avait encore le bâton qui l'avait aidé dans cette traversée fatigante. Il nous regardait avec une certaine stupeur car nous tous, nous avions l'air parfaitement équilibrés. Abandonner sa famille, abandonner Filippo, abandonner son pays était certainement un déchirement... Il était parti comme nous tous, poussé par les amis, par la famille, se coupant par force de tout ce qui lui était cher. »

 

Et voici le récit de Giuseppe Saragat : « Le guide nous précédait. Treves montait avec une respiration lourde de fatigue. Je fermais la marche. Vers midi, un geste du guide nous avisa que nous étions sur le point d'entrer dans la zone périlleuse. Les ordres de Mussolini étaient formels : faire feu sur quiconque était trouvé à circuler le long de la ligne de la frontière. On risquait un balle ou la prison. Mais l'enjeu était la liberté. En avant donc pour la montagne piège. Nous traversâmes en courant la crête découverte du mont et nous dévalâmes par le versant opposé dans les fourrés épais. La frontière était encore éloignée d'une paire de kilomètres. J'avais enlevé à Treves son pardessus pour qu'il puisse avancer plus rapidement. Pour moi, cette course dans les bois était un jeu; pou lui, qui n'était plus jeune, et plus habitué à feuilleter des livres que de cheminer par les sentiers alpins, ce n'était pas un mince effort. Une ou deux fois, il trébucha et tomba. Par chance, il ne se fit pas mal. Il ne voulait pas être soutenu pour ne pas ralentir notre marche. D'un coup, le guide qui nous précédait d'une dizaine de pas fit un signe. Il était convenu qu'à cinquante mètres de la frontière, constamment parcourue par des patrouilles, nous nous arrêterions pour reprendre souffle.

Nous devions ensuite nous précipiter en courant vers le bois, passer la frontière et ne nous arrêter qu'à un demi-kilomètre de là, en dehors de la portée des fusils et de l'éventuel zèle extraterritorial de nos anges gardiens. Il se reposa un moment et puis, il dit : Allons. Nous fîmes signe au guide, puis nous nous élançâmes vers la Suisse. En quelques instants, nous fûmes à la frontière. Nous la franchîmes d'un bond sans voir âme qui vive (nous sûmes par la suite qu'une patrouille était passée quelques instants avant), et nous entrâmes, toujours en courant, sur le territoire suisse. Nous nous arrêtâmes essoufflés devant une cahute dans le bois. Nous étions sauvés. Un montagnard aux proportions athlétiques nous offrit une tasse de lait et un morceau de fromage. Je mangeai avidement. Une course en montagne à vingt-sept ans met toujours en appétit. Treves ne toucha quasiment pas la nourriture... Arrivés dans un petit village, je téléphonai à Lugano pour avertir ces excellents camarades qui nous envoyèrent une automobile.

Quelques heures plus tard, nous filions à grande vitesse par la route qui longe le lac vers cette gracieuse ville. Le lac était tempétueux. Suffoqué par les montagnes, suffoqué par le vent, il se débattait avec une fureur désespérée comme un prisonnier qui veut se libérer. Le lac a raison, murmurait Treves, le lac a raison. Notre ami luganais qui était avec nous dans l'automobile ne comprenait pas. Je serrai avec dévotion la main de mon maître : si, Treves, le lac a raison. » Et quelques jours après, avec une autre aventure difficile, Pietro Nenni aussi abandonnait l'Italie et arrivait à Paris.

 

  Photo G.L.



La “fuite” de Filippo Turati

 

Fin novembre 1926 : à Milan, la bande noire parcourait les rues de la ville en portant des écriteaux qui demandaient , après celle de Matteotti, la tête de Turati. Les menaces fascistes contre le père du réformisme italien se multipliaient et les persécutions se faisaient toujours plus impudentes. es amis les plus proches, ses camarades craignaient pour lui et à son insu, ils étudièrent et préparèrent un plan pour sauver le maître. Parmi les « conjurés » qui prirent cette grave responsabilité, il y avait Carlo Rosselli, Ferruccio Parri et Italo Oxilia. Filippo Turati ne voulait pas abandonner l'Italie; il voulait encore lutter et seule la violence filiale de Carlo Rosselli réussit à vaincre sa réticence. Le Maître sentait que son voyage serait sans retour. La fuite de Milan se déroula sans incidents, malgré l'intense surveillance de la Police, qui pendant bien cinq jours fut trompée et continua à monter la garde devant la maison vide. L'alarme fut donnée le sixième jour et un inspecteur général débarqua à Milan.avec l'ordre spécial de Mussolini de retrouver Turati coûte que coûte.

Tous les postes de carabiniers furent mobilisés. Manquée la tentative d'expatriation par terre, les amis de Turati choisirent la voie de la mer, mais la Riviera ligure était en état d'alerte. Le commandant Italo Oxilia, homme de mer, qui s'était rendu à Gênes pour acheter un bateau fut, au retour, arrêté aux portes de Savona par une patrouille de soldats avec des fusils pointés; des vedettes armées croisaient continuellement dans les eaux territoriales et au large de la côte de Gênes à Vintimille. Cela étant, la nuit du 11 et 12 décembre 1926, comme il avait été établi, on partit. C'était une nuit glacée et pluvineuse : une petite compagnie prit la route de Valleggia, où était hébergé Turati, vers Porto Vado, lieu fixé pour le départ. La compagnie était composée de trois personnes : deux jeunes femmes donnaient le bras à un homme d'âge avancé, au visage enveloppé et presque caché par une écharpe de laine. Le petit groupe avait laissé le village et se dirigeait vers la route Aurelia en direction du lieu fixé pour le rendez-vous avec le bateau. À mi-chemin, la compagnie à laquelle s'étaient ajoutés Carlo Rosselli, Ferruccio Parri et Sandro Pertini, abandonna la route et après une brève déviation, se cacha dans les profondeur d'un fourré de genêts.

Tout à coup, des voix retentirent out près et on entendit l'ordre Halte. Une autre voix avec un ton calme et tranquille répondit. C'était une patrouille de la douane qui avait surpris le bateau. Le pilote parlait de panne de moteur, de répartition et assura qu'il continuerait bientôt en direction de Savona. Le bruit d'un moteur s'éloigna, un bref bruissement qui se perdit dans le bruit du ressac et puis, plus rien.

Le plan avait-il échoué ? Le temps passait et l'attente devenait insupportable. Finalement, le bruiit d'une voiture s'approcha. C'était un taxi; en descendit un homme qui se dirigea directement vers les buissons : c'était le commandant Italo Oxilia qui venait chercher Turati et les autres. La surprise de la douane avec envoyé en l'air le plan prévu avec tant de soin. Il fallait choisir un aute endroit pour l'embarquement. On arriva à Savona, dans la localité de Pesci Vivi. Il pleuvait fortement et dans le restaurant voisin, les fascistes avec à leur tête Lessona fêtaient et trinquaient à Mussolini rescapé quelques jours auparavant à l'attentat de Bologne.

Turati et tous les « fuyards » passèrent devant le restaurant un par un et montèrent dans le bateau. On détacha l'amarre et on partit. Ils furent bien rapidement hors du port de Savona. Tout s'était bien passé. Ils firent route sur la Corse, ma le bateau n'était certainement pas un des plus indiqués pour une traversée semblable. À la barre : Oxilia; le secondaient dans les manoeuvres son frère Giacomo, Lorenzo Da Bove et Emilio Ameglio.

Turati, légèrement fatigué, était à la proue et souriait. Parri et Rosselli un à la proue, l'autre à la poupe, avec un seau travaillaient continuellement pour écoper l'eau qui à chaque vague inondait la barque. Un vent violent de sirocco rendait la mer encore plus agitée et la navigation difficile. M^me la boussole ne fonctionnait pas et Oxilia traça la route à l'aide des étoiles. Une vague plus violente remplit l'embarcation et noya le magnéto. Le moteur s'arrêta et commença un travail fébrile de démontage et de remontage. Finalement, le moteur repartit, mais aux premières lueurs de l'aube on ne voyait encore que le ciel et la mer.

 

 


Carte à la main, on s'employa à la reconnaissance de la côte : voilà, le Cap de la Morsetta, le Cap d'Azzo sur la côte Nord occidentale de la Corse. On entra dans le port de Calvi et on s'amarra au quai. Turati était sauf., mais l'accueil ne fut pas des meilleurs. Les douaniers arrêtèrent le groupe, en criant que c'étaient des espions fascistes. Mais Turati dit son nom et une grand émerveillement se dépeint sur le visage du commandant. Le préfet d'Ajaccio fut immédiatement averti et sa réponse fut rapide : les nouveaux venus devaient être considérés non comme des prisonniers, mais comme des amis de la France libre. Dans l'après-midi du jour suivant le débarquement, la compagnie se sépara. Turati et Pertini devaient partir par le postal du soir vers Marseille, tandis que les autres devaient rentrer en Italie.

À quinze heures, Oxilia actionna le moteur et Turati, tête découverte avec le visage strié de larmes, faisait se la main l'ultime salut. La destination du bateau était La Spezia. À cinq heures du matin, la côte et on alla vers Marina di Massa où Parri et Rosselli avaient des mais. Mais ils n'avaient pas encore mis pied à terre qu'ils furent immédiatement arrêtés; Oxilia fut très rapide à relancer le moteur et à faire toute sur La Spezia, dans le port de laquelle ils entrèrent et amarrèrent juste à côté de la capitainerie du port.

Da Bove descendit en ville pour acheter des habits qui permettent à ses camarades de se changer et de ne par paraître suspects? Mais il fut reconnu et arrêté. La faute était aux journaux; un accord précis avec les journalistes corses et en particulier avec ceux de l'agence « Havas » prévoyait que la nouvelle de l'expatriation de Turati devait être tenue secrète pendant trois jours, mais la promesse ne fut pas tenue. Italo Oxilia chercha à repartir pour la Corse, mais il ne put le faire à temps car un groupes de soldats fit irruption sur le quai en séquestrant le bateau. Il réussit à fuir et il fut accueilli chez des amis sûrs pendant quelques jours; le 31 décembre, il rejoignait à skis, à travers de Chaberton1 en terre France, ses camarades de confiance et de lutte et il organisa avec Gaetano Salvemini et Alberto Tarchiani, la farce des Lipari qui rendit la liberté à Rosselli, Lussu et Nitti.

 

 

1Chaberton : Le Mont Chaberton (3.131 m.) se trouve sur la commune de Montgenèvre et est aisément reconnaissable à sa forme pyramidale et à son sommet plat.
Il est également usuellement nommé Chaberton. Jusqu'en 1947, le Mont Chaberton faisait partie intégrante de l'Italie. Avant la seconde guerre mondiale, les troupes italiennes y ont construit une batterie de huit tourelles surmontées de canons, tournées vers la France et Briançon défendant ainsi le passage du col de Montgenèvre. Pour cela, les soldats et ingénieurs ont réalisé une route depuis le village de Fénils (Val de Suse) et ont "abrasé" le sommet du Chaberton afin de créer un glacis défensif des tourelles. Le fort, parfois surnommé, "fort des nuages", faisait l'orgueil des militaires italiens, et était réputé, à l'époque, comme le plus haut et l'un des plus puissants du monde. Quelques jours après l'entrée en guerre de l’Italie, en juin 1940, guidés par les observateurs du fort du Janus la batterie italienne fut détruite par les tirs de l'artillerie française (154e Régiment d’Artillerie de Position). A l'issue de la guerre, le vallon des Baisses, le sommet du Chaberton et la batterie furent annexés par la France, déplaçant, de fait, la frontière.

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30 septembre 2008 2 30 /09 /septembre /2008 22:58
Tiens, tiens, mais qui voilà, ça fait longtemps que je ne t'ai vu, dit Lucien l'âne au pelage trempé par cette pluie qui mouille tant et refroidit jusqu'aux os les plus résistants.

 

Oui, tu as raison, mon ami Lucien. J'ai été un peu occupé ces derniers temps. Mais laisse-moi te dire que j'ai grand plaisir à te revoir. Figure-toi que je suis parti en voyage dans un pays lointain et qu'un de ces jours, je te ferai voir le petit voyage en images que j'en ai rapporté. Il est plein de soleil et de lumière. À mon avis, il te plaira assez...


Ah mais, voilà qui est intéressant, mon ami Mârco Valdo M.I., dit l'âne en secouant la pluie qui lui coule le long du dos. Où donc as-tu été et si ce n'est pas trop indiscret qu'as-tu été y faire ?


Je te le dirai et même, je te le raconterai en images, mon cher ami Lucien, mais aujourd'hui, je veux te parler d'autre chose... Quoique ce ne soit pas vraiment hors sujet. Tu te rappelles bien, sans doute, que j'avais écrit une histoire d'émigrants et même, plusieurs. Celle du grand-père de mon ami Roland et celle d'une association d'émigrés italiens, appelée Leonardo da Vinci. Je ne t'avais peut-être pas dit à ce moment que j'y avais passé presque un an ou plus à faire ce livre... Ce fut une terrible aventure, tout comme l'exposition sur « Carlo Levi, antifasciste italien. Peintre et écrivain. » que j'avais réalisée au Musée de Mariemont; cette exposition avait notamment pour objectif de faire entrer l'émigration italienne dans un lieu où elle n'avait pas l'habitude d'aller. Et d'y entrer par la grande porte, Carlo Levi, comme tu t'en souviens, avait créé une des plus grandes associations de l'émigration italienne et sans doute, de l'émigration en général : la FILEF – la Fédération italienne des travailleurs (lavoratori, en italien) émigrés et de leurs familles.

