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26 juillet 2008 6 26 /07 /juillet /2008 23:34

Salut, c'est gentil d'être venu et de m'avoir attendu malgré la pluie, dit l'âne en se secouant et projetant ainsi des gouttes d'eau dans tous les sens. Ainsi, l'eau est chassée du poil et l'âne est sec.

Salut, dit Marco Valdo M.I., en s'essuyant le visage de toute l'eau que l'âne vient de lui envoyer par ses gesticulations excessives. C'est gentil de m'avoir aspergé, j'avais justement un peu chaud, poursuit Marco Valdo M.I., mi-figue, mi-raisin. Je suis content de te voir et je peux déjà t'annoncer que j'ai bien l'intention de te raconter un peu la suite des mésaventures de Marco Camenisch dans les prisons italiennes avant d'en revenir aux prisons suisses.

J'en suis tout à fait content et pour tout dire, j'allais te le demander, car il me tarde de connaître la suite de cette histoire et surtout, de savoir aussi ce que Marco Camenisch raconte lui-même, ce qu'il pense, quel homme c'est, en définitive. Car je vois bien qu'il s'agit là d'un homme au destin exceptionnel et dans une certaine mesure, sans doute, exemplaire.

 


Figure-toi, mon bon Lucien, que justement aujourd'hui, le passage du livre que je vais te soumettre est précisément un passage où Marco Camenisch expose quelque peu sa façon de penser le monde.

Comme ça, tu verras que même en prison, même quand il est blessé, même quand il est maltraité et qu'on le traîne devant les tribunaux, il n'en continue pas moins à essayer de mieux penser le monde.

Ah oui, dit l'âne en se mordant énergiquement la cuisse. C'est à cause de l'orage qui se prépare. Les taons sont difficiles. Il y faut une bonne dose de courage et de conscience pour résister ainsi. D'autres, enfin, la plupart, c'est-à-dire presque tous se pencheraient sur leurs malheurs et sur les difficultés immédiates qu'ils rencontrent et en feraient les objets de récriminations – justifiées certes, mais univoques. Bref, ils se concentreraient sur eux-mêmes, sur leur nombril, ils ne penseraient qu'à se plaindre, qu'à se lamenter. Et là, tu me dis que Marco Camenisch, même dans ces moments-là, trouve encore l'énergie et l'ouverture d'esprit pour penser le monde... Au fait, penser le monde, ça veut dire quoi exactement ?

Penser le monde : et bien, tu vas le voir quand je te dirai ce que dit Marco Camenisch. Mais comprends-moi bien, dit Marco Valdo M.I., Marco Camenisch n'est pas le prophète, je ne crie pas Marco, Santo subito ! Je fais seulement état de ce qu'il a dit en 1992 (pour le reste, on verra au fur et à mesure...). Je ferai cependant une petite comparaison avec ce qui se dit sur le même sujet aujourd'hui, c'est-à-dire quinze années plus tard. Est-ce que cela te va ?

Pour moi, dit l'âne qui a fini de se sucer la cuisse que les taons avaient piquée méchamment, c'est très bien ainsi et je suis anxieux de connaître ce que tu vas me raconter aujourd'hui.

Et bien, dans ce cas, allons y. C'est Marco Camenisch qui parle. On est en février 1992. Il est à ce moment à la prison de Pise, dans le Centre de diagnostic thérapeutique. Je te livre une première réflexion, dont tu verras à travers elle, combien l'attention qu'il porte au monde est prémonitoire, combien elle est actuelle. En fait, il aurait très bien pu ne pas se soucier de cette réunion et d'une discussion sur les technologies génétiques... Il écrit ceci :



Pise, 7 février 1992


Deux cents montagnards alpins se sont réunis le 25 janvier à Coire pour débattre des problèmes de l’industrialisation de l’économie alpestre.

Ils sont fort alarmés par la pénétration de la technologie génétique dans la vie quotidienne. C’est une technologie qui se développe à une vitesse inouïe sans aucun contrôle public. Il y a déjà 4 ans qu’en Suisse, pour faire le fromage, on utilise le caillé fabriqué par l’ingénierie génétique. Le futur proche verra pourtant sur le marché des bactéries lactiques génétiquement manipulées.

Personne ne peut dire ce que provoquera la circulation incontrôlée de ces micro-organismes. Les montagnards se refusent à les utiliser dans l’élaboration du lait et ils demandent la suspension immédiate des recherches et des applications de la technologie génétique.

Sans ces paysans, les Alpes n’ont pas d’avenir. ...

 



 

 

Oh oh, dit l'âne, comme tu l'as fait remarquer, mettre l'accent sur cette réunion de paysans de Coire, une petite ville perdue à l'autre bout de la Suisse, était, en effet, terriblement actuel. Et on est quinze plus tard. Et d'après ce que j'entends ici et là, cette bagarre avec l'industrie génétique est toujours en cours, je dirais même plus qu'elle fait toujours rage. Ou je me trompe ?

