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6 décembre 2008 6 06 /12 /décembre /2008 22:50
D'accord, j'admets qu'on puisse être en retard, mais à ce point... Qu'est-ce qu'il me fiche encore, cet âne-là ? Sans doute a-t-il rencontré une ânesse, peut-être même se nomme-t-elle Nanesse, allez savoir dans ce noir d'hiver. Et puis serait-il à dix mètres que je ne le verrais pas encore... A-t-on idée d'avoir le poil noir à ce point ? Mais, mais... On dirait que j'entends un pas, un pas à quatre temps, un peu saccadé, un peu pressé, dirait-on. Ce doit être Lucien....

Lucien, est-ce toi qui arrive là ?



Qui veux-tu que ce soit d'autre ? Quel âne bâté aurait l'idée saugrenue de venir se geler dans le noir et se faire tremper comme dans un orage de mousson, je te le demande, quel âne autre que moi aurait cette lubie ?, dit Lucien l'âne en terminait sa course en s'arrêtant net aux pieds de l'arbre et de Mârco Valdo M.I.. Il faudrait être fou ou simplement idiot ou alors, être ton ami et encore, un ami sans réserve, sans réticence aucune... bref, il n'y a que moi qui corresponde à cette description. Et puis, a-t-on déjà rencontré d'autres ânes ici ? Ou alors, tu me caches des choses... C'est vrai ça, comment pouvais-tu te poser pareille question ? Quel autre âne ? Y aurait-il d'autres ânes dans tes connaissances ?



Ohlàlà, quelle question... dit Mârco Valdo M.I. en riant. Des ânes, j'en rencontre des flottes entières. Mais ce sont des bipèdes.



Arrête de faire de l'humour, je le sais bien que tu rencontres des escadrilles entières d'ânes bipèdes... D'ailleurs, je ne suis pas venu ici pour discuter du sexe des ânes et des intimes rencontres que j'aurais pu avoir aujourd'hui avec une ânesse ou une autre ou même avec plusieurs, séparément ou en groupe.



C'est peut-être pourtant ça qui explique ton retard...



peut-être, peut-être... et même certainement. Mais tu crois que l'on peut laisser en plan une ânesse et si comme tu l'insinuais, il y en avait plusieurs, imagine... Abandon de poste dans un moment crucial... peux-tu imaginer les récriminations et les ennuis que j'aurais si je pratiquais ainsi... Non, non, c'est impossible. Admettons que c'est là la raison et passons au point suivant. Bref, quelle est l'histoire du jour... Est-ce la suite d'un de tes feuilletons à épisodes?

J'aimerais bien mon bon Lucien, dit Mârco Valdo M.I., mais je manque un peu d'éléments pour l'instant et j'ai la tête ailleurs. Alors, si tu le veux bien, je vais te faire une surprise. Tu te souviens que les autres semaines, je veux dire les semaines précédents, j'avais souvent été en retard, moi aussi.



Oh, oh, tu le reconnais, voilà qui est fameux, dit Lucien l'âne en trépidant de plaisir et puis, ça réchauffe.



Laisse-moi terminer mes phrases plutôt que de sauter comme un cabri. Donc, je disais que les semaines précédentes, j'avais été en retard en ce qui concerne les canzones du dimanche. Ce qui, à juste titre, te désolais.



Enfin, pas trop, car tu te rattrapais la plupart du temps, dit l'âne Lucien. Et alors ?



Et bien, je vais cette fois être en avance. Ce ne sera pas un épisode, mais des canzones. Deux oui trois canzones que je trouve particulièrement intéressantes et que j'ai envie de te faire connaître sans plus attendre.



Sans plus attendre. Mais alors, dit Lucien l'âne, mon cher Mârco Valdo M.I., commence tout de suite.



La première, tu vois bien mon cher Lucien que je commence tout de suite, dit Mârco Valdo M.I., la première s'intitule Mer Noire. Ce n'est pas comme on pourrait le penser en ces temps de tourisme échevelé, ni comme tu pourrais le faire toi qui vécut en Grèce, en Asie mineure et encore seul le Grand Âne sait où... à ce propos, j'ai toujours beaucoup aimé cet intraduisible jeu de mots en anglais : Who knows ? (Qui sait ?), Only Big Nose knows. Pas si intraduisible que ça, d'ailleurs, car par exemple, appliqué aux ânes, cela pourrait donner : Qui sait ? Seul le Grand Âne sait. Évidemment, on n'a pas la même allitération... Mais enfin, que ce soit un âne, c'est tout ce qui importe.



Ah, ah, fait Lucien l'âne, elle est bien bonne. Mais tu sais, nous les ânes nous avons aussi un très grand nez...et il remue la tête de façon significative.