 

Oui, oui, j'ai souvenance de tout cela, dit Lucien l'âne et agitant ses oreilles pour en faire tomber l'eau. La pluie, c'est finalement moins gênant que les taons; surtout, quand les taons sont difficiles, dit-il comme pour s'excuser. Mais pour en revenir à ton intérêt pour l'émigration, je me souviens que tu avais écrit un livre sur la Sardaigne aussi...

 

Sais-tu, Lucien mon ami, qu'en Amérique latine où tu dois avoir des connaissances car il y a beaucoup d'ânes, il y a une forte émigration italienne et qu'elle pèse assez sur le destin du continent et là aussi, la Filef joue son rôle, notamment de liaison et de fédération. Un continent soit dit en passant qui souffre terriblement de la colonisation étazunienne et de tous les travers et catastrophes qu'une telle pression suppose. Mais depuis quelques années, on dirait que le vent tourne et que les tenants du libéralisme – tu sais ceux qui dans la guerre de cent mille ans sont toujours pour les riches et contre les pauvres – commencent à sentir que leur influence diminue grandement et que s'amorce leur déclin. Cela dit, aujourd'hui, je vais te raconter une très belle histoire.

 

J'en suis tout ravi, dit Lucien l'âne eux yeux aussi noirs que les pavés de l'enfer et que l'âme de Torquemada. Car, c'est pas pour dire, mais je m'ennuie sans tes histoires. Et de quoi s'agit-il ?

 

Ce que je veux te conter, dit Mârco Valdo M.I., c'est l'histoire d'une fille et de son père, d'une première chanson sur les émigrants, d'une deuxième chanson sur les émigrants et d'une chanson d'une fille pour son père. C'est une immense histoire d'amour.

 

J'adore les histoires d'amour, dit l'âne en tapant des sabots dans la flaque d'eau pour marquer sa joie et en s'éclaboussant le ventre. Brrrrrr!!!

 

Alors voilà, je ne vais pas te faire traîner. C'est l'histoire d'une fille qui s'appelait Evelin. Elle avait un père qui s'appelait Alfredo. Comme s'était son père, elle portait son nom de Bandelli. Lui, son père, Alfredo avait été un chantauteur assez connu dans le monde ouvrier de sa région d'Italie. C'était d'abord un ouvrier, disons un ouvrier qui chantait, et chantait ses idées, ses pensées, ses luttes. Né en 1945 à Pise, il continuait ainsi la lutte des partisans, il continuait ainsi l'aventure familiale. Tu comprends de ce fait qu'il était un militant politique et syndical. Encore un de ces utopistes qui voulait changer le monde...

 

C'est assez dans tes goûts, un pareil personnage, dit Lucien l'âne. Et j'ajouterais tout de suite, assez dans les miens. Sans doute un de ces hommes qui préfèrent vivre leur vie debout, qui veulent marcher la tête haute et qui ne supportent ni l'exploitation, ni l'injustice...

 

Exactement çà, dit Mârco Valdo M.I. Juste une précision encore, il avait dû quitter son pays et partir en émigration en Allemagne et en Suisse, pour revenir ensuite seulement chez lui. Cette aventure-là n'a pas dû être très agréable à vivre et a inspiré la chanson que je te propose aujourd'hui. Il l'avait intitulée « Les émigrants partent ». Sa fille Evelin, des années plus tard, a fait une chanson sur ce que nous pouvons voir aujourd'hui aux portes de l'Europe et qu'elle a intitulé : « Les nouveaux émigrés partent ». C'est cette coïncidence et cette continuité qui m'a bien plu. Mais, si j'en parle en priorité, c'est précisément pour ces « nouveaux émigrants », ceux-là même que nos repus tentent de repousser dans un manque absolu d'humaine solidarité. Tu sais bien, Lucien, qu'il y a des gens qui sont capables de laisser crever les autres et même, de les faire crever uniquement pour assurer leur confort quotidien, pour maintenir leur superflu, pour préserver leurs mauvaises graisses – lesquelles, rassure-toi, finissent toujours par les étouffer.

 

Cela, j'en suis bien content et somme toute, ils ne méritent rien d'autre. Un peu comme si une main invisible commençait à leur resserrer le cœur, à fermer leurs artères, à rendre leurs jambes trop lourdes, à leur inoculer des sensations d'angoisses existentielles, de paniques physiologiques, de terreur psychique... Du moins, je l'espère... et ce doit être assez exact à voir combien d'entre eux se traînent misérablement dans leurs énormes véhicules. Laisse-moi te dire, mon cher Mârco Valdo M.I., mais seulement entre nous, je ne voudrais pas que ça se sache : ils me dégoûtent au point que rien que d'en parler de ces gens-là, j'en ai la nausée. Mais revenons si tu le veux bien à ta belle histoire...

 

La belle histoire de cette fois se déroule en trois chansons. Je t'ai dit que les deux premières racontaient des histoires d'émigrants et tu verras, mon cher Lucien, dit Mârco Valdo M.I., qu'elles sont terribles. La troisième, elle, parfait l'histoire d'amour; c'est une lettre de la fille à son père, parti pour un autre exil depuis bien des années. Soudain, elle lui parle, elle le retrouve. Et moi, je trouvais cette aventure si belle que j'ai voulu regrouper les trois chansons pour en faire un conte musical, en quelque sorte...

 

Les nouveaux émigrants partent.

 

Chanson italienne – Partono i nuovi emigranti – Evelin Bandelli

Version française – Les nouveaux émigrants partent – Marco Valdo M.I. – 2008

 

... L'argument de cette chanson est tiré du fait que dans le courant du voyage d'émigrants clandestins venus d'Afrique vers l'île sicilienne de Lampedusa, en vue de Lampedusa, une enfant de quelques années était morte dans les bras de sa mère; les marins, sans aucune retenue, ni égard, arrachèrent cette petite des bras de la mère et la jetèrent par dessus bord. Peu après, ma mère bouleversée de douleur, se jeta dans les eaux glacées pour tenir compagnie à sa petite. Ce fait avait ému Evelin et par cette chanson, elle raconte le souvenir et la douleur de celui qui cherche à trouver des conditions de vie meilleures.

Comme dit un journal suisse : à « Lampedusa, ce confetti d'Italie, au large de la Sicile - plus proche de Tunis que de Palerme », cette année (2008 – mois de septembre) plus de 15.000 réfugiés sont arrivés par la mer. L'endroit est conçu pour accueillir environ 800 personnes, or depuis le début de l'été, on y compte près de 2000 réfugiés. Libye-Lampedusa, l'autoroute de la mer. [Marco Valdo M.I. rappelle : une autoroute de terre conduit aussi à Dachau, par exemple.] Ils proviennent d'Ethiopie, de Somalie, du Maghreb, d'Irak, d'Afghanistan et même du Sri Lanka et fuient les conflits et la famine ou rêvent simplement d'une vie meilleure.

Les Suisses s'inquiètent d'un tel « déferlement »... Soyons sérieux un instant : il y a environ 400.000.000 de personnes en Europe et 8.000.000 en Suisse. Un « déferlement » de 15,000 personnes... Disons simplement que les Suisses n'aiment pas les émigrants; les Italiens, qui y ont émigré, le savent bien. Précisions : les Suisses n'aiment pas les émigrants pauvres. Les Suisses aiment les émigrants riches et plus encore, les émigrants très riches.

Mais il ne faut pas jeter la pierre aux Suisses (d'abord, ils ont déjà assez de cailloux comme ça dans leur paysage – Rasez les Alpes qu'on voie la mer !, criaient les jeunes Suisses quand ils jouaient à la révolution à la fin des années 60). Dans tous les États d'Europe, c'est pareil. C'est un comportement de nantis, c'est un réflexe de peur, c'est un signe aigu d'imbécillité. Si seulement, ils pensaient un instant : Et si c'était moi ce réfugié, moi que la vie pousse au bout du désert et de la mer...? Mais ils ne pensent pas, voilà tout : ce qui est précisément l'imbécillité.

Comme on peut le voir, cette chanson est toujours d'actualité et semble-t-il, elle le restera longtemps encore.

Son titre cependant renvoie à la chanson « Les émigrés partent » d'Alfredo Bandelli, le père d'Evelin. La coïncidence de ces deux chansons, qui se font écho dans le temps, rappelle aux Italiens que des Italiens aussi furent des émigrants, eux aussi mal accueillis, eux aussi objets de sarcasmes, de mauvais traitements et de racisme.

 


Il vient de loin ce bateau

chargé de personnes

Il vient de l'Orient ou peut-être du Sud

On dirait qu'il veut couler


Ils laissent mères pères et même enfants

à la recherche d'une vie meilleure

pour un rêve en tête et la faim au cœur

Ils partent pour venir ici

Vois-le ondoyer dans le vent

avec cette charge de haine et de faim

qui implore pitié
Vois-le naviguer dans le vent

le marin qui a pris jusqu'à leur cœur

et leur dignité


Sur cette grande mer aux vagues gigantesques

on dirait que les rêves se sont brisés

Une mère pleure sa propre fille

Elle sait que ça n'ira pas

 

Vois-le balancer dans le vent

Il y a une fillette entre les vagues et les flots

qu'on jette dans la mer

Vois-le voyager dans le vent

Il y a une mère qui suit sa fille

au fond de la mer


L'histoire est la même qu'il y a cent ans

On meurt de faim ou on part de là

et derrière le calvaire de celui qui part

il y a certainement quelqu'un qui y gagnera


Vois-le ondoyer dans le vent

ou on meurt de faim et de peines

ou on meurt en mer.

Vois-le balancer dans le vent

Il y en a qui arriveront en terre étrangère

Mais ils seront esclaves.

 

 

Les émigrants partent.

Chanson italienne – Partono gli emigranti – Alfredo Bandelli – 1972

Version française – Les émigrants partent – Marco Valdo M.I. – 2008

 

La misère qui a poussé au départ des milliers d'Italiens, l'éloignement et sa douleur, tout cela est commun a bien des émigrations. Mais la chanson de Bandelli dit autre chose. Elle met en lumière une particularité politique essentielle de l'émigration italienne vers l'Europe dans les années qui vont d'après 1948 aux années 1960. C'est que l'émigration a été en grande partie forcée pour ceux qui avaient montré un penchant trop vif pour l'égalité et la justice. En fait, dans l'Italie d'après-guerre, quand la Démocratie Chrétienne a entamé la restauration, il ne faisait pas bon d'être un ancien partisan, d'être un militant ouvrier, d'être un tenant du socialisme ou du communisme; pire encore, d'être anarchiste. Les portes se fermaient; le travail – bien que garanti par la Constitution de la République – manquait pour ceux-là, spécialement pour ceux-là. Les patrons et les hommes de pouvoir se passaient le mot. Pas de travail, pas à manger. Ceux-là qui n'avaient plus comme choix que la misère ou l'exil devinrent des émigrants, ces émigrants que chante Bandelli. Et Bandelli a raison de dire que l'exportation de ces hommes, sans égard d'ailleurs à leurs liens sentimentaux, cette déportation était voulue par la bourgeoisie et encadrée par la police.

Par ailleurs, Bandelli a raison encore quand il dit que là-haut, en Europe, tout n'était que peine, tristesse, solitude, manque, pauvreté, violence et racisme. Pour un temps au moins, le Rital était un être de seconde zone, un moins que rien et qui en plus, devait se taire... Même en exil, la police veillait; les relais fonctionnaient, les missions catholiques de l'époque surveillaient et dénonçaient les militants aux autorités.

Il en a fallu du courage pour survivre à ces conditions....

Enfin, sur la question du retour, beaucoup ont longtemps espéré, certains sont rentrés, la plupart ont fait souche où ils avaient abouti, certains sont morts au travail ou comme les mineurs, morts du travail. "Je reviendrai vite, ou je ne reviendrai jamais".

 


 

 

Ne pleure pas, ma belle, si je dois partir

Si je dois rester loin de toi

Ne pleure pas, ma belle, ne pleure jamais

Car rapidement, tu verras, je reviendrai vers toi.

Adieu ma terre, adieu ma maison,

Adieu tout ce que je laisse ici;

Ou je reviendrai vite, ou je reviendrai jamais,

J'emporte seulement ton souvenir avec moi.

Les émigrants partent, ils partent pour l'Europe

sous le regard de la police.

Les émigrants partent, ils partent pour l'Europe,

les déportés de la bourgeoisie.

Ne pleure pas, ma belle, je ne sais combien de temps

je devrai rester à suer ici.

Les nuits sont longues, elles ne passent jamais

et je ne peux jamais t'avoir à moi.

Seuls la peine, la violence et le racisme,

mais cette misère nous donne plus de force;

et la rage grandit, et grandit la volonté,

la volonté d'avoir le monde pour moi.

Les émigrants partent, ils partent pour l'Europe

sous le regard de la police.

Les émigrants partent, ils partent pour l'Europe,

les déportés de la bourgeoisie.