Non, non, dit Marco Valdo M.I., tu ne te trompes pas, Lucien mon bon ami. Mais je ne peux pas entrer dans ce débat-là maintenant, je voulais juste te montrer une partie de la réflexion de Marco Camenisch. Et dans le passage qui suit, tu vas voir comment elle se relie aux peuples du monde, à tous ceux qui ici ou là voient leur monde détruit par notre « civilisation » fondée sur la domination autoritaire. Pour situer les Yanomani dont Marco Camenisch parle, il s'agit (ou s'agissait , si entretemps on a réussi à la civiliser, donc à la faire disparaître) d'une dernière populations des bords de l'Orénoque, qui comme tu le sais est un fleuve traversant la grande forêt d'Amérique du Sud.



Pise, 26 février 1992


Je n’ai pas le choix face à n’importe quelle question qui me tient à cœur et je considère le « choix » comme un faux problème. ...

Je n’ai pas choisi d’être pauvre, en prison, malchanceux ou chanceux, ni l’assassinat de mes terres d’origine, comme le peuple Yanomani n’a pas choisi que ses forêts ou ses fleuves soient tués et avec ceux-ci, eux aussi. Ni même qu'en plus Sting et d’autres chacals s’enrichissent sur leurs malheurs.

Est-ce un choix, pour un Yanomani, de mettre costume et cravate ou un bleu de travail et d’aller à Rio ou ailleurs, dans le monde des choix ? L’émigrant du sud a-t-il vraiment choisi d’aller au nord ?



Pise, 9 avril 1992


J’ai reçu la notification de l’audience préliminaire à Massa pour le 30 avril. On m’accuse en même temps que le compagnon Giancarlo d’une quantité de faits : détention et port d’explosifs et d’armes de guerre, vol d’auto, substitution de plaques (?), différents attentats aux lignes électriques, à un relais de la RAI et un « piège explosif » contre la force publique. En outre, j’ai la circonstance aggravante d’avoir tiré sur les carabiniers et de circuler avec de faux papiers.

Le 19 mai, à la Cour d’Appel de Gênes, on décidera de mon extradition en Suisse. Au procès de Massa, je ne pourrai que répéter et réaffirmer brièvement, en substance, mon identité et les raisons soutenues désormais il y a plus de dix ans au tribunal de Coire.


Avant d'aller plus loin, mon ami Lucien – car Lucien, même s'il est un âne est mon ami et souvent, il vaut mieux avoir pour ami un âne plutôt que certains humains, le texte qui suit est difficile et assez complexe. Je vais donc te le dire lentement et s'il le faut, arrête-moi. Marco Camenisch se retrouve devant un tribunal de leur société et d'exposer les raisons de son désaccord profond d'avec la société dont dépend ce tribunal. C'est un homme debout qui va avec sa fierté (Les accusations qui m’ont été faites ne peuvent que m’honorer ) et son sens de l'humanité faire le bilan du monde et dénoncer ses accusateurs et leurs maîtres. En substance, il dit : je n'ai pas à être ici : «  Je n’ai certainement pas tiré sur la croix-rouge, ni fait de carnages de personnes désarmées, ni torturé. Je n’ai pas encaissé de pots de vin, ni escroqué qui que ce soit et moins encore violé des femmes ou des enfants… » S'il y a des terroristes, il faut aller les chercher chez ceux qui terrorisent le monde : les patrons, les États. Plus de quinze ans plus tard, on ne peut que vérifier la justesse de son propos. Nous en sommes à la lutte pure et simple pour la survie de l'espèce... Remarque aussi comment Marco Camenisch pense à disculper ceux qui l'ont aidé et tente de les mettre à l'abri des représailles de l'État.


Milan, San Vittore, 24 mai 1992


Je décide de me présenter au procès de Massa du 12 juin. Je veux revoir les personnes qui m’aiment et confirmer mon identité et les raisons de ma dissension. Je veux faire état du fait que Giancarlo et les autres amis et amies n’avaient pas connaissance de ma situation de rebelle social en fuite ? Et moins encore du matériel d’autodéfense que je portais sur moi.

Je ne suis certainement pas décidé à dialoguer avec un tribunal de l’injustice et avec ses lois, où nous ne sommes pas tous égaux. Aucune légitimité ni vertu de jugement donc, ni pour moi ni pour les autres... Pour le gouvernement des maîtres de la mort, le capital colonialiste et impérialiste, ses États et ses multinationales, tout tribunal est seulement un instrument servile de répression et de vengeance.

Depuis des années, j’affirme que celui qui parvient à comprendre la manière de procéder du capitalisme, comprend que ces exigences sont totalisantes jusqu’à annuler tout futur. Celui qui ne veut pas être complice, esclave et victime de cette dictature fascistoïde délirante et consommiste doit bien s’opposer, la combattre avec toute sa capacité et tout son être.