Oui, oui, mais tout celà nous éloigne de la Mer Noire, dont je te disais qu'elle n'était pas vraiment une chanson à relents touristiques... Par contre, elle d'un grand poète, un grand chantauteur italien du temps présent. Et c'est une superbe chanson, de très haute poésie. Je te laisserai découvrir ce dont il s'agit, comme j'ai bien dû le découvrir moi-même. La seconde chanson a un titre nettement plus explicite, enfin pour peu qu'on se souvienne de certaines choses et qu'on n'ait pas trempe son éponge de cerveau dans un bain de révisionnisme. C'est une texte très court, mais d'une grande puissance. Elle s'intitule Arbeit macht frei. Le travail rend libre.



Tu te fous de moi, dit Lucien l'âne. Le travail rend libre... Elle est bien bonne celle-là. Nous les ânes, on peut te dire que le travail rend esclave et uniquement esclave, que le travail n'existe que parce qu'il est obligatoire, que nous, les ânes, mais on est des ânes, que des ânes, on déteste ça. Comme d'ailleurs l'établit notre réputation millénaire, nous résistons du mieux que nous pouvons. C'est qu'il faut nous battre pour qu'on consente à travailler et encore, de mauvais gré; qu'on nous aveugle pour nous forcer à travailler, qu'on nous affame... Ah, si nous étions des humains, on ne nous aurait pas comme ça. Ni carotte, ni bâton, ne seraient tolérés. Ânes peut-être, mais pas cons. Cela dit, notre réputation millénaire établit également notre courage, notre force, notre résistance à la fatigue, notre audace dans les endroits les plus périlleux... Nous passons avec nos charges, là où la main de l'homme n'a jamais mis le pied. C'est pas qu'on refuse notre part du boulot. On participe volontiers à l'effort commun, même au-delà de la moyenne, mais pas si nous sentons qu'on veut nous exploiter. Là, on se cabre.



Ne t'emballe pas, Lucien mon ami, tu verras que la canzone va tout-à-fait dans ton sens. Ah, si les humains pouvaient parfois être des ânes... Note qu'ils le deviendront peut-être...




Photo G.L.

 



MER NOIRE


Chanson italienne – Mare nero – Alessio Lega – 2004

Version française – Mer noire – Marco Valdo M.I. – 2008


Nous sommes la mer noire qui est calme le jour,

se meut lentement, cache dans les fonds

sa propre dépouille, entonne en un froissement léger

un chant qui lui vient du bout du monde.

Et apporte de loin un parfum d'espérance,

envahit ta chambre et te rend étrange

te fais paraître étranger au troupeau des moutons

conduits chez le tueur au son des millions.

Nous sommes la mer noire qui protégée de nuit

par l'obscurité, se lève en vagues, se jette sur la rive

et se retire, s'enroule dans son lit

pour assaillir la digue d'une force encore plus vive.

Nous avons des voiles noires pour nous pousser sur la mer,

mais ce ne sont pas des drapeaux, ne vous y trompez pas !

Nous sommes la liberté, ce qui fait le plus peur,

suspendus au centre exact entre la conscience et la nature.


Nous sommes les anarchistes ! Nous sommes les anarchistes !

Nous sommes les anarchistes !

Nous sommes la mer noire, la force ténébreuse

répandue sur les plages ouvertes du système,

Notre sang infecte empoisonne l'embouchure

et la main du bourreau quand elle frappe tremble.

Car il n'y a pas moyen de nous arracher notre vie

Chaque jour volée, chaque soir retrouvée

Car il n'y a pas de peur qui puisse contenir

le temps que chaque jour nous réussissons à libérer.

Nous sommes la mer noire aux eaux salées et sales.

Nous déposons les doutes dans le ventre de toute foi,

nous avons plein de madones, toutes plutôt sales,

et chacun de nous est un dieu qu'on touche et qu'on voit.

Et nos chargeurs sont des rosaires

qu'on égrène amers dans le ventre de ces messieurs.

Nous sommes la peur de la classe la plus prospère,

Nous sommes le nœud de la corde qui les pend.


Nous sommes les anarchistes ! Nous sommes les anarchistes !

Nous sommes les anarchistes !


Nous sommes la mer noir, la dynamite allumée

dans ce calme plat, la mèche qui se consume.

Travaillez tranquilles, allez faire vos courses !

Sur vos autostrades, ensevelis dans la brume.”

Sur la route que vous faites, en vitesse pour consommer

ce n'est plus du brouillard, mais de la fumée qu'un été vous trouverez

Couillons comme vous êtes, ouvrez votre cerveau

Ne ratez pas encore la dernière sonnerie.

Nous sommes la mer noir qui un jour vous a balayés

Elle vous a trouvés esclaves, elle vous a montré la sortie,

Nous avons cru que trop fatigués de vos nombreuses

années à la chaîne, vous réclamiez la vie.

Mais en échange de la permission de rentrer dans le troupeau,

vous nous revendez souvent au pouvoir et à la loi

car c'est la liberté qui fait le plus peur...

Suspendus au centre exact entre la violence et la culture.

Nous sommes les anarchistes ! Nous sommes les anarchistes !

Nous sommes les anarchistes !


Nous sommes la mer noire, deuil et désespoir

d'un passé triste, d'un futur incertain

et d'un monde conçu en manière de prison

piège qui mord celui qui sort à découvert.