 


Lettre à mon père

Chanson italienne – Lettera a mio padre – Evelin Bandelli

Version française – Lettre à mon père – Marco Valdo M.I. – 2008

 

Evelin Bandelli est la fille d'Alfredo Bandelli, lui-même chanteur, même chantauteur engagé, d'autres diraient prolétarien. La fille a repris le flambeau de la chanson socio-politique et présente ici celui qui sans aucun doute fut en chanson aussi, son père.

Cette chanson est aussi à la fois, une déclaration d'amour et une profession de foi – qu'on se rassure ! – une profession de foi prolétarienne, antifasciste. Simplement, une très belle chanson...

Mais une chanson rare parce qu'elle révèle de la relation père – fille quand elle s'instaure au fil du temps, dans la durée et sans doute, au-delà de certaine séparation inévitable.

Ces deux-là se retrouveront, c'est sûr ! (M.V.M.I.)

 



 

 

Je me rappelle tes yeux noirs

et ton regard limpide et sincère

tes yeux pleins de nobles pensées

dirigés droit vers le futur

Je voudrais te dire à présent que j'ai trente ans

que je suis femme, mère et aussi, épouse

je voudrais te dire que je n'ai plus d'angoisses

que je sais répondre à mes désirs

Mais la vie est dure comme dans le temps

et les patrons n'ont jamais disparu

Et même, armés de drapeaux, ils passent à l'attaque

et redonnent vie à ces partis

ces partis qui en ont fait de belles.

Ils nous ont tué et volé avec orgueil,

ils ont repris leurs étendards dans leurs fosses

Ils ont porté la semence pourrie à germer

mais quelque chose prend naissance en mon cœur

Une rage que je sens en dedans,

je ressens la fureur de ton chant

Qui frappe ce fasciste en plein dans le mille

Je me rappelle quand tu chantais

Les chansons nées de tes pensées

Je me rappelle quand tu t'en allais

puis, tu revenais, comme si c'était hier;

Tu posais tes mains grandes comme le monde

et en elles, je disparaissais

et je rêvais de te voir faire la ronde

avec maman et certainement, toujours vivant

mais toujours, la vie est remplie de surprises

Je sais qu'un jour nous nous reverrons encor

et heureux de partir vers de nouvelles aventures,

nous chanterons sans dire un mot.

Tu posais tes mains grandes comme le monde

et je disparaissais en elles

nous chanterons ensemble une ronde

et nous dirons à tous que tu es vivant.

 

 

 

 

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14 septembre 2008 7 14 /09 /septembre /2008 20:11

Tiens, tu n'es pas venu depuis plusieurs jours, Mârco Valdo M.I.. Sans doute étais-tu occupé, dit l'âne en arrivant clopin-clopant, en clopinant du pas de l'âne peu pressé. Je ne suis pas curieux, mais je me demande bien ce que tu pouvais faire. Si c'est indiscret, ne réponds pas...

 

Oh, il n'y a rien de mystérieux et même si ta question est indiscrète en apparence, tu sais bien que je n'ai pas de porte de derrière, comme on dit chez nous. C'est tout simple, tu sais. D'un côté, c'est la rentrée et de l'autre, du coup, j'ai plein d'activités qui me tiennent éloigné de la rédaction de ce blog. Je n'aime pas cela, mais qu'y faire ? Le pire, c'est que je ne vois pas bien comment y pallier. Tu comprends pour faire ce blog, il faut non seulement du temps (plusieurs heures d'affilée) et en plus, il y faut de la disponibilité mentale, ce qui impose aussi du temps de préparation, du temps de décontraction, de détachement par rapport à ces autres activités de la vie quotidienne.

 

Évidemment, dit Lucien l'âne en penchant son long cou pour attraper une grosse touffe d'herbes qu'il arrache d'un coup et sec et qu'il se met à mâcher incontinent. Il faut bien trouver du temps pour tout.

 

Comme tu le dis, c'est vraiment là la question, dit Mârco Valdo M.I.. Il est possible de se concentrer entièrement sur un blog, mais alors, on n'a plus de temps pour vivre. On serait une sorte d'ermite électronique ou digital. Comme tu le vois, j'avais déjà pris les devants en partageant ce blog avec toi, ce qui m'évitait le soliloque et cette sensation pesante de solitude. J'évitais aussi de perdre le goût de la conversation et tant que ce fut les vacances, les choses pouvaient aller ainsi, car on ne me sollicitait que peu. Mais voilà qu'à présent, on nous appelle de partout et on demande d'aller ici, d'aller là, la manie des réunions a recommencé à faire fureur. Je vais bien devoir y consacrer une part de mon temps et je vais sans doute devoir espacer un peu mes récits. C'est évident pour les prochaines semaines, mais j'espère que ce ne sera pas trop long.

 

Et oui, dit l'âne, je connais bien ça; chez nous les ânes, c'est pareil. Mais, dis-moi, Mârco Valdo M.I., crois-tu vraiment qu'il te serait possible de vivre sans jamais sortir, sans avoir l'une ou l'autre rencontre, bref, sans un brin de socialité ?

 

Solitude


Je dois, dit Mârco Valdo M.I., te répondre vraiment, honnêtement, sans détour, sans biais ?

 

Lucien secoue ses épaules et sa croupe et hoche la tête.

 

Et bien, je vais le faire, car je vois à ton geste et à ta mimique que c'est ce que tu souhaites. Au fond, j'aimerais bien trouver mon ermitage; je me vois bien, comme nombre des hommes des villes, me retirer dans un coin isolé et vivre comme ça d'un jour à l'autre sans trop me soucier de comment va le monde. Quant à le faire.... Il y a toujours plein de choses et de circonstances qui m'en ont empêché et qui m'en empêchent encore. Cela dit, je fuis le monde du mieux que je peux. Je ne vais dans les rassemblements que s'ils ont du sens, enfin du sens à mes yeux. Je fuis comme la peste la foule. J'évite de me mettre dans des agglutinations; en fait, j'aime respirer à l'aise, j'aime être franc du collier ou des épaules... Mais je pense que les ânes aussi ressentent les choses ainsi...

 

Précisément, dit Lucien l'âne, j'allais te le dire, j'allais t'en parler car nous vivons peu en troupeaux et nous n'aimons pas non plus les cohues. D'ailleurs, on nous voit bien plus souvent sur des chemins écartés que sur les chaussées embouteillées; il n'y a que des machines pour supporter ça. Je pense que ce doit être un de ces aspects de ta personne qui font que je t'apprécie tant.

 

Je crois aussi que c'est là une sensation que doit bien connaître notre ami Camenisch, même si depuis si longtemps, ils le tiennent enfermé. Il y a de quoi devenir fou à être pareillement enfermé, je crois. Et c'est peut-être le but de la manœuvre, fou ou suicidaire. Ou alors, si on veut survivre, il ne reste plus qu'à renoncer à soi-même et mourir vivant. Comprends-tu cette idée de mourir vivant, de ne plus être soi, d'avoir perdu son âme tout en restant dans son corps ? Si c'est en attendant, si c'est une simple retraite précautionneuse, passe encore. Si, en somme, on a l'espoir raisonnable de sortir relativement vite... Pour Marco Camenisch, il sait qu'ils le tiennent pour longtemps. Mais enfin, de quelque façon qu'on regarde la manière dont nos « démocrates » traitent les prisonniers – j'entends tout spécialement, les prisonniers politiques, ceux qui se sont élevés contre le système, ceux qui ont osé dire et faire ce que nombre d'entre les humains aimeraient dire et faire, bref, nous, mais en plus courageux ou nous, en plus téméraires, on ne peut que constater qu'il y a dans la façon d'agir de nos « bons démocrates enfermeurs » à la fois de la vengeance, du sadisme et du terrorisme. Au fond, il s'agit de terroriser les hommes pour qu'ils n'aient plus la moindre velléité de contestation, de révolte et pire encore, de révolution. Encore une fois, les terroristes ne sont pas ceux que le système dénonce comme tels. Rends-toi compte, ils vont même jusqu'à suicider les prisonniers récalcitrants. Tu te souviens sans doute du saut par la fenêtre du commissariat de Milan, du militant anarchiste Giuseppe Pinelli, ce n'était pourtant pas un gamin, il avait 41 ans; il savait très bien qu'on ne pouvait rien retenir contre lui, si ce n'est qu'il était un travailleur (un cheminot) en lutte contre le système. Il faut être formel à ce sujet : on ne se suicide pas dans de telles conditions; on vous suicide. Ou l'Allemand Andreas Bader, qui luttait pour défendre les pauvres contre la dictature des riches, contre les diktats de ceux qui possèdent et qu'on suicida dans sa cellule d'une balle dans la nuque.

 

Et bien, Mârco Valdo M.I., je commence à mieux voir qu'on est bien en présence d'une guerre et que notre ami Camenisch est non seulement, un prisonnier politique, mais qu'il est en danger permanent. Je crois bien que tu as raison, Mârco Valdo M.I., d'en parler et qu'il ne faudra jamais arrêter de parler de ces femmes et de ces hommes qu'on étouffe. À ce propos, c'est-à-dire au sujet de ces « Achtung Banditen ! », il y a déjà un peu de temps que tu m'as raconté la suite de l'histoire de Marco Camenisch quand il était en prison en Italie.

 

J'y viens tout de suite, mon ami l'âne à la mémoire aussi longue que ses oreilles. En fait, on croit, on espère, je veux dire le système espère que tout cela va s'oublier, qu'avec le temps... Mais telle n'est pas notre intention, on ne peut jamais oublier et même, on le rappellera jusqu'à notre propre fin et sans doute, d'autres prendront le relais de la mémoire. Et je te dis déjà que quand j'aurai fini l'histoire des prisons italiennes de Marco Camenisch, je te dirai ce que je pourrai de ses prisons suisses, qui ne sont pas mal non plus, dans le genre « délire d'enfermement ». Pour l'instant, je veux dire l'instant dans le récit, Marco Camenisch est toujours dans la prison de Novara et nous en sommes à la fin de l'année 1994.

 

 

 

Novara, 7 octobre 1994.

 

Je suis toujours terriblement contrarié et blessé par cette survie et je suis mal. Ce serait pourtant une bêtise de dire « je suis bien », c’est pourquoi d’un cœur léger et en riant, je dis « je suis mal » !!! Il y en a qui s’étonnent, s’alarment ou se choquent que dernièrement, je me lamente mais diantre, des raisons de combattre pour ma propre liberté, j’en ai mille de plus que celui qui est libre.

Peut-être, j’ai mal habitué les gens en me lamentant trop peu pendant trop longtemps, en donnant une impression trompeuse de ma présumée inoxydabilité et pourtant, sérieusement, je pourrais me lamenter encore cent ans et cent pages par jour pour égaler toutes les pages de lamentation et de soupirs et d’oh ! et d’hélas que je reçois et que j’ai reçues.

Tous comptes faits, je survis malgré tout en surtout, mon esprit et ma volonté de vivre ne sont pas entamés !

Je suis plus embêté en ce qui concerne ma santé généralement mauvaise et par certains « côtés », même au galop. Dans mon rayon visuel réduit à ce que je vis et à ce que j’aime, je vois au-dehors la permanence de la même paralysie désormais connue, mais encore plus détériorée. Je ne retrouve pas plus pessimiste qu’avant, mais toutefois, c’est grâce aux Berlusconi et Formentini qui se succèdent et non à nous (comme ce serait juste et nécessaire) que se réveille, de sa longue léthargie, l’antagonisme social (et individuel ?).

 

Juste, mon ami Lucien, une petite remarque, une petite parenthèse pour indiquer combien Marco Camenisch et sans doute, nombre d'autres prisonniers apprécient la littérature et la lecture en général. Tu verras ici, mais bien souvent ailleurs, Marco Camenisch faire allusion et même recenser les livres qu'il arrive à se procurer.

 

Novara, 26 octobre 1994.

 

Il y a les textes de Scorza à la bibliothèque. Je les lis, les relis et les rerelis tous et il est inutile de dire qu’ils me plaisent énormément. Ils ont un charme et une maîtrise littéraire unique. Je ressens très fort l’affinité qui m’unit aux protagonistes ainsi que mon désir de vivre dans un « monde » semblable. Le livre que j’ai reçu dernièrement, celui de Pennac, je l’ai lu avec plaisir et il a eu ici un grand succès. Deux autres le réclament déjà.

Mais revenant à notre réalité, en ce qui concerne Berlusco, les fascistes, etc…, je tente de toutes les manières de faire voir aux camarades suisses qu’AU FOND, il ne se passe rien de pire. Ceux qui maintenant s’indignent et se découvrent choqués par cette évolution, c’est parce que l’évolution d’ « avant » les protégeait ou car il est facile de courir dans le troupeau. Mais ceux-là, même si on les réveille à coups de pied au cul, ils ne feront pas grand-chose. Croyez-moi !

 

Novara, 3 novembre 1994.

 

L’étude attentive et critique du « Jaguar dans le volcan » (« Il Giaguaro nel vulcano »), le nouvel et actuel livre de Sandra Busatta, me paraît fort utile pour qui veut approfondir la connaissance et la compréhension des événements (et pas seulement ceux actuels) au Chiapas, au Mexique et au-delà.

Il est utile pour celui qui allume ou éteint sa propre attention envers ces événements au rythme commandé par le téléviseur et les médias en général et pour celui qui n’entend pas se contenter de lectures faciles et n’entend pas rester ou tomber dans les habituelles mystifications.