Il s’agit désormais d’une lutte pour la survie pure et simple, plus seulement concevable ou nécessaire pour la sauvegarde de la liberté, de la dignité, de la terre et du pain individuel ou de classe, du groupe ethnique ou autre. Il ne s’agit plus de lutter contre l’exploitation, la guerre de rapine, l’esclavage et le massacre de manière circonscrite. Non, désormais, il s’agit de la survie de la planète entière. Il ne s’agit pas d’une crise écologique temporaire, mais des derniers moments avant la fin, dans la course démentielle et criminelle vers l’anéantissement total.

Le moteur et la cause de cette course est l’exploitation de l’homme et de la nature par l’homme. C’est l’histoire millénaire d’un soi-disant progrès et d’une supposée civilisation, croissant comme un cancer avec ses horreurs de violence et de guerre pour la domination. Une civilisation qui est entraînée à présent dans la dictature des patrons, de leurs États et de leurs multinationales.

Face à certaines évidences, je ne crois pas que ce soit moi le criminel et l’écoterroriste très dangereux pour la société. Pour le prouver, je n’ai pas besoin de recourir au mensonge, au dénigrement, aux mass-media, aux appareils policiers et scientifiques, à leurs tribunaux et à leurs prisons d’anéantissement. Tous les êtres vivants de cette planète le savent, le voient, le respirent, le boivent, le mangent et le vivent, si on peut encore parler de vie, dans l’eau, sur terre, dans le ciel, partout.

Il ne me reste qu’à revendiquer la juste et pressante nécessité de lutte et de rébellion même violente et totale contre la violence des patrons de l’anéantissement. La lutte pour nous donner à nous et à nos enfants un espoir ne peut qu’être socialement, écologiquement et culturellement radicale et révolutionnaire. Et c’est une lutte qui doit partir du vécu quotidien, contre nos mille complicités idéales ou réelles avec la domination diffusée par le consomfascisme.

Il est nécessaire et urgent de s’opposer et de s’organiser en partant de nous-mêmes. Contribuer à la neutralisation du consomfascisme. Contre ses métropoles, ses usines, ses prisons, ses produits, ses infrastructures, ses moyens de communication, ses forces armées, sa pseudoscience, ses formes sociales, familiales et sexuelles autoritaires et les autorités des gouvernements nationaux et mondiaux, qui en découlent. Par la pensée globale et solidaire, par l’action directe locale et immédiate, nous devons réaffirmer notre autodétermination, notre pouvoir sur notre travail, sur nos consommations, sur notre corps, notre esprit et notre santé, sur notre interaction sociale et avec notre territoire. La terre qui nous accueille est à mon fils et aux fils de mon fils.

Les accusations qui m’ont été faites ne peuvent que m’honorer. Je n’ai certainement pas tiré sur la croix-rouge, ni fait de carnages de personnes désarmées, ni torturé. Je n’ai pas encaissé de pots de vin, ni escroqué qui que ce soit et moins encore violé des femmes ou des enfants…



Ainsi parlait, Marco Camenisch à ses « juges ». J'ajoute une petite note adventice, juste une information récente à propos des Indiens Yanomani, dont parlait déjà Marco Camenisch. Tu verras qu'ils résistent encore... C'est une information de l'Agence Française de Presse. Elle relate un appel d'un représentant Yanomani, dont j'extrais un passage qui confirme la clairvoyance de Marco Camenisch.

 




Selon l’AFP du Dimanche 30 décembre 2007,
Le porte-parole des
Yanomani, le chaman Davi Kopenawa, a déploré le manque de soutien international accordé à sa tribu, dans le quotidien allemand Neue Osnabrücke Zeitung

"Le ciel est sombre et plein de fumée parce que les Blancs brûlent la forêt. L’été dernier a été chaud comme jamais auparavant. Nous sommes très inquiets que le feu tue tous les animaux et les oiseaux de la forêt, et nous les hommes", a déclaré M. Kopenawa.
Jusqu’à 30.000 chercheurs d’or ont foulé dans les années 1980 le territoire des
Yanomani, apportant des maladies, a ajouté le chaman. "Il y a aujourd’hui le paludisme, la tuberculose, la rougeole, la grippe et des maladies sexuellement transmissibles comme la gonorrhée et la syphilis, et même le cancer", a-t-il déploré.
Des chercheurs d’or reviennent aujourd’hui dans la région et "salissent nos fleuves avec du mercure", a fustigé Davi Kopenawa. En outre, des élevages de bovins et des plantations de riz "se rapprochent de notre territoire", "soutenus par des politiciens (...) qui préfèreraient voir les
Yanomani morts plutôt que vivants".
Les
Yanomani forment l’un des principaux peuples de la forêt amazonienne du Brésil et du Venezuela. Ils seraient plus de 25.000, répartis de part et d’autre de l’Orénoque, vivant de la chasse, de la pêche et de la cueillette." (AFP)



 

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19 juillet 2008 6 19 /07 /juillet /2008 23:20

J'attendais depuis un petit temps déjà au bord du chemin, protégé du vent par le talus et bien à l'abri du soleil. Je somnolais l'oreille tendue vers les bruits caractéristiques des petits sabots de l'âne Lucien auquel j'avais dit que je l'attendrais à cet endroit. Quel bruit peut bien faire un sabot sur le chemin et quatre sabots qui se poursuivent en cadence ? Toc, toc, toc, toc... ou clac, clac, clac, clac... Et comment écrire le tempo ? Et si d'aventure, l'âne boitait ? Ou s'il marchait à pas feutrés ? Juste pour faire une blague. Il serait bien capable de le faire, mon ami Lucien.