On nous fait ressentir des gaspillages, fatigués aussi de crier,

la mer empoisonnée, enfermés dans les abris

planqués, fous, fols de trop d'amour

avec un suaire gris étendu sur notre douleur...

mais nous sommes la mer noire, les oranges d'Espagne,

acide, sucre et miel, le vin de la terre,

ivres de vie, de ville en campagne,

Nous trouvons de nouveaux camarades pour faire la guerre à la guerre.

En plus d'”Addio Lugano”(1), nous chantons la mémoire

Mais nous occupons l'histoire, où nous sommes nous restons

où nous ne sommes pas, nous irons, nous irons pour de vrai

car nous sommes comme la mer, nous sommes une mer noire !


Nous sommes les anarchistes !

Nous sommes les anarchistes !




Pietro Gori


  1. Chanson de Pietro Gori, anarchiste italien, écrite en prison en 1894. Chanson sur les anarchistes italiens, exilés en Suisse puis expulsés (Gori était l'un des expulsés). Depuis lors, cette chanson est une des chansons du répertoire des anarchistes italiens.









ARBEIT MACHT FREI. : LE TRAVAIL REND LIBRE.





Chanson italienne - Arbeit macht frei – Frankenstein – Fariselli – 1973

Version française – Arbeit macht frei – Marco Valdo M.I. – 2008



On ne pouvait être plus clair.

Arbeit macht frei figure à l'entrée du camp de Dachau, où cette devise en fer forgé avait été fièrement installée par les nazis. Ceci indique une fois pour toute la signification réelle du travail dans une société où il est permis d'exploiter l'autre et les autres à des fins mercantiles. Arbeit macht frei : c'est le véritable fondement du libéralisme : le travail (celui des autres évidemment... et en tous cas, principalement) ainsi conçu.

Arbeit macht frei : c'est le fondement de toutes les politiques de l'emploi, du plein emploi et autres fadaises libérales. C'est le fondement de l'escroquerie gigantesque qu'on appelle : le salariat.

Mais de fait, le travail des uns rend libre ceux qui l'exploitent. En ce sens, c'est une vérité éclatante. Le travail des pauvres rend riche les riches; leur offre une liberté dont, par ailleurs, il est rare qu'ils usent avec qualité.

Arbeit macht frei : c'est précisément l'enjeu-même de la guerre de cent mille ans, cette guerre insensée que les riches mènent obstinément contre les pauvres.

Il va de soi que l'artiste, le poète, l'écrivain, le musicien, le chanteur, le danseur ... ne travaillent pas. Les artistes (les vrais – on ne parle pas ici de ceux qui se vendent) ne travaillent pas. De fait, ils créent et de fait, même pauvres, eux, sont libres.

Pour couper court au délire libéral et (faussement) moralisateur qui prétend à la sanctification du travail, il faut mettre en lumière toute la fausseté de celui qui prétend que le travail ennoblit l'homme, la femme... C'est évidemment absolument faux. Le travail – tel que nous le connaissons dans cette société d'exploitation et à cause de cette exploitation, est dégradant, indigne d'un être humain et il faut dire cela bien haut.



Que l'on comprenne bien une fois pour toutes également que ce qui est gênant dans le travail, ce n'est pas l'effort qu'il représente, l'intelligence qu'il sollicite, la volonté qu'il met en œuvre... toutes qualités éminemment appréciables, et que personnellement, j'apprécie énormément; ce qui est gênant dans le travail, c'est que l'opérateur, le travailleur doit se vendre, doit vendre son temps, sa force, la disponibilité de son corps et de son esprit à quelqu'un, personne ou société, qui en tire profit, qui en profite, qui en jouit et cela au travers d'un système coercitif, d'un chantage permanent. Ce même chantage qui est la base de la société de travail obligatoire (S.T.O.) dans laquelle on nous force à vivre (la seule sortie étant le suicide...).

En fait, comment appelle-t-on celui qui tire profit de la disponibilité du corps d'une femme par la coercition, la force, le chantage...?

Et, on fera remarquer que celui qui fait cela – proxénète, maquereau..., tout en étant une immense ordure, est un gagne-petit à côté de ceux qui se constituent des fortunes sur le dos des travailleurs.

Il n'y a aucun argument qui justifie l'exploitation. Jamais.

Par contre, dans une société commune, où l'ensemble de l'effort nécessaire pour faire vivre la communauté est partagé, où chacun apporte en quelque sorte sa pierre à l'édifice, porte sa part de la charge commune, le travail aurait une autre signification et dans cette mesure deviendrait une activité honorable. Il faut bien le dire et le répéter : ce n'est malheureusement pas le cas dans le système actuel.

Ainsi parlait Marco Valdo M.I.









Dans tes misères

Tu reconnaîtras

la signification

d'un arbeit macht frei.

Pénible économie

quotidienne humilité

te poussent toujours

vers l'arbeit macht frei.


Conscience

chaque fois plus

te fera connaître

ce qu'est arbeit macht frei.

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