L’action démystificatrice, comme dans son livre sur les Sioux, est peut-être un des aspects les plus précieux de son nouveau travail. Son livre, dans ses 73 pages denses d’histoire et d’actualité, résume le parcours du Mexique depuis 1880, de son indépendance jusque maintenant. Il raconte et commente la révolte actuelle et son contexte régional et international, avec une fluidité prenante, certainement pas facile à produire en raison de la vastitude, de la nature et de la masse d’informations et d’interprétations contenues en si peu d’espace.

Il contraint à la lecture critique des événements, des protagonistes et de nos propres points de vue culturels et idéologiques. Il peut peut-être nous rendre plus conscients de l’inadéquation de nos possibilités et de nos facultés de pouvoir connaître et comprendre les variations complexes, les syncrétismes culturels, les contradictions et les interactions en jeu.

Les faits, les connaissances et les jugements illustrés, racontés et tissés avec bravoure et compétence par l’autrice, peuvent nous aider à en comprendre plus, mais surtout qu’il est ardu de comprendre suffisamment pour pouvoir donner des jugements des événements et aux protagonistes des positions bien définies.

Ce travail peut sûrement nous aider à ne pas nous amouracher une fois encore d’un fantôme sur lequel projeter encore des espérances ou des frustrations, de l’ingénuité ou des présomptions de notre purisme ou de notre rebellisme, souvent facilement abstrait et schématique.

Plus qu’à juger, son texte invite à suspendre de nombreux jugements. Tel est l’avis d’un incompétent auquel, mis à part certains désaccords, son livre plaît globalement, aussi car il a pu m’éclairer sur de nombreuses questions, perplexités et lacunes.

 

Novara, 19 novembre 1994.

 

Salvatore Cirincione, après une longue période de silence, m’écrit de France, « avec beaucoup de retard pour de simples motifs de relax, après avoir laissé avec un pied de nez tous ceux qui étaient affectés à mon contrôle. J’espère que cela te fera plaisir. » Je peux dire : fortement !

« Pour ce qui concerne ma santé, enfin ici, je suis fort bien soigné. Je vais prendre contact avec la Commission Justice de Strasbourg pour dénoncer les barbaries et les tortures dans les prisons italiennes. Mais sur ce point, j’ai la rage en gueule et l’amertume dans la bouche. J’ai reçu des conseils de la part d’un certain Bon Réfugié Italien (des dissociés1 aussi et parfois, ex-Pur et Dur) que je ferais mieux d’oublier mon toit et de reprendre ma nouvelle vie dans ce pays de cocagne !!! Gloup !

Non, je n’accepte pas cette règle du jeu et surtout de la part de gens qui, venant de la confrontation politique, ont oublié les règles et les valeurs de la lutte sociale. J’aurais pu me tenir tranquille et attendre que 3 ans passent en vitesse, oublier et me faire oublier, dans le silence le plus absolu. Mais comme ce n’est pas mon caractère et comme aussi, j’ai retrouvé ma force car vous tous mes compagnons vous m’avez fait confiance, à présent, je lutte. Je suis seul, je ne sais pas comment cela finira, mais je ressens la nécessité politique de relier fortement la répression italienne à toutes les répressions.

Si tu veux, tu peux faire savoir à tout le mouvement que ne me suis pas rendu et que ma plus dense bataille commence maintenant. Ils ne m’ont pas encore tué, car ma pensée est forte et je suis proche de vous tous. »

Je diffuse volontiers ce message de Salvatore, adressé à l’ensemble des camarades solidaires et non résignés. Je lui suis très reconnaissant d’être une de ces voix qui ne se conforment pas à l’avilissement général de la capitulation et de la liquidation de cette dignité lucide que seuls les cœurs forts et honnêtes peuvent maintenir intègre et seulement dans des conditions de solidarité. Pour cela aussi, je dirais avec joie : tu as repris vie.

 

 

Comme tu le vois, dit Mârco Valdo M.I., ceux qui en sortent, même provisoirement, souvent provisoirement, car ils ne les lâchent pas, même si parfois, leurs propres règles les contraignent à le faire; ceux-là n'abandonnent pas la lutte et reprennent le combat. Certains en tous cas et c'est le cas de Salvatore Cirincione, qui fut compagnon de prison de Marco Camenisch. Et en plus, ils ne laissent pas tomber leurs amis; ils leur font savoir qu'ils n'abandonnent pas et ça, c'est important. Faire savoir qu'on lutte contre le système.

 

Je comprends, dit Lucien l'âne en riant de toutes ses belles dents. Rien que d'apprendre ça, on se sent moins seul, on reprend un peu plus de courage. C'est comme si on recevait un peu de l'énergie des autres. Tu as raison, c'est important.

 

Les visites aussi sont importantes pour le prisonnier, mais aussi, pour son entourage. Pour Marco, en cette fin d'année, la visite mensuelle, c'est la venue de sa mère Annaberta, de son frère Renato et de sa, disons, fiancée... Manuella. Mais là aussi, le sadisme s'en mêle et les choses sont compliquées, tu vas voir ce que Piero en dit.


C’est la dernière visite de l’année dans ce décembre glacé et le paquet de vivres est consistant. Les vêtements de cet hiver sont déjà endossés depuis longtemps. Les froides brumes padanes, l’humidité des rizières ne laissent aucun recours.

On est en avance sur les fêtes chrétiennes, où tous sont bons et comblent les trains, les autobus, les billetteries, les commerces et le hall des différentes institutions de peine.

Face à cette inévitable folie collective, nous n’avons pas le choix et rencontrant, à l’Oasis Vert, le biologiste Laborit, il me suggère que quand on ne peut affronter un danger, un obstacle, un embarras, il est inutile et stupide de le subir passivement. Il vaut mieux la digne fugue dans nos songes, dans nos silences, dans notre solitude plutôt que de vivre leur réalité. Celle qui ne plaît pas et que nous ne réussissons pas à accepter.

À Marco et à nous tous, les atmosphères chaotiques de joie artificielle ne plaisent pas. La Noël : cette triste brumette, entourée de mille lumières colorées, capable de couvrir les misères quotidiennes de la tenue de camouflage de la résignation complice ou de la complicité résignée, souvent inconsciente et guillerette. Aucune visite dans les prochains jours. On s’isole de l’humanité pour une paire de semaines ou plus. On se reverra sans doute avec l’année nouvelle et on rattrapera le temps perdu.



 

Juste un petit mot à propos de cette photo d'illustration, dit Mârco Valdo M.I. Je te signale l'énigmatique personnage qui contemple avec ses binocles et son chapeau melon et ses somptueueses moustaches; ce n'est autre que le grand humoriste allemand Karl Valentin et la belle dame à chapeau n'est autre que l'Ève d'un graveur italien nommé Guarienti. Regarde bien ses jambes, elles sont fabuleusement longues.

 


1 Dissociés : en italien : dissociati, dissociato (au singulier) : « disssocié » désigne l’accusé qui, tout en reconnaissant qu’il s’est (politiquement) trompé, ne veut pas collaborer avec la justice.

 

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2 septembre 2008 2 02 /09 /septembre /2008 00:17

« Citoyens… jusqu’à quand tolèrerez-vous l’homme qui tient en esclave l’Italie entière ? Il y a neuf ans, il vous donna à entendre qu’il fallait sacrifier liberté et conscience pour avoir un gouvernement fort et capable. Après neuf ans, vous vous apercevez que vous avez non seulement le plus tyrannique et le plus corrompu, mais aussi le plus banqueroutier de tous les gouvernements.

« Vous avez renoncé à votre liberté pour vous voir retirer jusqu’au pain ! », dit Mârco Valdo M.I. qui n'avait pas encore vu arriver son ami Lucien l'âne, lequel avançait sur la pointe de ses sabots.

 

Que dis-tu là ? De quoi parles-tu ? De qui parles-tu ? Tu es bien audacieux , Mârco Valdo M.I. mon ami, de dire pareilles choses du gouvernement de l'Italie, dit l'âne Lucien en écoutant les yeux ronds et les oreilles dressées comme deux fusées vers le ciel, tous pavillons grands ouverts. Je ne dis pas que ce que tu dis là soit faux, loin de là, ça me paraît tout à fait exact, mais quand même, il faut oser. Imagine un peu qu'on t'entende. Il faut être prudent. L'histoire nous a appris qu'avec ces gens-là, on prend d'énormes risques quand on dit la vérité aussi crûment.

 

Et oui, mon ami Lucien l'âne aux pensées philosophiques et aux prudences de Sioux, je dis tout cela et même, j'ajoute ceci :

« Qui que tu sois, tu pestes certainement contre la famine et tu en ressens toute la honte servile. Mais aussi bien, tu es responsable de ta propre inertie. Ne te cherche pas une illusoire justification en te disant qu’il n’y a rien à faire. Ce n’est pas vrai. Tous les hommes de courage et d’honneur travaillent en silence pour préparer l’Italie libre… Aie foi en l’Italie et la liberté ! Le défaitisme des Italiens est la véritable base du régime... Les nouveaux oppresseurs sont plus corrompus et plus sauvages que les anciens, mais ils tomberont également… »

 

Tu ajoutes, dis-tu Mârco Valdo M.I., moi, je dirais volontiers que tu en rajoutes et une fameuse couche, dit Lucien l'âne expérimenté et qui en a vu bien d'autres. Encore une fois, tu dis tout haut ce que bien des gens pensent tout bas, mais dans l'histoire, il ne manque pas d'exemples pour démontrer que ceux qui avaient un langage si clair et si franc peuvent s'attendre à de très méchantes représailles. Il est vrai aussi que ce sont des gens qui osent dire les choses qui finissent par rendre l'air respirable. Même pour nous, les ânes. Et pour l'instant, en effet, en Italie, il est temps de rendre l'air un peu respirable tellement la fatuité y est étouffante.

 

J'en rajouterai encore, crois-moi, mon ami Lucien quand je te raconterai l'histoire du jour. Car ce que tu viens d'entendre, ce n'est pas moi qui le dis, quoique j'y souscrive pleinement et en plus, ce n'est pas de maintenant que date ce texte. Je t'accorde qu'il convient parfaitement pour la situation actuelle et que mutatis mutandis, on est dans des circonstances similaires, mais ces propos datent des années 1930 et figuraient dans un tract lancé sur Rome, in illo tempore, en ce temps-là.

Ah, ah, fit l'âne singeant Bosse-de-Nage, ce qu'il fait chaque fois qu'il est un peu désarçonné (ce qui est quand même curieux pour un âne), ce n'est pas d'aujourd'hui ce discours, comme c'est curieux, je croyais vraiment que tu parlais du gouvernement actuel de l'Italie, du régime actuel. Et quoi, mon ami Mârco Valdo M.I., il y a me semble-t-il , si j'en crois ce que tu viens de me dire, il y aurait eu un texte, mis sous forme de tract et lancé sur Rome... Et comment cela ? Avec des pigeons, un ballon dirigeable, du haut d'une tour...

 


 

 

C'est presque ça, mon ami Lucien, âne persifleur, ce tract a été lancé d'un petit avion et ce fut un des exploits les plus étonnants de l'histoire de ces années-là. Et c'est précisément, cette aventure que je vais te raconter. Je le fais car si tu t'en souviens, j'ai choisi comme devise personnelle : Ora e sempre : Resistenza ! Car telle est la devise de Mârco Valdo M.I., que je résume parfois en bas des lettres, juste avant la signature en OsR.

 

Ah oui, dit l'âne en balançant énergiquement la queue de plaisir, j'aimerais bien connaître cette histoire et savoir qui est l'homme ou la femme ou le groupe qui a monté une telle opération.

 

D'abord, mon bon ami Lucien, je vais te révéler ma source, te dire qui m'a raconté cette histoire, de sorte que tu pourras à ton tour aller la lire directement et toute entière, car je vais très fortement la résumer, la condenser, sinon on y serait encore demain.

 

Oui, oui, Mârco Valdo M.I., tu as raison. Dis-moi qui a écrit cette belle histoire...

 

Et bien, Lucien mon ami l'âne plein de curiosité, tu te souviendras sans doute, car tu as une mémoire d'âne, qui soit dit entre parenthèses vaut bien celle de l'éléphant – même si ce dernier, selon Alexandre Vialatte, est irréfutable. Et plus encore, s'il s'agit de la tienne qui teint le coup depuis la plus haute Antiquité. Tu n'es pas Lucien, Lucius, Loukos... pour rien. Donc, disais-je, tu te souviendras que note blog a commencé par une citation d'un certain Piero Calamandrei et bien, c'est lui qui m'a fait connaître l'histoire que je vais te raconter.

 

Commence, commence, je suis très impatient, dit Lucien l'âne en secouant tout son corps comme s'il était atteint de la maladie du mouton ou de la danse de Saint Gui.

 

Bon alors, tu écoutes et je raconte. En fait, je reprends presque intégralement le passage de son passage sur Rome, tel qu'il figure – en italien – dans le récit de Calamandrei.