Toc, toc, toc, toc... clac, clac, clac, clac ... Toc, clac, toc, clac ...


Me voici, j'arrive, dit Lucien en sautillant allègrement par dessus la flaque qui avait transformé le chemin en miroir et qui s'amusait à refléter les nuages. Je vois que tu vas bien et que tu es en pleine forme, pas fatigué pour un brin. Salut à toi, ô, mon ami.


Ne sois pas si ironique et faussement solennel, contente-toi de me dire bonjour ou bonsoir ou simplement ciao. Salut à toi aussi donc, ô mon ami.


Tu te moques, je le vois bien et ce n'est que justice. Raconte-moi plutôt une de tes histoires. J'aimerais bien entendre un peu parler de notre ami Marco Camenisch. Enfin, je dis ami, car à force de suivre ton récit, j'ai comme l'impression de le connaître et qui sait, je l'ai peut-être croisé dans un de mes périples. Ou alors, on dirait qu'il ferait partie d'une sorte de grande famille à travers le monde, dont nous ferions partie aussi. Et de ce fait, j'ai eu beaucoup de plaisir à connaître son grand-père et j'ai beaucoup ri avec cette histoire de fanfare. Alors, dis-moi...


Et bien, Lucien mon ami, tu vas être très content, je vais en effet te dire la suite de cette histoire de Marco Camenisch. Enfin, je ne suis pas trop sûr si tu vas tant t'amuser que ça, car elle est terrible aujourd'hui. Marco Camenisch est en prison, il est toujours blessé et les gardiens, même dans les unités de soins ne sont pas précisément des infirmières pleines de prévenances. Bien au contraire, ils se comportent de manière... comment dire ? En fait, je ne sais pas comment dire, tu verras par toi-même, c'est assez indicible, c'est franchement inqualifiable tant ça dépasse l'entendement. D'ailleurs, un médecin ou un infirmier ou n'importe qui dans la vie civile qui se comporterait ainsi, crois-moi, on l'enverrait vite fait en prison et pour longtemps. L'ennui avec les gardiens, c'est qu'ils y sont déjà...


C'est vrai, dit l'âne en secouant ses pattes arrières qu'il avait malencontreusement laissées dans la flaque qui fait le miroir au milieu du chemin. Mais connais-tu ou as-tu entendu parler de cette pensée, réflexion où il est question du prisonnier et du gardien. C'est un problème de logique et tu sais que  de mon temps, il y avait plein de philosophes qui s'intéressait beaucoup du côté d'Éphèse, aux questions de logique. La question logique est : qui du gardien ou du prisonnier est le plus prisonnier ? Il arrive en effet parfois que même les prisonniers sortent de la prison et s'en retournent vivre dans d'autres lieux. Quant au gardien, s'il veut conserver son emploi de gardien, bien sûr, il est condamné à vie. Mais enfin, ceci est une histoire d'âne et nous éloigne de notre histoire. Commence, si tu veux bien.


Et bien, voilà... Nous sommes à Pise, dans la prison, le 23 janvier 1992; il y a donc seize ans. C'est Marco Camenisch qui raconte lui-même ce qui suit :



Dans la prison locale, un carabinier me notifie un mandat d’arrêt international avec un ordre de transfert, émis par le président de la Cour d’Appel de Gênes, Ghiglione. Je reçois, du même, l’ordre de comparution pour « identification personnelle et mon éventuel accord pour l’extradition. » Ceci, le lundi 23 décembre. Lundi ou mardi prochains est prévu l’enlèvement du plâtre de ma jambe gauche, opérée de la rotule, brisée par un projectile. Ma jambe droite a été libérée du plâtre il y a trois jours, mes muscles atrophiés me rendent incapable de marcher. Réhabilitation et physiothérapie doivent encore commencer au CDT (Centre de diagnostic thérapeutique) de Pise ; je sors en chaise roulante ou en civière et mes transferts nécessitent une ambulance. Je signe dans le registre ma renonciation à comparaître, mais le même Ghiglione me communique l’ordre de comparution forcée. Pendant la journée, la rencontre entre moi et ma mère est refusée, les militaires de Pise considérant comme insuffisante la permission permanente donnée par le GIP (juge d'instruction) de Massa. Le transfert à Gênes est annoncé pour dimanche matin. Pour l’occasion, sans qu’il en soit informé, le médecin responsable est démis temporairement du CDT de Pise.

