Encore une chanson léviane, tirée de L'Orologio. En fait, c'est là ma petite contribution pour rappeler ce fabuleux roman de
Carlo Levi et faire paraître au jour la haute teneur poétique de ce texte qui est l'histoire de l'élimination du gouvernement de Ferruccio Parrì. Un Roman en prise sur le réel quasiment immédiat,
publié en 1948, il raconte aussi la trahison de la Résistance italienne par le monde politique revenu aux
affaires et ce dès 1946. C'est l'histoire navrante de la
liquidation de tout ce que la Resistenza portait de "révolutionnaire" et de ses espoirs qui étaient ceux des femmes et
des hommes qui avaient mené le combat contre les nazifascistes.
Dès janvier 1946 commença la "desistenza" que Piero Calamandrei n'a cessé de dénoncer et de combattre (voir dans ce blog - La Mère de la
République).
Ici, dans cette courte canzone, il s'agit de la perception du coeur de la nuit romaine où le héros de
L'Orologio (en l'occurrence, Carlo Levi lui-même), revenant de longues années d'exil et d'années de clandestinité, est rédacteur en chef un quotidien romain (il s'agit d'Italia Libera, le journal
du Partito d'Azione) et redécouvre Roma.
Quant aux lions qui rugissent dans Rome, toutes les interprétations sont possibles.
Il y eut ceux qui venaient de l'étranger; il y a aussi ceux qui reviennent du passé. La nuit à Rome les lions rugissent.
N'est-ce pas à nouveau le cas en ce mois de mai 2008 ?
Rome, la nuit. – Notte romana.
A Rome, la nuit,
On entend un étrange bruit.
Un murmure indistinct
C’est la respiration de la ville
La nuit, à Rome,
Le lion rugit.
La notte a Roma
Par di sentir ruggire leoni
La notte a Roma
Par di sentire ruggire leoni
Fra le sue cupole nere
E i colli lontani
Fra le sue cupole nere
E i colli lontani
La nuit à Rome
On croit entendre rugir des lions
La nuit à Rome
Entre les coupoles noires
Et les collines lointaines
On croit entendre les lions rugir
Suono non privo d’una strana
Dolcezza
D’une strana dolcezza
Ruggito dei leoni,
Nel deserto notturno delle case
Ruggito notturno dei leoni
Nel deserto della città
Une musique douce pourtant
Une chanson douce maman
Rugissent les lions
Dans le désert nocturne des maisons
Rugissement nocturne des lions
Dans le désert de la ville
Nato dal fondo della memoria
Dal fondo profondo della città
Quando fra il Tevere e i boschi
Le lupe allattavano ancora
I fanciulli, i bambini
Quando presso il Tevere
Le lupe allattavano ancora
I fanciulli abandonnati
Du fond de la mémoire
Du fond du fond de la ville
Entre le Tibre et les bois
Les louves allaitaient encore
Les petits hommes, les enfants,
Quand près du Tibre
Les louves allaitaient encore
Les enfants abandonnés
Tendevo le orrechia ad ascoltare
Scrutavo nel buio
Il suono penetrava in me
Uno suono animalesco
Spaventoso, arcano
Un rumore terribile.
Je tendais l’oreille
J’interrogeais le noir
Le son pénétrait en moi
Un son animal
Épouvantable, mystérieux
Une rumeur terrible.
Ruggito dei leoni,
Nel deserto notturno delle case
Ruggito notturno dei leoni
Nel deserto della città
Come l’eco del mare
In un conchiglia abbandonnata.
La notte a Roma
Par di sentir ruggire leoni
La notte a Roma
D’une strana dolcezza.
Rugissement des lions
Dans le désert nocturne des maisons
Rugissement nocturne des lions
Dans le désert de la ville
Écho de la mer
Dans un coquillage abandonné.
La nuit à Rome
On croit entendre rugir des lions
La nuit à Rome
D’une étrange douceur.