 

Le soir du 3 octobre 1931, « an IX de l’Ère fasciste », après le coucher du soleil, les passants qui peuplaient encore les rues centrales de Rome eurent la surprise d’entendre au-dessus de leur tête le ronflement d’un moteur et de découvrir dans le ciel du crépuscule un petit aéroplane de tourisme, blanc et rouge, qui tournaient en cercles toujours plus bas. Place Venezia, Corso, Palais Chigi ; sur l’escalier de la Trinité des Monts, il parut presque qu’il remontait les marches, tant il volait bas. Son passage laissait derrière lui une traînée de feuillets blancs, tournoyant dans l’air. Les allées du Pincio et de la Villa Borghèse en furent recouvertes ; le jardin du Quirinal en fut blanchi comme par la neige. Il volait si bas qu’il paraissait reconnaître ses objectifs et qu’il avait le temps de viser juste ; il en lança sur les spectateurs d’un cinéma à ciel ouvert, sur les tables d’un café bondé de la place. Ce fut un spectacle d’acrobaties des plus audacieuses qui remplit d’admiration et d’excitation ceux qui en furent les témoins. Les rues de la ville où les tracts tombaient furent soudain agitées : après avoir lu les premières lignes, les gens s’aperçurent que c’était bien autre chose que des feuillets de publicité commerciale, comme certains l’avaient d’abord cru.

Sur ces billets, on lisait des mots qui, en ce temps-là, paraissaient venir d’un autre monde.

« Citoyens… jusqu’à quand tolèrerez-vous l’homme qui tient en esclave l’Italie entière ?... etc... », je te l'ai déjà dit.

 

Oui, oui, je me souviens très bien, dit l'âne figé dans une posture d'arrêt tellement il est concentré et passionné par le récit.

 

Alors, dit Mârco Valdo M.I., il faut savoir que :

Depuis de nombreuses années, on ne lisait plus en Italie des mots de ce calibre.

Les gens poursuivaient en courant les feuillets qui tournoyaient en l’air, ils les lisaient avec des yeux humides, avec le cœur qui battait ; les feuillets passaient de main en main. Mais les plus prudents les déchiraient par peur d’être vus par un espion… Cette très audacieuse acrobatie aérienne dura presque une demi-heure ; furent lancés sur Rome ainsi plus de quatre-cent mille tracts.

 

Quatre-cent mille tracts, dit l'âne en levant le front. C'est énorme.

 

Oui, certainement, dit Mârco Valdo M.I., et cependant, c'est peu, car Rome était déjà une grande ville et aujourd'hui, elle compte des millions d'habitants. Avant d'aller plus loin dans le récit, je veux te signaler qu'à partir de maintenant, je ne ferai plus de citation directe du récit d'origine, mais que je vais suivre son cours et essayer de t'en donner une idée, mais à ma manière. Évidemment, libre à toi d'aller lire l'original, en italien. Un très beau livre intitulé Hommes et villes de la Résistance.

 

 

Peut-être, si je peux, si tu m'en laisses le temps...

 

Pour en revenir à l'histoire, celui qui a réalisé cet authentique exploit, il s'appelait Lauro De Bosis. Il était le fils d'un poète et poète lui-même. Il avait à peine trente ans au moment de cet exploit qui tu le verras se termine tragiquement pour lui. En fait, il s'est lancé dans cette action d'un certain point de vue désespérée et de l'autre, pleine d'espoir car il n'avait pas supporté l'avilissement de son pays.

 

On le comprend, nous autres les ânes, voir son pays et son peuple, bref, les gens avec qui l'on vit, se perdre ainsi dans une course avide et écraser les autres, les mépriser pour le faire, c'est assez insupportable.

 

Le plus curieux, dit Mârco Valdo M.I., c'est qu'il avait écrit deux ou trois ans auparavant, un poème – qui lui avait valu un prix international, sur le vol d'Icare et sa fin tragique. Mais tu sais, les poètes ont comme un sens caché, une prescience incroyable, parfois. Tu connais l'histoire d'Icare, fils de Dédale, qui pour échapper au Minotaure (le taureau de Minos) , s'envola du labyrinthe et ayant volé avec trop d'enthousiasme, s'écrasa en liberté dans la mer Égée.

 

Quoi, dit Lucien l'âne, il avait prévu, pressenti ce qui allait lui arriver ? Il savait en quelque sorte qu'il allait mourir dans cette aventure et l'a quand même tentée... Il était suicidaire de tempérament ou quoi ?

 

Pas du tout, dit Mârco Valdo M.I., c'était un homme joyeux et serein, heureux de vivre, plus fait pour la joie que pour la douleur. Mais, en effet, il renonça à son bonheur, à sa jeunesse, à la poésie, à l’amour, à la vie pour aller volontairement à la rencontre de sa mort... Car en Italie, il y avait le fascisme et il sentait en lui-même, dans son cœur et sur sa peau d'Italien, le poids de cette honte.

Une honte difficile à supporter, mais le pire était que La plupart des gens se résignaient, acceptaient, vivaient au jour le jour ; il paraissait que désormais, il n’y eut plus rien à faire. Le ridicule tyran se dressait engoncé et bombant le torse dans l’acquiescement général ; le roi parjure acceptait d’être à ses ordres ; le pontife l’appelait l’ « homme de la Providence » ; les chefs des grands démocraties l’adulaient en montrant qu’ils le prenaient au sérieux. Sur l'Italie, se répandait le silence désespéré de l’irrémédiable bassesse.

 

Mais, dit l'âne Lucien qui tournait et retournait la tête tant il était ému, cela ressemble terriblement à ce qui se passe aujourd'hui, au roi près. Le nouveau maître de l'Italie bombe le torse sous sa cravate, il a la peau tellement tendue que je me demande si comme le chameau, lorsqu'il ferme la paupière, il n'ouvre pas le...

 

Mais enfin, Lucien, dit Mârco Valdo M.I.. Que racontes-tu là ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire de chameau ?

 

Quoi, Mârco Valdo M.I., tu ne connais pas la chanson du chameau dans le désert... Je te la chante, juste ce passage : Le chameau dans le désert a la peau tellement tendue, que lorsqu'il ferme la paupière, il ouvre le trou de son cul.

 

Lucien, dit Mârco Valdo M.I., voyons, tu me semble bien grivois...

 

Bon, bon, d'accord, dit l'âne en laissant échapper un son de trompette, mais pratiquement, ça a dû être une aventure terriblement difficile à mener.

 

Évidemment. Il lui a fallu d'abord trouver les moyens pour acheter un avion – il devra même en acheter deux et apprendre à le conduire. Il lui fallait des moyens énormes. Du moins, à l'échelle individuelle, ce sera une autre chose lorsque des pays entiers se lanceront dans l'aventure. Mais il fallait absolument un avion, il n'y avait pas d'autre moyen de faire ce qu'il avait décidé de faire. D'ailleurs, si tu veux mon avis, il anticipait sur ce qui allait suivre quelques dix années plus tard quand les Alliés allaient inonder les villes occupées par les Allemands de tracts et bien sûr aussi, de bombes. Là, à ce moment, il y aura des avions par centaines, par milliers et pas des petits coucous comme le sien, mais quand même, le courage de cet homme seul...

 

Oh oui, dit l'âne Lucien, il lui en a fallu du courage, de la patience, de la ténacité, de la volonté, de l'audace aussi. Et aussi, beaucoup d'intelligence... Bien sûr, il y en a eu beaucoup d'autres qui ont eu du courage, de la ténacité... Il y en a eu beaucoup d'autres qui sont morts pour effacer cette honte de la terre. Mais ce virus a l'air plus tenace qu'il n'y paraissait et le voici qui, non seulement a survécu, mais même a repris du poil de la bête et est revenu se pavaner sur les places publiques... Mais continue l'histoire de Lauro, je t'en prie.

 

Alors pour gagner ces sommes considérables dont il avait l'impérieux besoin, à Paris où il s’était réfugié, il se fit portier et téléphoniste dans un hôtel et avec les économies faites de cette façon, il réussit à acquérir un avion et les notions élémentaires nécessaires pour le piloter.

En plus, comme tu l'imagines bien, son projet devait rester secret et devait échapper à la vigilance des sbires de Mussolini qui surveillaient et faisaient abattre au besoin, même à l'étranger, tous ceux qui pouvaient être opposés au régime. En avril, il commença à apprendre l’utilisation de l’avion sur un terrain privé à côté de Versailles. Le 24 mai, il fit son premier vol en solo. Mais il se sentait surveillé ; alors, il se transféra à Londres sous un faux nom. Il arriva le 11 juillet en Corse à l’endroit choisi, mais il se brisa une aile à l’atterrissage, en éparpillant les feuilles de propagande qui y étaient déjà chargées. Son entreprise était ruinée ; mais ce qui est pire, c’est que par la publicité qu’eut cet incident, son projet n’était plus secret.

 


 

 

Cette fois, il alla en Allemagne. Il réussit à acheter un autre avion. Ensuite, il a fallu brouiller les pistes. Les deux mécaniciens allemands amenèrent l’appareil à Cannes à la date fixée du 2 octobre. Le 3 octobre, l'avion passa de l’aéroport de Cannes à celui de Marignane près de Marseille ; de là, à trois heures de l’après-midi, avec une expérience de seulement sept heures et demie de vol, Lauro de Bosis, seul sur ce petit avion blanc et rouge, prit son envol vers Rome.

Mais le jour où il s’envola, il avait posté, en l’adressant à son ami Ferrari, une espèce de compte-rendu anticipé de son entreprise et de sa mort, qu’il avait écrit en français dans la nuit du 2 au 3 et qu’il avait lui-même intitulée Histoire de ma mort.

Il commence d’un ton calme, presque blagueur : « Demain à trois heures sur un pré de la Côte d’Azur, j’ai rendez-vous avec Pégase. Pégase est le nom de mon aéroplane ; il a la croupe rouge et les ailes blanches… »

 

« … Vivant ou mort, j’ai juré d’y arriver. Ma mort (quoique importune pour moi personnellement qui ai encore tant ce choses à accomplir) ne pourra qu’accroître le succès de mon vol. Étant donné que les dangers sont surtout au retour, elle pourra advenir seulement quand j’aurai lancé du ciel mes 400.000 lettres, qui ne pourront mieux être recommandées qu’ainsi.

« Après tout, il s’agit de donner un petit exemple d’esprit civique et d’attirer l’attention de mes concitoyens sur l’irrégularité de leur situation.

... Il se fait que personne ne prend le fascisme au sérieux. ...

« C’est une erreur. Il faut mourir. J’espère qu’après moi, de nombreux autres me suivront et réussiront enfin à secouer l’opinion publique. »

Il a fallu encore dix ans après sa mort, mais ensuite est venue la Résistance et des jeunes prêts à sacrifier leur vie par centaines et par milliers. Mille et mille, tout un peuple, des montagnes et des plaines, ils sont venus pour nettoyer l’Italie de la pestilence du fascisme.

...

L'Histoire de ma Mort finit par ces mots prémonitoires : « Ayant survolé à 4.000 mètres la Corse et l’île de Montecristo, j’arriverai à Rome vers huit heures du soir, après avoir parcouru le moteur coupé les vingt derniers kilomètres. Bien que je n’ai fait que sept heures et demie de vol en solo, si je tombe, ce ne sera pas par inexpérience du pilote. Mon appareil ne fait 150 kilomètres à l’heure et ceux de Mussolini en font 300. Il en a neuf cents et tous ont reçu l’ordre d’abattre à n’importe quel prix, à coups de mitrailleuse, tout appareil suspect. Pour peu qu’ils me connaissent, ils doivent savoir qu’après ma première tentative, je n’ai pas abandonné mon idée. Si mon ami Balbo a fait son devoir, ils doivent dès à présent être là à m’attendre. Tant mieux : je vaudrai plus mort que vivant. »

 

 

« Je vaudrai plus mort que vivant », ce sont des mots mystérieux, des paroles d’un autre monde comme la voix d'une conscience criant dans les moments de bassesse.

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3 juillet 2008 4 03 /07 /juillet /2008 22:16

Ah ! Ah!, dit l'âne aux pieds résistants, on vient de libérer une dame dans la forêt et sur tous les écrans du monde, on voit des têtes souriantes, on chante des hymnes à la gloire de la liberté... Que dis-tu de cela ?

Et bien voilà, quand je l'ai prise dans mes bras, elle m'a donné son beau sourire, et puis après, sans rien nous dire, dans la lumière de l'été, on s'est aimés, on s'est aimés...

C'est tout ce que ça te fait cette grande victoire de la liberté et de la démocratie dans leur lutte à mort contre les peuples en révolte, contre les révolutionnaires et les terroristes... Tu vois bien, on fait des fêtes partout et des cérémonies et puis, des sourires, des sourires de Présidents sur tous les écrans. Et toi, tu nous parles de la lumière de l'été, de tes amours, de ton quotidien... Qu'est-ce que ça veut dire ?

Ça veut tout simplement dire qu'au fond, il est bien sûr heureux pour cette femme (et pour elle seule et ses proches) qu'elle sorte de cette situation cauchemardesque. Et en plus, en bonne santé. Après six ans de captivité. Ah, si les prisonniers à Abou Ghraïb ou à Guantanamo en sortaient en aussi bonne santé, si les gens du stade de Santiago ou des prisons argentines pouvaient revenir... Les Mères (grands-mères..) de la place de Mai seraient elles aussi souriantes. Et puis, en Colombie-même, si les syndicalistes (2700) assassinés par les hommes d'Uribe et des Étasuniens pouvaient ressortir de leurs tombes en aussi bon état, là, crois-moi, foi de fils de résistant, je ferais la fête et là, il y aurait de quoi. Tu commences à comprendre mon peu d'enthousiasme pour mêler mes mots à ceux des Bouches de fromages.