A Gênes, après une fouille minutieuse, même du plâtre, ils me mettent dans une cellule simple du CDT et, malgré mes demandes répétées, sans planton. Un infirmier m’apporte la gamelle et l’urinal et à tout de rôle, ils insistent pour que je me lève pour ceci et cela, jusqu’à ce que fatigués, ils laissent tomber. Ils sont bien informés sur les accusations à mon encontre, sur ma disposition d’esprit et ma dangerosité. Malgré l’évidence du plâtre et de mon atrophie, ils ignorent systématiquement mon état de santé. Ils singent la prison spéciale, ils me prennent mon briquet, mon coupe-ongles et la crème pour la peau sèche, que je dois demander et rendre à chaque usage. Après la première fois que je demande mon briquet, les militaires me le laissent. J’appelle un soldat et il me répond « Je ne peux pas venir ». Je demande à un autre soldat de me passer une bouteille d’eau des détenus d’en face et il me répond que le brigadier interdit de me passer quoi que ce soit. Il me conseille d’aller boire au robinet.

La matinée suivante, un moins zélé fait passer une boîte de lait, une bouteille d’eau et un café. C’est l’unique « fourniture » qui m’est concédée en huit jours. Je ne reçois pas de vaisselle. Des couverts en plastique, un plateau pour le café au lait et des assiettes jetables sont mis à ma disposition par les détenus. Au début, en contorsionniste, je prends la nourriture depuis mon lit à travers le judas de la grille fermée, ensuite le détenu qui apporte la nourriture se fait ouvrir à chaque fois, pose la nourriture sur la commode et jette les restes du repas précédent dans le seau à détritus. Vers la fin de mon séjour, il dit aux soldats qu’ils feraient mieux de me tuer plutôt que de me traiter ainsi.

Le 23 au matin, avec une escorte massive et chorégraphique, ils me conduisent au tribunal en ambulance. Après des discussions, des ordres et des contrordres divers, le président descend de son bureau, car l’ascenseur ne peut pas contenir la civière et les escaliers sont trop étroits. Quelques questions et on constate ma présence absolument inutile autant que celle de l’interprète dérangée expressément . J’informe mon avocat de l’abandon hygiénico-sanitaire et de mon intention de commencer une grève de la faim pour solliciter mon retour au CDT de Pise. Le président, sur la demande de l’avocat, dit ne pas savoir s’il y aura un transfert ; pendant ce temps, il s’amuse finalement à me demander : « Comment donc faites-vous sauter les pylônes ? »

De retour aux Marassi à Gênes, le responsable sanitaire du CDT m’assure de son intérêt immédiat et il me garantit que je partirai demain ou après. En soirée, j’entends qu’il donne à l’infirmerie l’instruction pour mon retour à Pise. Plus tard, un prêtre qui remarque le courant d’air froid qui sort de ma cellule salue gentiment et me demande de me lever et de fermer la fenêtre, restée grand ouverte depuis le matin. Je lui montre ma jambe plâtrée jusqu’à l’aine, j’explique ma situation et la nécessité d’un planton. Il en reste frappé, dit que c’est inhumain et il enjoint au soldat présent de fermer la fenêtre. Le soldat refuse « par principe, sinon après je devrai courir pour tout », en se référant peut-être à la pisse à vider.

Le 26 décembre apparaît le directeur sanitaire et il hausse les épaules : « Que pouvons-nous y faire… » A midi, je déclare la grève de la faim et dans le corridor, s’élève une vague de haine et de mépris de la part des soldats et des infirmiers. Un militaire se distingue en incitant à haute voix à un tabassage nocturne, il dit « Charogne, terroriste, assassin ! », que je m’étais mal comporté chez le magistrat, que pour lui, de tendance fasciste affirmée, il en faisait une question personnelle. Un autre dit qu’il me tuerait si cela ne lui procurait pas des ennuis. Ils parlent de me rompre les os, plusieurs fois, j’entends « et puis, il s’en va demain ! »

Par crainte du passage à tabac et dans l’espoir que mon transfert soit imminent, je déclare le retrait de ma grève. Ils m’ont roulé. Aucun transfert et je décide de laisser passer les fêtes et puis, de le faire sérieusement.

Lundi 30 décembre, à l’aube, un militaire me demande de préparer mes affaires. J’insiste pour savoir quelle heure il est. Les jours toujours au lit sans heures d’aération, le stress nuit après nuit passées à protéger préventivement les endroits blessés, ma nuque et mes reins d’éventuels tabassages m’ont fait perdre la notion du temps. Il est 7 h 05 et je pousse un soupir de soulagement.

Ils semblent désormais convaincus que je ne peux pas marcher et pour la première fois, ils ne me menottent pas dans l’ambulance. Les carabiniers sont très tendus et ils craignent une tentative de libération.

