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17 juin 2008 2 17 /06 /juin /2008 23:59
L'Europe (enfin une bonne partie de celle-ci) a longtemps mené une guerre de conquête du reste du monde. On l'a appelée la colonisation. Il y avait eu des précédents : disons, les Égyptiens, les Grecs, les Perses, les Romains et tout ceux que j'oublie. Coloniser, exploiter, conquérir, asservir étaient des façons de faire très coutumières des nations jusque très récemment encore.

Depuis un demi-siècle environ, ce sont des manières un peu déplacées et l'on procède de façon moins formelle. D'abord, on a décolonisé; ensuite, on a pratiqué l'aide au développement dont on sait que la formulation relève carrément du plus pur paradoxe orwellien qui indique qu'il est dans les habitudes des pouvoirs d'utiliser un langage pour le moins assez décalé par rapport à la réalité.

Ainsi, les militaires annoncent toujours des victoires, surtout quand il s'agit de reculs et de défaites; les nations les plus belliqueuses créent des ministères de la paix, des forces de paix... et s'en vont porter la paix de force chez des populations qui ne demandaient pas tant de sollicitude.

Il en va de même par exemple des ministères de l'emploi qui ont comme fonction essentielle de gérer le chômage et non de créer des emplois comme semblerait indiquer leur nom.

On sait très bien que la fameuse aide au développement saigne à blanc les pays d'Afrique, d'Amérique latine et que le développement de l'agriculture, telle que conseillée par les experts mondiaux, conduit à la famine les pays qu'on a obligés à la pratiquer... que les pays en sous-développement - en fait, essentiellement la paysannerie pauvre, remboursent au centuple les fameuses aides, que par ailleurs, leurs dirigeants et leurs affidés ont empochées à titre privé. Je parle au passé, mais il va de soi que cette pratique est toujours en vigueur.

En fait, les pays riches (en gros, les États-Unis, l'Australie, le Japon et l'Europe) vivent au crochets des pauvres. Mais bien entendu, il en va de même des classes sociales à l'intérieur des pays « riches ».

Le problème est en théorie très simple. Si on considère la richesse dans un groupe donné : pays, région, continent, monde; on peut l'estimer à une valeur, une hauteur donnée. Il suffit de diviser par le nombre d'habitants ou de personnes concernées de l'ensemble considéré pour obtenir la part qui devrait revenir à chacun – dans notre calcul, peu importe la forme; soit sous forme de services collectifs (publics), soit sous forme de rétribution individuelle. Ensuite, on prend l'échelle réelle pratiquée et on peut aisément voir qui dispose de moyens supérieurs à cette moyenne et qui se trouve au-dessous. Les riches d'un côté, les pauvres, nettement plus nombreux, incommensurablement plus nombreux de l'autre. Comme on sait, on ne mélange pas les torchons et les serviettes, les noirs et les blancs... En clair, la richesse des uns est directement et obligatoirement proportionnelle à la pauvreté des autres. De surcroît, une autre conclusion évidente : on ne peut être riche que pour autant que l'on crée des pauvres et beaucoup de pauvres; et même, on sera d'autant plus riche qu'on aura créé plus de pauvres.

Évidemment, les pauvres n'ont pas tellement envie de l'être – du moins à ce point et dès lors, il faut les y contraindre et donc, mener une guerre sociale qui ne pourra s'arrêter que par la disparition d'un des deux camps. Allez savoir quand et comment... Comme disait le devin, il n'y a que deux solutions à ce problème : une solution normale et une solution miraculeuse. La solution normale serait que les anges gardiens des riches les convainquent de redistribuer ce qu'ils ont pris aux autres; la solution miraculeuse, c'est qu'ils le fassent d'eux-mêmes au terme d'une réflexion intelligente et morale.

Mais venons-en à la chanson que je voulais présenter et qui raconte une histoire d'émigré (pauvre parmi les pauvres), venu d'Afrique vers l'éden européen. Il s'appelle Ahmed, il est noir de peau, il est sans papiers, il est sans domicile, il est sans droits. Il tente sa chance en Italie. On verra comme il est bien reçu et comment il est traité avant d'être renvoyé chez lui. Fascisme pas mort ! On s'en doutait. Et en Italie, sous la houlette de l'arrogant chauve repiqué, ce n'est pas tout de suite qu'il risque de disparaître. Mais, mutatis mutandis, on trouve la même ambiance sympathique et libérale dans les autres pays de la bienheureuse Europe.

Sur le plan de la création, cette chanson, intitulée Ahmed l'ambulant, a été conçue à partir d'un poème de Stefano Benni et fait partie du répertoire des Modena City Ramblers, groupe musical italien, qui intègre à la musique une conception du monde assez « résistante ».


Bienheureuse Europe

 

Ahmed l'ambulant

 

Au gel sous un portique désert, quarante nuits

J'ai vendu des montres aux étoiles

Viens me couvrir d'or, ô Ashiwa déesse de la nuit

J'ai des bracelets faux et un anneau à chaque main

Mais pas de femme.


La quarante et unième nuit ils sont venus me chercher

Ils ont piétiné mes montres comme des coquillages

Ramène-moi chez moi, ô Ashiwa déesse de la nuit

J'aurai une valise pleine de douceurs et de cravates

et je reverrai mon village.


Ainsi pour se divertir ou parce qu'ils dormaient mal

Ils m'éclateront la tête avec un bâton

Viens me libérer, ô Ashiwa déesse de la nuit

J'ai des bracelets faux et un anneau à chaque main

Mais pas de femme.


Au gel sous un portique désert, quarante nuits

J'ai vendu des montres aux étoiles

Viens me couvrir d'or, ô Ashiwa déesse de la nuit

J'ai des bracelets faux et un anneau à chaque main

Mais pas de femme.


Je ne suis pas mort dans votre ville

Je suis sur grand tas d'ébène

et les miens ont chanté et dansé

Pendant quarante nuits.


Chanson italienne « Ahmed l'ambulante » - Modena City Ramblers – 1994 – poème de Stefano Benni

Version française « Ahmed l'ambulant » - Marco Valdo M.I. - 2008

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