Quoi, dit l'âne en feignant l'étonnement et l'incompréhension en ouvrant des yeux jusqu'aux oreilles, des Bouches de fromage? Kesako ? De quoi tu causes ? Qui sont ces Bouches de fromage ?

D'accord, je vais te l'expliquer, mais tu n'as pas bien suivi mes propos antérieurs. La première Bouche de fromage que j'ai citée, identifiée, portraiturée est italienne, c'est le chauve repiqué, l'actuel premier ministre d'Italie, l'homme aux dents d'albâtre et à la peau lisse au visage, le dénommé S.B. À force de cheeser devant les starlettes, il se prend les pieds dans ses écoutes. Je ne te dirai pas ce qu'en dit la presse de son pays, tu n'as qu'à aller la voir. Elle le traite de poisson... Quant aux autres Bouches de fromage, je te les laisse découvrir sur tous les écrans, dans toutes les gazettes, ils cheesent partout. Crois-moi, ça sent mauvais.

D'accord, d'accord et que me proposes-tu aujourd'hui ?, demande l'âne en repliant des pattes avant sur la table et en posant son long museau entre ses sabots.

 

Eh bien voilà, Lucien mon bon ami, j'avais fait hier une traduction d'une chanson italienne, tu sais que je fais cela très régulièrement, et pour l'introduire, j'avais repris cette notion de Bouches de fromage... Je te laisse découvrir par toi-même ce que j'en disais. C'était prémonitoire. Et en réfléchissant un peu, on voit quel jeu se joue sur les écrans du monde, on voit qui sont ces gens qui exaltent la liberté des tueurs de syndicalistes.

Oui, dit Lucien très pétillant du regard, mais dis-moi de qui est cette chanson et aussi son titre.

Tout à trac, comme çà, sans digression, la chanson s'intitule à la Cour du Roi et le groupe qui la chante s'appelle Casa del Vento. Je t'en parlerai peut-être bien une autre fois. Mais voici mon commentaire d'introduction et la traduction de la chanson.

 

C'est l'heure du tocsin, le temps des S.O.S... Ils sont revenus, ils reviennent. Ils sont là. Parfois dans la lumière, toujours dans l'ombre. C'est vrai en Italie, c'est vrai dans d'autres pays d'Europe. A la surface, ils sourient dans les téléviseurs, ils sourient dans les journaux; ce sont des Bouches de Fromage – Bocche di Formaggio – Cheese pour les photos, Cheese pour les écrans. Cheese, Bouches de Fromage – Bocche di Formaggio, tant qu'on obéit, tant qu'on se tait, tant qu'on ne dit rien, tant qu'on ne proteste pas... Cheese, doucereux, qu'ils sont... Mais attention, si tu ne marche plus au sourire, à la carotte, ils sortent le bâton et ils cognent, dur !

Quand ils rencontrent de la résistance, quand ils se sentent démasqués, quand on ne les croit plus... ils deviennent tout autres.

Ils ne sont plus guère civils, ils perdent leurs voix , leurs mots, leurs sourires (Cheese) doucereux et passent du bleu tendre au noir d'orbace, du libéralisme doux au libéralisme sec, ensuite du libéralisme sec, au libéralisme brut. Regardez-les sur tous les écrans d'Europe... et du monde !

Les Bouches de fromage deviennent des faciès de primates, des gueules de brutes ! A la Cour du Roi Pognon.

 

À la Cour du Roi



Viens voir, ils sont revenus, ils sont là,

Avec leur chemise noire qui ne change guère

Bagarreurs, affairistes, membres de la mafia

Serviteurs du pouvoir et fauteurs de guerre.

 

Ils ont bâillonné l'information

La télévision ne doit pas faire penser

Voler n'est pas un délit quand on est patron

La police qui tabasse, tout est organisé.

 

Tous au service du président-roi

Tous à la Cour du Roi

 

Des mots à la gloire de notre culture.

Ils sont racistes, c'est chose sûre

Ils marquent les gens comme des animaux

Les empreintes digitales sont une honte.

 

Les plus faibles seront éliminés, tous !

Les agitateurs seront éliminés, tous !

Les services seront privatisés, tous !

Seuls les plus riches seront aidés, tous !

Tous au service du président-roi

Tous à la Cour du Roi


S.O.S. Au rassemblement : Tous !

Fais ce qui est juste :

Appelle à la révolte !

S.O.S. Ce n'est pas une plaisanterie

Ici on brûle

la démocratie !


À la Cour du Roi..

 

Chanson italienne - A la Corte del Re – Casa del Vento 2002

Version française – A la Cour du Roi – Marco Valdo M.I.

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17 juin 2008 2 17 /06 /juin /2008 23:59
L'Europe (enfin une bonne partie de celle-ci) a longtemps mené une guerre de conquête du reste du monde. On l'a appelée la colonisation. Il y avait eu des précédents : disons, les Égyptiens, les Grecs, les Perses, les Romains et tout ceux que j'oublie. Coloniser, exploiter, conquérir, asservir étaient des façons de faire très coutumières des nations jusque très récemment encore.

Depuis un demi-siècle environ, ce sont des manières un peu déplacées et l'on procède de façon moins formelle. D'abord, on a décolonisé; ensuite, on a pratiqué l'aide au développement dont on sait que la formulation relève carrément du plus pur paradoxe orwellien qui indique qu'il est dans les habitudes des pouvoirs d'utiliser un langage pour le moins assez décalé par rapport à la réalité.

Ainsi, les militaires annoncent toujours des victoires, surtout quand il s'agit de reculs et de défaites; les nations les plus belliqueuses créent des ministères de la paix, des forces de paix... et s'en vont porter la paix de force chez des populations qui ne demandaient pas tant de sollicitude.

Il en va de même par exemple des ministères de l'emploi qui ont comme fonction essentielle de gérer le chômage et non de créer des emplois comme semblerait indiquer leur nom.

On sait très bien que la fameuse aide au développement saigne à blanc les pays d'Afrique, d'Amérique latine et que le développement de l'agriculture, telle que conseillée par les experts mondiaux, conduit à la famine les pays qu'on a obligés à la pratiquer... que les pays en sous-développement - en fait, essentiellement la paysannerie pauvre, remboursent au centuple les fameuses aides, que par ailleurs, leurs dirigeants et leurs affidés ont empochées à titre privé. Je parle au passé, mais il va de soi que cette pratique est toujours en vigueur.

En fait, les pays riches (en gros, les États-Unis, l'Australie, le Japon et l'Europe) vivent au crochets des pauvres. Mais bien entendu, il en va de même des classes sociales à l'intérieur des pays « riches ».

Le problème est en théorie très simple. Si on considère la richesse dans un groupe donné : pays, région, continent, monde; on peut l'estimer à une valeur, une hauteur donnée. Il suffit de diviser par le nombre d'habitants ou de personnes concernées de l'ensemble considéré pour obtenir la part qui devrait revenir à chacun – dans notre calcul, peu importe la forme; soit sous forme de services collectifs (publics), soit sous forme de rétribution individuelle. Ensuite, on prend l'échelle réelle pratiquée et on peut aisément voir qui dispose de moyens supérieurs à cette moyenne et qui se trouve au-dessous. Les riches d'un côté, les pauvres, nettement plus nombreux, incommensurablement plus nombreux de l'autre. Comme on sait, on ne mélange pas les torchons et les serviettes, les noirs et les blancs... En clair, la richesse des uns est directement et obligatoirement proportionnelle à la pauvreté des autres. De surcroît, une autre conclusion évidente : on ne peut être riche que pour autant que l'on crée des pauvres et beaucoup de pauvres; et même, on sera d'autant plus riche qu'on aura créé plus de pauvres.

Évidemment, les pauvres n'ont pas tellement envie de l'être – du moins à ce point et dès lors, il faut les y contraindre et donc, mener une guerre sociale qui ne pourra s'arrêter que par la disparition d'un des deux camps. Allez savoir quand et comment... Comme disait le devin, il n'y a que deux solutions à ce problème : une solution normale et une solution miraculeuse. La solution normale serait que les anges gardiens des riches les convainquent de redistribuer ce qu'ils ont pris aux autres; la solution miraculeuse, c'est qu'ils le fassent d'eux-mêmes au terme d'une réflexion intelligente et morale.

Mais venons-en à la chanson que je voulais présenter et qui raconte une histoire d'émigré (pauvre parmi les pauvres), venu d'Afrique vers l'éden européen. Il s'appelle Ahmed, il est noir de peau, il est sans papiers, il est sans domicile, il est sans droits. Il tente sa chance en Italie. On verra comme il est bien reçu et comment il est traité avant d'être renvoyé chez lui. Fascisme pas mort ! On s'en doutait. Et en Italie, sous la houlette de l'arrogant chauve repiqué, ce n'est pas tout de suite qu'il risque de disparaître. Mais, mutatis mutandis, on trouve la même ambiance sympathique et libérale dans les autres pays de la bienheureuse Europe.

Sur le plan de la création, cette chanson, intitulée Ahmed l'ambulant, a été conçue à partir d'un poème de Stefano Benni et fait partie du répertoire des Modena City Ramblers, groupe musical italien, qui intègre à la musique une conception du monde assez « résistante ».


Bienheureuse Europe

 

Ahmed l'ambulant

 

Au gel sous un portique désert, quarante nuits

J'ai vendu des montres aux étoiles

Viens me couvrir d'or, ô Ashiwa déesse de la nuit

J'ai des bracelets faux et un anneau à chaque main

Mais pas de femme.


La quarante et unième nuit ils sont venus me chercher

Ils ont piétiné mes montres comme des coquillages

Ramène-moi chez moi, ô Ashiwa déesse de la nuit

J'aurai une valise pleine de douceurs et de cravates

et je reverrai mon village.


Ainsi pour se divertir ou parce qu'ils dormaient mal

Ils m'éclateront la tête avec un bâton

Viens me libérer, ô Ashiwa déesse de la nuit

J'ai des bracelets faux et un anneau à chaque main

Mais pas de femme.


Au gel sous un portique désert, quarante nuits

J'ai vendu des montres aux étoiles

Viens me couvrir d'or, ô Ashiwa déesse de la nuit

J'ai des bracelets faux et un anneau à chaque main

Mais pas de femme.


Je ne suis pas mort dans votre ville

Je suis sur grand tas d'ébène

et les miens ont chanté et dansé

Pendant quarante nuits.


Chanson italienne « Ahmed l'ambulante » - Modena City Ramblers – 1994 – poème de Stefano Benni

Version française « Ahmed l'ambulant » - Marco Valdo M.I. - 2008

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14 juin 2008 6 14 /06 /juin /2008 20:27

Ah, dit Lucien l'âne aux yeux de braises, Marco, tu ne leur as pas encore parlé des livres que tu as écrits. Tu me sembles bien modeste et ce n'est pas bien pour les livres. Comment veux-tu que les gens sachent que ces livres existent, si même toi, tu n'en parles pas. Et puis, maintenant que tu fais un « blog », que tu cherches à faire de l'édition électronique ou digitale, tu devrais quand même en profiter pour faire connaître ce que tu as fait avant.



Sans doute. Tu as raison. Il faudrait bien que je parle des livres antérieurs. Au moins de ce qui a été publié. Aujourd'hui, je parlerai du dernier en date, celui que j'ai fait pour les amis de la Leonardo da Vinci de Seraing. Il a été publié, il y a déjà un an. C'est un beau gros livre, un in quarto de 300 pages, rempli de photos, qui raconte précisément l'histoire de la Leonardo da Vinci de Seraing, une association d'émigrés italiens qui depuis plus de 45 ans mène un combat quotidien pour permettre aux immigrés de la région d'avoir un petit bout d'Italie à portée de vie. C'est une aventure prodigieuse que la leur et celle du livre aussi.



Oh, oh, dit l'âne en souriant de toutes ses grandes dents, c'est un bien gros livre. Raconte-moi un peu comment vous l'avez fait.



Voilà, Mario, un ami sarde – car comme tous les ânes, tu sais bien qu'il y a en Italie, une région qui s'appelle la Sardaigne et où, précisément, il y a beaucoup d'ânes. Là bas, comme en Grèce, l'âne servait de tracteur, de camion, de cheval et même de radiateur – Mario, un ancien président de cette association, avait rassemblé une énorme documentation et avait, en fait, préparé le travail d'archives. Mais faire le livre, c'était une autre histoire et il avait déjà travaillé énormément et de plus, ce n'était pas son métier de faire un livre. Lui, il était électricien. Et puis, il en avait un peu assez de se coltiner à tous ces documents. Alors, il a cherché quelqu'un pour finir ce qu'il avait si bien commencé.



Et il te l'a demandé; à toi....



Et bien, oui. Il me l'a demandé. J'avais déjà fait deux livres pour le Comité Carlo Levi et il avait vu le travail. Et puis, à qui s'adresser ? Bref, il m'a demandé de l'aider. Quand je lui ai dit oui, c'était évidemment de bon cœur et je n'imaginais pas que cela prendrait tant de temps, ni tant d'énergie.



Comment ça, tant de temps et tellement d'énergie ? Explique-moi un peu.



Il y avait des milliers de documents, des photos, des textes en français, mais aussi, parmi les principaux, les plus éclairants, des textes en italien. Et puis, tu sais, il y a mille façons d'aborder une affaire. Et une association, ce sont d'abord des gens, des gens dont il faut parler, dont il faut raconter l'histoire, dont il faut publier la photo.