Mon abandon hygiénico-sanitaire subi à Gênes provoque des réactions disparates parmi les médecins, les infirmiers et les militaire du CDT de Pise. Cela va de l’orgueil pour leur « propre » CDT à l’indifférence, jusqu’au cynisme du directeur Ceraudo qui sait seulement me dire : « Il ne faut pas avoir à faire à la justice. » Tel est par ailleurs le credo dominant des médecins carcéraux, soumis au commandement militaire de la «  justice » d'État plutôt qu’à leur serment éthico-professionnel.

Le Marassi est connu parmi les détenus comme une prison où « On est mal ! On est mal ! » et la prédominance du commandement militaire sur les exigences et les compétences médico-sanitaires produit des morts et des affaires glauques et honteuses, infiniment plus criantes que la mienne. C’est le résultat de la structure et de la politique d’une justice basée sur l’inobservance systématique de ses propres lois et garanties, le tout légitimé par le bombardement systématique de l’opinion publique par les mass-media. Des mensonges répétitifs et obsessionnels à propos de la montée des séquestrations, de la mafia et de la criminalité.




Voilà, j'arrête là pour aujourd'hui, dit Marco Valdo M.I. Il faut bien s'arrêter quelque part et l'histoire de Marco Camenisch est encore longue....


Oui, tu as raison, dit Lucien l'âne au poil hérissé et aux oreilles toutes plates, tirées vers l'arrière comme lorsqu'un chat est inquiet ou très fâché. C'était bien assez comme ça. Laisse-moi le temps de me remettre de l'émotion et de la colère que je ressens. Mais je veux connaître la suite de cette histoire, car j'imagine qu'il y aura encore bien des choses qui vont se révéler au jour...




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17 juillet 2008 4 17 /07 /juillet /2008 23:23

Tiens, qui voilà ? , dit l'âne d'un air guilleret en abandonnant la haie qu'il était en train de réduire très fortement. Ne dirait-on pas Marco Valdo M.I. ?


En effet, c'est lui-même, dit Marco Valdo M.I. J'ai été retenu plus longtemps que je ne le pensais. Je serais bien arrivé plus tôt si des amis ne m'avaient attiré dans un traquenard ; bien sympathique, rassure-toi.


Et vous avez parlé trop, sans voir passer les heures. C'est çà ?, dit l'âne Lucien en levant le front et en dardant son regard droit sur Marco Valdo M.I. Dans son regard, on pouvait quand même deviner une poutre d'ironie.


Et bien, je dois bien l'avouer, çà ressemble à çà. Il y avait longtemps que je les avais vus et en plus, j'avais aussi envie de causer un peu. Mais qu'importe, je suis quand même arrivé à notre rendez-vous.


Et tu es prêt pour me raconter la suite de l'histoire des Achtung Banditen et de me parler de la maman de Marco Camenisch et de la rencontre avec son fils en prison... ? Je suis venu spécialement pour ça, pour savoir la suite et je serais bien triste que tu ne me la racontes pas...


Et bien, tu vas être comblé. Je vais d'abord, là tout de suite, te faire connaître cette venue de la maman de Marco Camenisch dans la prison de Pise. Cette rencontre est rapportée par un ami de Marco qui va accompagner la maman de Marco tout au long de ces années; je crois bien que c'est Piero Tognoli, l'éditeur du livre. Mais souviens-toi qu'elle est Suisse et qu'elle doit chaque fois faire un long trajet. La plupart du temps une fois par mois quand il lui est permis de voir son fils... ce qui n'a pas toujours été le cas, comme tu vas le voir. De plus, tu le verras aussi dans la suite, Marco Camenisch va être très souvent changé de prison et donc, les itinéraires varieront beaucoup. De cela, on reparlera plus tard. Voici donc, la première visite de la maman à son fils blessé et prisonnier; un fils, je te le rappelle, qu'elle n'a pas vu depuis dix ans – au moins.

 

 


Avec une poignée de main et un sourire à peine esquissé, elle se présente comme Annaberta Gehrig, veuve Camenisch. C'est la mère de Marco.

Des amis de famille du Val Poschiavo l’accompagnent et elle est contente de connaître celui qui a partagé les derniers jours de liberté de son fils. Elle a un moment d’émotion, mais elle se reprend immédiatement.

Dans la matinée, à Pise, elle a réussi à avoir sa première rencontre avec Marco.

Elle debout, lui étendu sur la couchette, avec ses jambes blessées, qui cherche à se lever pour la tranquilliser, pour lui montrer que ses blessures ne sont pas si graves. Elle porte avec dignité un grand poids sur ses épaules et elle aurait préféré ne pas revoir Marco et le savoir libre. Pourtant, cela n’a pas été possible et maintenant, en pensant aux dures années qui barrent tout futur de liberté à Marco, elle se force.

Le plus petit et le plus rebelle de ses enfants.

