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19 mai 2008 1 19 /05 /mai /2008 11:49


 

Lors de son voyage en Inde, au début des années soixante du sicèle dernier, à l'occasion du Congrès des écrivains d'Asie, Carlo Levi resta un mois entier et s'en fut, escorté par l'un ou l'autre écrivain indien, voir les villageois, voir les paysans, voir les conditions de vie des gens des campagnes aussi bien qu'il s'en fut voir la vie de ceux des faubourgs des grandes villes indiennes.

Vies de misère, vies d'infinies souffrances, vies où le temps est perdu quelque part dans l'indéfini. Tout comme en Lucanie, le temps tourne sur lui-même, le temps se morfond dans un cycle éternel. Nuit et lever du jour au bord du Gange, entre les bûchers funéraires; après-midi dans la campagne. Il lui arriva toutes sortes d'aventures.

Ici, dans ce village, il est accueilli par des musiciens et des danseuses tout comme il aurait pu l'être dans un village de la Grèce antique, ou dans les campagnes d'Italie ou de France ou d'Allemagne dans les temps où l'Europe était encore essentiellement rurale.


Mais de ce côté-ci du monde, le voyageur n'aurait pas vu cette lune, cette "luna barcollante", cette barque lunaire flottant sur les vagues du ciel. Le croissant de la lune, en Inde et sans doute dans toute cette partie du monde, est posé à l'horizontale. La lune est devenue une gondole et elle se balance, tranquille, sur la lagune étoilée.


Il est toujours intéressant, et même passionnant de lire Carlo Levi le politique, Carlo Levi, le polémiste, Carlo Levi, le romancier, Carlo Levi, grand journaliste, Carlo Levi, en une sorte d'ethnologue-anthropologue, Carlo Levi, curieux de tout, Carlo Levi avec son œil acéré et gourmand du peintre, avec sa main si désireuse de raconter le monde.

Carlo Levi dont les paysans du Sud avaient fait leur "ambassadeur" au cœur de la civilisation urbaine, Carlo Levi, Turinois de naissance, était devenu un homme du Sud, du Sud en qu'il est le lieu de la paysannerie obstinément confrontée à la nature et au temps cyclique. Gigliola De Donato, qui fut sa "curatrice", a bien eu raison d'intituler sa biographie : "Carlo Levi, un torinese del Sud" - "Carlo Levi, un Turinois du Sud".

Carlo Levi, ce poète du bout du monde, est fascinant quand il chante la fascination qui le consume devant le pays des origines. Pour Carlo, L'Inde est la matrice première, la mère éternelle. La lune est sa complice, elle berce le monde.

India, texte d'où est tirée cette chanson, est un texte chatoyant et au sens strict, bouleversant.

Cette chanson léviane, comme les autres chansons lévianes, sort tout droit de la fascination de Marco Valdo M.I. pour l'aède Carlo Levi.


La luna barcollante – La lune basculante



Due donne sedute

Sotto il portico

D’una capanna di terra

Due sorelle, forse

Forse, due sorelle

Sedute sotto il loro portico


Deux femmes assises

Sous le porche

D’un cabanon de terre

Deux sœurs, peut-être

Peut-être, deux sœurs

Assises sous leur porche.


La più piccola, la più giovane

Anche, la più graziosa

Con collane et pitture

Occupata a ornarsi

Occupate a truccarsi

L’altra, la maggiore

Nera, grossa, materna

Le liscia i capelli


La plus petite, la plus jeune

La plus gracieuse aussi

Avec des colliers et des peintures

S’embellit

Se maquille

L’autre, l’aînée

Noire, grosse, maternelle

Lui lisse les cheveux.


Due sorelle, forse

Forse, due sorelle

Le danzatrici del villaggio

Due donne ornate

Sotto il portico della loro capanna

Sono le danzatrici del villaggio


Deux sœurs, peut-être

Peut-être, deux sœurs

Les danseuses du village

Deux femmes ornées

Sous le porche de leur cabanon

Ce sont les danseuses du village


Mi invitano ad entrare

Mi fanno entrare

Mi tolgono le scarpe

Mi fanno sedere in terra

Nel fondo della capanna

Sotto gli strumenti musicali

Appoggiati al muro

Nel fondo della capanna


Elles m’invitent à entrer

Elles me font entrer

Elles m’enlèvent les chaussures

Elles me font asseoir à terre

Au fond du cabanon

Sous les instruments de musique

Appuyés au mur

Au fond du cabanon


Due sorelle, forse

Forse, due sorelle

Due donne ornate

Tre suonatori

Forse, due sorelle

Le danzatrici del villagio


Deux sœurs, peut-être

Peut-être, deux sœurs

Deux femmes ornées

Trois musiciens

Peut-être, deux sœurs

Les danseuses du village




Hanno chiuso la porta

I tre suonatori

Tamburi e sarangi

Suonano monotoni

La ragazza ornata danza

La ragazza truccata canta

Sottile et accuta

Si siede la ragazza

A fianco a me

Tutta vicina a me

Mi prende la mano

Si copre il viso

Col velo

La ragazza col velo

Si scopre il viso

Mi chiede del denaro

La ragazza ornata e truccata


Ils ont fermé la porte

Les trois musiciens

Tambours et saranguis

Jouent monotones

La fille ornée danse

La fille maquillée chante

Frêle et aiguë

La fille s’assied

A côté de moi

Tout contre moi

Elle me prend la main

Elle se couvre le visage

Elle me demande de l’argent

La fille ornée et maquillée


Due danzatrici ornate

Tre suonatori monotoni

Riprendono il canto

La danzatrice col velo

Riprende la danza oscillante

Riprende il suo canto d’amore

« Io sono tua » e

Le danze si seguono

« Io sono tua » e...


Deux danseuses ornées

Trois musiciens monotones

Reprennent leur chant

La danseuse au voile

Reprend sa danse oscillante

Reprend son chant d’amour

« Je suis à toi » et

les danses se suivent

« Je suis à toi » et...


Due danzatrici ornate

Tre suonatori monotoni

Mi chiedono denaro

E

Mi rimetto le scarpe

E

Esco dalla capanna

E

Risalgo nella macchina

E

Al passaggio a livello

Un treno antico

Dalla strana macchina a vapore

Dal lungo fumaiolo

Si trascina verso il buio

Sotto la luna

barcollante.


Deux danseuses ornées

Trois musiciens monotones

Me demandent de l’argent

Et

Je remets mes chaussures

Et

Je sors du cabanon

Et

Je remonte en voiture

Et

Au passage à niveau

Un antique train

A la locomotive étrange

A la longue cheminée

Se traîne vers le noir

Sous la lune

Basculante.


Due sorelle, forse

Forse, due sorelle

Due donne truccate

Tre suonatori monotoni

Sotto la luna barcollante.


Deux sœurs, peut-être

Peut-être, deux sœurs

Deux femmes maquillées

Trois musiciens monotones

Sous la lune basculante.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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