C'était bien complexe, en effet, dit Lucien. Mais au fait, tu connaissais bien cette association et son histoire ?



Justement, pas du tout. Enfin, un peu, son histoire récente; je connaissais quelques membres, j'en avais entendu parler, des choses comme ça. Mais, ta question est pertinente, car elle me fait prendre conscience de mon inconscience d'avoir accepté de faire un livre comme ça. Mais Mario me faisait confiance, les camarades (compagni) italiens aussi et moi, je leur faisait confiance pour m'être indulgents. J'ai dit oui et puis après, seulement après, je me suis posé la question de l'énormité de la chose. Car ce fut énorme, crois-moi.



Comment ça ? Je ne comprends pas bien où est la difficulté; une histoire, c'est une histoire. Tu commences au début et tu finis à la fin, il me semble, dit Lucien, en raclant le sol du sabot droit avant comme pour appuyer ses dires.



La première difficulté, ce fut de comprendre qui était qui et à quel moment, il intervenait dans l'histoire. Officiellement, la Leonardo est née en 1962. Mais il y a une histoire avant l'histoire et les témoignages étaient un peu nébuleux. Maintenant, je m'y retrouve, mais au début. De plus, ceux qui auraient pu donner des explications n'étaient plus là. J'ai dû m'orienter comme je pouvais. Ce ne fut pas simple. Un peu comme si on te mettait dans une pièce sombre, remplie d'objets et de personnages inconnus, aux rôles les plus vagues. Il a fallu le temps de s'y retrouver.Mais c'est pas tout, c'est un puzzle dont il manque des pièces; c'est raconter une histoire sans repères chronologiques, sans calendrier sûr. Que faire de documents sans date ? Où les situer, qui les a écrits ? J'ai fini par retrouver pas mal de précisions, mais ce fut difficile, crois-moi.

Le pire, ce fut peut-être les photos. Sans date, souvent, sans noms. Des photos de groupes, il y en a des dizaines. Et puis, il fallait bien les mettre, car il ne fallait pas écarter les gens, c'était leur histoire quand même. Il a fallu faire de la place à l'équipe de foot, à celle de « bocce », aux conférences, aux cours, aux soupers, aux banquets, aux fêtes de la femme, de l'Unità, de la rose, de l'Olivier, de l'Unione et que sais-je encore.

Il a quand même fallu éliminer beaucoup de choses. Par exemple, il était difficile de garder des photos de funérailles et crois-moi, il y en avait. Mais moi, j'ai toujours préféré fréquenter les vivants.

Parmi les documents les plus intéressants, une bonne part – et c'est logique, s'agissant d'une association d'émigrés italiens - étaient en italien. Sauf que les nouvelles générations, les descendants des fondateurs, les enfants et petits-enfants d'émigrés ne maîtrisent pas ou seulement un peu, la langue d'origine de leurs parents.


Évidemment, dit l'âne en faisant tressaillir son dos – sans doute à cause d'une mouche, et alors, qu'avez-vous fait ?

 


Bon, la complication est la suivante : si tu veux publier le document original – souvent une mauvaise copie d'un vieux papier, sorti tout droit des fardes d'archives, il est en italien et dès lors, il faut en faire une traduction.

 


Mais, dit Lucien en soufflant des naseaux, ce serait de publier les deux.

 


C'est ce qu'on a fait. Et voilà, il a fallu tout traduire, tout composer... Ah oui, composer. J'ai oublié de te dire que nous avons aussi mis en page, corrigé... Ça m'a pris plus d'un an.



Et voilà comment, je l'ai présenté pour des groupes qui voulaient en savoir plus :

 

 




 


 

 

 

Storia della Leonardo da Vinci di Seraing – Histoire de la Leonardo da Vinci de Seraing.



Auteurs : Mario Pusceddu et Marco Valdo M.I.

Éditeurs : Leonardo da Vinci ASBL Seraing et Comité Carlo Levi – Filef – La Louvière

300 pages

Prix : 20 € (au profit de la Leonardo da Vinci)




Créée en 1962, par un groupe d’émigrés italiens – militants syndicaux et politiques de gauche et pour certains, anciens résistants, d’un pays frappé par le fascisme et la misère, la Leonardo da Vinci (comme on l’appelle familièrement – au féminin, car c’est l’Associazione) avait en 2007, quarante-cinq ans. Un de ses anciens présidents a pris sur lui – en mémoire de ses camarades – de vouloir cette histoire, de constituer l’immense documentation nécessaire et d’en faire une première mouture. Arrivé là, Mario Pusceddu considéra que sa part de travail était comble et qu’il convenait de passer le relais.

La Leonardo fit appel à un « compagno » (en français, un camarade) disons du genre « intello », connu sous le nom de Marco Valdo M.I. (Manovale intellettuale – Manoeuvre intellectuel) qui poursuivit la tâche jusqu’à l’édition de l’ouvrage. Un livre où on trouve de nombreux textes en italien (langue d'origine de l'émigration) et toujours traduits en français, y compris des chants populaires comme « Bella ciao! ».

C'est donc un livre sur les travailleurs, par les travailleurs; sur l'émigration, par les émigrés.

Mais rien de tout cela n’aurait pu advenir sans la vigilante intervention de l’animateur (et actuel président) de la Leonardo, Angelo Santamaria.

En fait, c’est l’histoire toute simple et remplie de photos d’une association d’émigrés, parmi tant d’autres de la FILEF (Fédération italienne des travailleurs émigrés et familles – des millions d'adhérents dans le monde), qui mena le combat pour les mineurs – la reconnaissance de la silicose comme maladie professionnelle, l’égalité des droits des émigrés, le droit au retour au pays, le droit de vote… C’est l’histoire d’une lutte pour la survie culturelle en émigration.

C'est l'histoire aussi des fêtes, des spectacles, des musiques, des repas, des milliers de réunions : la vie de l'Associazione.



Les deux devises de la Leonardo sont :



Non più cose… Ma protagonisti. Plus des choses, mais des acteurs.



Et



Ora e sempre : Resistenza ! Aujourd’hui et toujours : Résistance !



C’est l’histoire du combat en exil de camarades émigrés italiens pour la République italienne, pour sa Constitution fondée sur les travailleurs, d’un combat jamais interrompu contre le fascisme et ses résurgences. 


 

Le livre peut être commandé auprès de

L’Association Leonardo da Vinci ASBL rue Cockerill, 86 à 4100 Seraing

Tel : 0032 (0)4 336.92.59 – 337.40.92 Fax : 0032 (0)4 336.40.92

Courriel : leonardodavinci.seraing@skynet.be

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13 juin 2008 5 13 /06 /juin /2008 18:43

Il n'est pas dans les habitudes de Marco Valdo M.I. de mêler ses amis et de façon générale, de révéler ce qui concerne la vie privée dans son blog. Il y a là une sorte de pudeur, de devoir de discrétion et pour tout dire, de réserve qu'il convient de respecter. On étale pas plus son cœur que sa vie sans en subir une sorte d'oxydation préjudiciable; comme disait Tonton Georges, « à toute exhibition, ma nature est rétive; je ne fais voir mes organes procréateurs à personne, excepté mes femmes et mes docteurs ». C'était et cela reste une saine conception des choses.

Toutefois, on peut y faire exception (avec des précautions et des nuances) quand il s'agit d'une histoire exemplaire, quand on peut y trouver un sens qui dépasse l'anecdote personnelle, le ragot et le cancan et qu'on atteint un certain niveau de généralité. Le travail d'écriture, cette mise en scène par le texte, fait le reste. On sort du domaine du particulier et on passe sur un plan de tout autre nature; on objective en quelque sorte et on stérilise contre l'infestation curieuse.

En l'occurrence ici, voici comment les choses se sont passées.

 

Oui, dit l'âne d'un ton interrogatif, venons-y, on dirait que tu tournes autour du pot.

 

Ce n'est pas vraiment çà, mais tu sais que j'aime assez évoquer l'aspect disons moral des choses. Donc, j'y viens. Un mien ami avait pris la journée pour venir me rendre visite et passer un peu de temps à se raconter des histoires, nos histoires, nos petites histoires; à rabâcher un peu nos souvenirs communs et somme toute, à se livrer aux plaisirs de la conversation. C'était aussi l'occasion d'une fois manger ensemble et bien entendu, je te vois venir, de boire un peu de vin.

 

Mon ami, qui tu le verras s'appelle Roland, dans le cours de cette longue conversation, m'a conté une histoire qui évoquait un de ses grands-pères. Ce grand-père était parti en Amérique (le fameux rêve américain) au début du siècle dernier et était revenu vingt ans plus tard, fort riche; du moins, à l'échelle de son village d'origine et dans une sorte de délire, il a tout dépensé en très peu de temps et s'en est reparti là-bas.

 

Oui, dit l'âne en poussant un gros soupir, j'ai déjà entendu des histoires pareilles et finalement, c'est assez banal.

 

Si tu veux, mais pour moi, je connaissais aussi de pareils récits, mais ils venaient au travers de la littérature italienne – par exemple dans « Cristò si è fermato a Eboli » de Carlo Levi, où à la même époque, en effet, des Americani étaient rentrés en Lucanie; nombre de Grecs, d'Italiens, de Turcs, de Libanais ... ont vécu pareille aventure.

Il y a mille histoires semblables qui circulent à propos d'émigrés ou d'immigrés méditerranéens ou d'Europe orientale qui vont et viennent et dans nos régions ici, en gros, le Centre de l'Europe, on les considère avec certaine réticence ces gens-là, ces étranges étrangers, ces immigrés.

 

Et alors, dit l'âne, moi, Lucien, je suis bien Grec. Qu'est-ce que tu veux dire, où veux-tu en venir ?

 

Eh bien, Lucien, mon ami, car tu es aussi mon ami, même s'il est singulier d'avoir un âne pour ami, eh bien, tu verras par le texte ce que je veux dire, où je veux en venir. Tout simplement, montrer que nous sommes tous des émigrés, des immigrés ou qu'à tout le moins, on peut le devenir ou l'avoir été dans les générations antérieurs.

 

Mais je voulais aussi raconter la partie de l'anecdote qui me concerne et qui est, à mes yeux, importante et intéressante. Donc, mon ami Roland était venu hier me rendre visite et nous avons passé la journée à parler, à marcher, à déambuler. Une bonne journée. Il a raconté cette histoire. Et ce matin, elle me trottait en tête en même temps que l'air d'une chanson italienne, ou un vague souvenir de l'air d'une chanson italienne. Tu sais ce que c'est que ces chansons qui ne sont plus là que par une vague réminiscence de l'air qu'elles font et parfois, quelques paroles.

 

Et alors, dit l'âne un peu sèchement, mais en tendant le cou et relevant les oreilles pour marquer son intérêt.

 

Là tout d'un coup, il m'est venu comme un poème, une chanson à partir de cette histoire et de ces réminiscences et je l'ai écrite directement en italien. Et comme tu sais, je n'écris généralement qu'on français. Pourquoi en italien est la question essentielle. Je pense que parce que cette aventure aurait dû normalement (ici et maintenant) être une aventure d'Italiens; sans doute, demain, pour les gens d'ici sera-t-elle perçue comme une aventure de Turcs ou de Marocains. Je l'ai écrite en italien et je l'ai ensuite traduite en français. Et là, ce n'est quand même pas banal. Maintenant, je te montre les deux versions.

 

Comme tu l'auras constaté, j'avais oublié une partie  du poème dans la version française. Précisément, celle où le grand-père alluimen son cigare et la pénible conclusion de l'histoire qui suit. En somme, un des passages importants. peut-on être distrait à ce point ?

Je l'ai remise à présent. Merci à Jeanne. Comme quoi, il faut toujours tourner sept fois son clavier dans sa bouche.

 





Il mio amico Roland conta

 

Siam tutti emigrati, siam tutti immigrati

Siam venuti da tanti paesi

Diversi, cosi strani

 

Roland, il mio amico

Il mio amico Roland conta

 

Il nonno era andato

in America, America

e n'è rivenuto

d'America, America

Molto ricco, molto ricco

Era il principio del secolo scorso

Quando era partito

Con la moglie e loro bambini

Spinti per la fame, spinti dalla scarsità

 

 

Dopo la guerra, la guerra finita

Erano tornati

lui, la moglie e i figli

Come dappertutto nel paese,

tutte le case della via

Erano distrutte, diroccate

Per la guerra, per la mancanza

Come dappertutto nel paese,

dopo la grande guerra,

erano da vendere

tutte le case della via.

 

Il nonno americano

ricco, molto ricco

avrebbe dovuto comprarle

Tutte, tutte le case della via

Per rifarle tutte le case

Avrebbe avuto per la famiglia

Lavoro e serenità.

Ma cosi, non l'ha fatto

Ha comprato solo una sola

E ha bevuto il resto.

 

Dell'America, America

Il nonno era tornato

Ricco, troppo ricco

Il nonno accendeva

Il sigaro con un biglietto

D'uno dollaro d'America

Il nonno era tornato

Ricco, troppo ricco

Per uno anno solo, uno solo anno.

Dopo non resta

più ch'ha cercare un' lavoro

Per uno centesimo l'ora.

 

Era all'inizio del secolo scorso

Qualche parte in Belgio.