Nombre de nous voudraient une mère pareille. Spontanément, nous décidons de l’adopter, mais aussi de nous faire adopter par elle.



 

 

Ah, dit l'âne, c'est terriblement émouvant cette première retrouvaille. Mais pourquoi as-tu choisi ce tableau pour le placer ici dans cette histoire ?


Et bien, mon bon ami Lucien, c'est là une longue histoire aussi. Et il y aurait beaucoup à dire à ce sujet. Je vais essayer de te répondre cependant. Ce tableau représente la sorcière et son fils ; une sorcière réelle que le peintre avait rencontrée et chez qui il avait logé à Aliano en Basilicate quand lui-même était exilé là par le régime fasciste. C'était dans les années 1930, le peintre est Carlo Levi et l'écrivain Carlo Levi parle de cette femme dans « Cristo si è fermato a Eboli ». Tu remarqueras diverses choses dans ce tableau : sans détailler - le bleu, le voile sur la tête, la posture... C'est une vierge à l'enfant, c'est une sorcière. En réalité, je veux dire dans la réalité des temps, c'est la vierge qui a copié, c'est la vierge que l'église a substitué à la sorcière, cette mère éternelle et si maternelle, celle qui soigne, qui console et qui apporte l'amour. Quand j'ajoute que Carlo Levi a séjourné dans les prisons mussoliniennes, qu'il a été transporté en cage de Turin à Rome, de la prison de Turin à Regina Coeli (Reine des cieux...), tu comprends que ce n'est pas là un choix anodin. Une autre fois, je te raconterai l'histoire de Carlo Levi et de l'architecte concepteur de prison... et celle d'Antonio Gramsci qui pourrit dans les prisons italiennes, jusqu'à en mourir... Si on a le temps, un jour.


Oh, oh, dit l'âne en se frottant à l'arbre, tu en as des choses à raconter...Mais dis-moi quelques nouvelles de la suite, qu'on avance un peu dans cette histoire...


Donc, pour répondre à ton souhait, je vais te dire quelques passages du livre, parfois courts, très courts : une phrase ici, une phrase là et parfois, un peu plus long. On ira ainsi picorant en suivant la ligne du temps et les diverses voix du chœur qui l'une après l'autre nous feront entendre des parties de ce chant choral. Je te dis ça pour que tu comprennes bien comment ce récit est construit et que tu ne t'étonnes pas de voir surgir toutes sortes d'intervenants ou pareillement, que l'on parle de toutes sortes de personnages. En somme, c'est un peu comme dans la réalité, les gens vont et viennent, l'un parle d'une chose, l'autre d'une autre; les interlocuteurs changent selon les jours, selon les lieux...


Pise, 11 décembre 1991.

Marco dit :

Les gens de Carrare et des environs que j’ai connus, une fois surmontée la défiance initiale, m’ont toujours parlé avec respect et sympathie. J’ai de bons souvenirs et j’espère autant d’amis, amies : marchand de journaux, baristes, petites vieilles, charcutiers…

...

À présent, je n’ai plus rien et j’ai tout, grâce à la solidarité de mes actuels compagnons d’aventure. Je suis un rebelle social solitaire, mais mon action, mon sentiment et ma pensée ont une valeur clairement collective.


Pise, 3 janvier 1992.


Souffle le vent, hurle la tempête, mes jambes rompues, et pourtant, il faut avancer. Ils (re)commencent à sévir. La récente rencontre refusée avec ma mère et les huit terribles jours aux Marassi de Gênes en sont la démonstration.

Aujourd’hui, la lettre de Giancarlo, préoccupé pour moi, m’est arrivée et j’ai répondu à Ovidio, mon très cher compagnon de cellule dans la prison de Massa.


Oh, oh, ça va être une fameuse gymnastique pour suivre ce récit, dit Lucien.


Sans doute... mais je ne vois pas d'autre façon de procéder. Mais aussi bien, dans la vie, dans la tienne, dans la mienne, on se trouve également face à des gens qu'on n'a jamais vus et avec qui il faut bien parler et dont on ne comprend pas toujours tout de suite la situation, ce qu'ils disent ou ce qu'ils viennent faire là. Parfois, souvent même, il faut se contenter d'enregistrer ce qui est dit et d'attendre d'y comprendre quelque chose ou des fois, de n'y comprendre rien. C'est ainsi que les hommes vivent... N'est-ce pas ?


Vu comme ça, je commence à comprendre ta technique de récit.


C'est la seule manière. Évidemment, je pourrais donner des explications détaillées pour chaque chose nouvelle, mais on n'en sortirait pas et ensuite, je n'ai pas l'habitude de prendre les lecteurs ou les auditeurs pour de parfaits imbéciles. Et donc, voici un passage que j'aime vraiment beaucoup et en le lisant, tu vas comprendre pourquoi. Il ajoute véritablement une dimension à notre histoire...