Il nonno troppo ricco

Era d'un paese di Belgio.

 

Siam tutti emigrati, siam tutti immigrati

Siam venuti da tanti paesi

Diversi, cosi strani

 

Roland, il mio amico

Cosi me l'ha contato.

 

 

 

Mon ami Roland me l'a conté

 

 

 

Nous sommes tous des émigrés, nous sommes tous des immigrés

Nous sommes venus de tant de pays

Différents, si étranges

Roland, mon ami

Mon ami Roland m'a conté

Ce qui suit

 

Mon grand-père était parti

En Amérique, en Amérique

et il en est revenu

Très riche, très riche

C'était le début du siècle passé

Quand il était parti

avec sa femme et leurs enfants

Poussés par la faim, poussés par la pénurie

 

Après la guerre, la guerre finie

Ils étaient revenus

lui, sa femme et leurs enfants.

Comme partout dans le village,

toutes les maisons de la rue

étaient détruites, écroulées

par la guerre, par l'abandon.

Comme partout dans le village,

après la grande guerre,

toutes les maisons de la rue

étaient à vendre

 

Mon grand-père américain

riche, très riche

aurait dû les acheter

toutes, toutes les maisons de la rue

pour les refaire, toutes les maisons

Il aurait eu pour sa famille

travail et sérénité.

Mais il n'a pas fait ainsi

Il en a acheté une seule

et il a bu tout le reste.

 

De l'Amérique, Amérique,

Mon grand-père était revenu

Riche, trop riche

mon grand-père allumait son cigare

Avec un billet d'un dollar

Mon grand-père était revenu

Riche, trop riche

Pendant une seule année, un an seulement,

Après il ne resta plus

Qu'à chercher un travail

A un centime de l'heure.

 

C'était au début du siècle dernier

Quelque part en Belgique.

Le grand-père trop riche

était d'un village de Belgique.

 

 

 

Nous sommes tous des émigrés, nous sommes tous des immigrés

Nous sommes venus de tant de pays

Différents, si étranges.

 

Roland, mon ami

Me l'a conté ainsi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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17 mai 2008 6 17 /05 /mai /2008 20:02

 

Exil intérieur en Barbarie

 

Petit texte

A lire en vacance. (la vacance – ce désert où vivre avec soi-même – est bien plus intéressante que les vacances – ce rassemblement où se fuir soi-même).

Tant qu’il reste un peu d’espace pour penser.

Détachez vos ceintures, sortez le couvert.

Je vous embrasse

M.V.M.I.

 

Tout part d'une lecture d’Ulysse. Je ne comprends pas qu’on ne comprenne pas. Ni qu’on n’aime pas. C'est un somptueux voyage dans la tête de Joyce, l’imaginaire irlandais. Joyce, étranger dans sa propre patrie : c’est la sensation que Joyce avait en Irlande – il se sentait donc quasiment asphyxié,culturellement, moralement asphyxié; il s'en va vivre à Paris, Pula, Rome, Zurich.

De toute façon, il lui était impossible de pratiquer sa langue – le gaélique ; il a dû écrire dans la langue de l’envahisseur anglais. L'anglais lui est resté en travers de la tête. Dès lors, cette langue ennemie, il passe sa vie à la déstructurer.

Joyce se sentait étranger dans sa propre patrie.

Etranger dans sa propre patrie : idée aussi de Gobetti et de Gramsci ; évidemment de Levi. Tous des exilés.

Voyez venir ce fascisme masqué et doux, le soft-fascisme, ce fascisme d’août sur les plages et la répression quotidienne. Big Brother se répand partout. Il regarde tout de ses milliards d’yeux de verre et qui renvoie ses images hypnotiques sur les écrans, des millions d'écrans de contrôle.

Il est curieux de se rendre compte qu'Aldous Huxley fut le professeur de littérature d' Éric Blair , mieux connu en littérature sous le nom de Georges Orwell – lequel écrivit « 1984 », où apparaît pour la première fois, Big Brother. Des exilés intérieurs, des exilés extérieurs.

 

Voici que se met en place le fascisme doux.

Bientôt, on poursuivra celui qui n’a pas de télé et qui ne regarde pas la télé. On mettra à chacun un petit capteur, dès la naissance, dans la tête; entre les yeux, un led clignotant pour voir si l’impétrant ne boycotte pas à l’intérieur de sa tête les messages lumineux et subliminaux qu’on lui impose, des capteurs directement sur le cerveau…

Bientôt, ils le feront : on y est presque.

On poursuivra celui qui ne vote pas, qui ne veut pas voter .

On poursuivra celui qui n'achète pas assez, celui qui ne consomme pas bien.

À quand les camps ?

Encore un effort, pour ne plus jamais être révolutionnaires… Le Marquis avait résisté, mais à quel prix ?

En fait, le fascisme antique – celui de Benito était bien fruste, brutalement brutal, squadriste évident, trop évident.

Les nouveaux fascismes font dans le respectable, mais comme chantait Dalida : Tu n’as pas changé…

Le fascisme, c’est la fondamentale indignité, la soumission, l’acceptation (forcée ou agréée ou souhaitée ou aspirée) du pouvoir; le goût de l'avidité, de la possession, de l'avoir… l'arrogance des nantis; l'envie et l'ambition comme moteurs de l'existence.

Berlusconi, c’est Mussolini revu par le marketingue, médiatisé et relifté. Un Benito design, en quelque sorte.

On comprend ainsi l’importance du costume-cravate (ou du nœud pape), du maquillage (soyez bronzé !), des squadrettes aux dents longues et aux poitrines d'assaut, de la déridation du cavaliere et de l’organisation systématique du terrorisme.

À quoi serviraient les services secrets (S.S.), s'il n'y avait pas de terroristes. Ce sont les S.S. étasuniens qui ont eu la peau de Salvatore Allende, le 11 septembre – for exemple – en 1973. Tout le monde se souvient que le prédisent chilien était un odieux terroriste; les peuples sont idiots, ils élisent des terroristes.

Il n'y a pas si longtemps, on (les fameux SS antiterroristes) avait tué à Londres un électricien brésilien de cinq ou huit balles dans la tête (ils ne sont pas sûrs du nombre exact de balles; à se demander s'ils savent compter jusque dix). On a découvert seulement ensuite qu'il était électricien; enfin, seulement, électricien.

À Bruxelles, on pousse les même-pas-terroristes au suicide. (On ne sait jamais, ils pourraient le devenir ! Même les enfants sont suspectés et punis, renvoyés vers la misère. Sans doute, avant qu'ils ne nous terrorisent à domicile ?).

Ta gueule ! C’est nous qu’on a raison, qu’on est les bons et tous les autres qui sont pas d’accord avec nous sont des lopettes, des muslims, des ennemis de Dieu, ils ont le diable au corps (pas celui de Radiguet, bien sûr). Donc, on les tue : normal, non ?

 

Et on répand ce poison dans toutes les têtes, dans toutes les maisons, dans toutes les rues : Ayez peur, les terroristes sont là, cachés, partout. Mais heureusement, nous on est là aussi et on vous défend contre ces terroristes qui n'existent probablement pas.

Enfin, on ne sait jamais, deux précautions...

C'est l'état de siège, la loi martiale. Le premier qui tousse, au coin, au trou. Normal, on fait la guerre.

 

Bien sûr que vous faites la guerre, mais contre nous, contre les peuples, contre les pauvres, contre ceux qui ont l'idée (saugrenue, certes) de vouloir partager équitablement le monde.

 

Sardou chantait : « Si les Ricains n’étaient pas là, on serait tous en Germanie… »

Mais ils sont là, les Ricains et depuis soixante ans.

Alors ? Allora ?

Les Ricains sont là, on est tous en Barbarie et depuis soixante ans.

 Comment s’échapper ? Comment échapper à la barbarie intérieure ? Où aller ?

Les Ricains sont partout. Le fascisme doux (eux l'appellent le libéralisme) aussi, d'ailleurs.

Le fascisme doux, c'est comme le maïs doux; il est transgénique; on le répand partout. Mondialisation oblige.

Léopold Bloom ou Stephen Dedalus ou partir vingt ans sur les mers pour retrouver Pénélope ou vingt mille lieues dessous.

L’exil, rien que l’exil. L'exil intérieur, car où aller ?

 En vérité, nous vivons en exil intérieur; nous vivons sous occupation.

En somme, tout, tout, tout mais pas çà.

En attendant de pouvoir civiliser les Barbares.

 

Ainsi, vous voyez pourquoi la Révolution – Résistance – Risorgimento, ce n’est pas fini.

 

 

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17 mai 2008 6 17 /05 /mai /2008 10:28

 

 


Chers amis de Suisse,

Comme le Temps passe... Même chez moi et je vous lis avec plaisir.

 

Je ne suis pas Suisse cependant, mais je vous lis avec attention. Je suis né et j'habite en Belgique. Allez savoir pourquoi.


Je vous scrute toujours avec grand intérêt et je souhaiterais faire quelques remarques et apporter une information par rapport à l'actuelle exigence "mondiale" de baisse des salaires.


Je voudrais ainsi compléter la réflexion sur la pression à la baisse sur les salaires qui s'instaure à présent dans votre pays si longtemps épargné.

 

D'abord pour dire que cette baisse est générale et volontaire dans tous les pays dits "libéraux" ou ralliés au libéralisme économique (presque toute l'Europe, je vous laisse le soin de conclure pour la Suisse, la Grande-Bretagne et les Etasunis - sans compter tous les pays dominés par les susdits - Amérique latine...).

Elle résulte de la volonté des capitalistes, des actionnaires, des patrons (on les appelle comme on veut)... de faire croître leurs profits - quoiqu'il en soit pour les peuples, c'est-à-dire sans aucune considération pour les inconvénients et les misères que cela peut engendrer.

Ce qui n'est évidemment pas un objectif humain, mais bien un objectif purement financier. En quelque sorte, ces gens-là (si on peut imaginer que des gens soient capables de pareilles vilenies) jouent le profit contre l'homme.

D'autre part, je voudrais rappeler ici le programme de Benito Mussolini en 1922 qui exigeait de l'Italie : la réforme de la bureaucratie (entendez la destruction de l'administration publique),  la cession à l'industrie privée des entreprises industrielles de l'État (actuellement, on dit privatisation et mise en concurrence),  l'abolition des organes de l'État ( présentement, destruction des services publics),  la suppression des subsides aux fonctionnaires (réduction des budgets de l'administration publique), aux coopératives et aux magasins municipaux "privilégiés par rapport au commerce privé" = liquidation du secteur de l'économie sociale; la simplification du système des impôts - tout pour les riches, rien pour les pauvres; la réduction des taxes  sur les successions,  sur les affaires et dans certains cas sur le luxe; l'élimination du déficit budgétaire, non pas en augmentant les impôts, mais en élargissant (vers le bas) le cadre des contribuables;  l'aggravation des impôts sur la consommation plutôt que des impôts directs sur la richesse.

On ne saurait mieux définir un programme de droite ou plus exactement et actuellement encore,"libéral", "manchestérien", "anglo-saxon" -  et comme il apparaît ci-dessus, franchement fasciste.

C'est exactement ce qu'a fait , par exemple, le gouvernement français  - entre autres - depuis plusieurs années.

C'est exactement ce que font les gouvernements - pour ne citer qu'eux : de Belgique, du Royaume-Uni, d'Italie, d'Allemagne...


Faut-il rappeler que le parti fasciste  (P.F.N. - de Mussolini dans les années 1920 et jusqu'en 1945 en Italie - on peut évidemment imaginer que nous n'en sommes plus là; c'est vrai, nous sommes en avance sur ce programme et sans avoir recours directement aux violences physiques) utilisait ses escouades de squadristes et les chômeurs, dont il exploitait la désespérance, pour détruire les organisations syndicales, coopératives et sociales et imposer la diminution drastique des salaires ; pour instaurer la maximalisation des profits et la destruction des conventions collectives de travail ; pour détruire les partis proches des travailleurs ; pour détruire (but avoué ouvertement et revendiqué clairement par Mussolini) la démocratie et mener les travailleurs à la servitude.

 

En tous cas, c'est le programme aux détails près de l'actuel parti libéral  (M.R.  - Mouvement Réformateur et VLD - libéraux démocrates flamands) en Belgique et le pire, c'est qu'il est au pouvoir et que les sociaux-démocrates le soutiennent.

L'Europe et la planète entière sont en train de subir les effets de pareille déviation.

 

Bien entendu, les Mussolini d'aujourd’hui sont plus souriants, ils parlent sans complexe aux télévisions... Ils se font relisser le visage, remettre des cheveux sur leur calvitie...

Plus grave encore, l'Europe est en train de voir ces partis et leurs politiques s'abattre sur elle et sur ses populations comme au soir d'une bataille , les corbeaux sur le champs couvert de morts sur qui tombe la nuit.


Que l'homme fasse que cela cesse rapidement !


En clair, il n'y a pas d'autre solution que de faire disparaître du paysage ce système très ancien, très désuet, carrément périmé, en quelque sorte barbare  -  communément nommé capitalisme et d'entrer résolument dans la modernité humaine et (forcément) démocratique.


Reste à savoir comment s'y prendre  et comment mettre à bas de telles puissances si riches, si puissantes et si armées !


Vale

Ora e sempre : Resistenza !

OsR !

Marco Valdo M.I.

 

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