Toujours au début janvier 1992, c'est à nouveau la voix off de Piero Tognoli qui raconte :




Nous entendons Annaberta au téléphone pour un salut et nos vœux de bonne année. Elle est encore fort déçue de la visite refusée, mais surtout pour le transfert de Marco à Gênes.

Elle se trouve dans le canton de St Gall, chez sa sœur et chez son vieux père, qui a ses infirmités dues à son âge vénérable. De la Suisse à la Toscane, elle doit en dévorer des kilomètres pour concilier l’assistance à son père et les visites à son fils.

 


 


Le grand-père de Marco a désormais 105 ans et Annaberta nous a raconté son activité passée d’apiculteur et sa passion pour sa vie simple au contact des ruches.

Marco ressemble beaucoup à ce grand-père que les autorités n’ont jamais pu incriminer quand, à leurs questions, il a répondu que son petit-fils avait bien fait de faire ce qu’il avait fait. Pour fêter son octantième anniversaire, la fanfare communale avait commencé par jouer sous ses fenêtres pour saluer son an nouveau.

Les années se sont lentement passées et l’un après l’autre, les musiciens de la fanfare sont morts. Lui est encore dans sa maison. Les rythmes tranquilles des ruches lui ont enseigné à ne pas se presser.

Espérons que Marco lui ressemble aussi en cela.


Elle me plaît bien cette conclusion... Je pense que pour l'heure, nous arrêterons ici. Sauf pour dire que j'aime beaucoup ce passage rien qu'à l'idée, que si je compte bien, Marco Camenisch devrait quand même un jour sortir de prison et selon mes calculs, il lui resterait encore quelques dizaines d'années à vivre.

Et puis, aussi à l'idée qu'il en ira de tous ceux qui ont participé à l'emprisonnement et à la torture de Marco (car tu verras que c'est une longue torture que l'on pratique contre cet homme... et contre bien des autres aussi qui ont eu le tort de se révolter d'une manière ou d'une autre contre leur société) comme pour les musiciens de la fanfare, qui avaient fêté les quatre-vingts ans du grand-père.

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14 juillet 2008 1 14 /07 /juillet /2008 23:35

Tiens te voilà toi, je suis content de te voir, dit Lucien, l'âne aux pieds légers qui tel l'Hermès antique (et pas un sac de farine – car tout fait farine à certains moulins – ou d'oseille recyclée), se mue parfois en messager. Tu sais, Marco Valdo M.I., les journées sont parfois longues, surtout en été par ici. Tu viens vers le soir me tenir compagnie, mais que faire le reste du jour ?

 

Salut, Lucien, mon ami aux pieds légers comme ceux d'Hermès qui avait des ailes aux talons. Les jours sont longs. Certains sont plus longs que d'autres. Aujourd'hui par exemple, je n'ai même pas pu faire de sieste. C'est effrayant. À ce propos, je veux dire à propos de sieste, sais-tu et je dis çà pour la beauté de la chose et pour encourager le monde à la faire sans être gêné le moins du monde que la sieste se situe généralement aux heures les plus chaudes du jour et généralement après une petite collation.

 

Oui, je vois, dit l'âne. C'est à ce moment que je cherche l'ombre d'un cimier et que j'ai une furieuse envie de somme. Car depuis que je suis un âne – et entre nous, ça fait bien longtemps, comme tu le sais - je suis une bête de somme. Tu vois les dessous de la langue. Les hommes ont toujours pensé que nous les ânes nous étions des bêtes de somme car nous avions le goût de travailler comme des bêtes, de porter des charges exagérées et ainsi de suite. C'était de la pure menterie, c'était pour camoufler notre esclavage sous un mot. D'ailleurs, toi qui as lu et connais fort bien Carlo Levi, tu te souviens de ce que disaient les paysans de Lucanie : « Noi, non siamo cristiani, siamo somari... » Nous, nous ne sommes pas des chrétiens (c'est-à-dire des hommes – tu vois ici aussi, le résultat de la propagande – assimiler homme à chrétien est un peu abusif, c'est le moins qu'on puisse en penser; ce serait comme par exemple réduire l'Europe à la chrétienté). Mon interprétation d'âne, qui n'aime décidément pas le bât, j'admets d'ailleurs par avance que c'est là une interprétation quelque peu révolutionnaire, est que les paysans parlaient d'une bouche d'or, ils parlaient de leur idéal : ils voulaient comme nous les ânes être des somari, c'est-à-dire des bêtes de somme, en clair, des ardents partisans du roupillon, de la sieste et de tout repos généralement quelconque. L'âne est d'ailleurs un animal de tout repos. Il suffit de voir nos réticences à l'effort intensif. Nous les ânes, nous revendiquons hautement le droit à la paresse.

 

Ô, mon ami Lucien, tu me réjouis. Tu sais combien notre monde... Enfin, je veux dire, le monde dans lequel nous vivons – mais à la vérité, je pense bien que ce n'est pas du tout notre monde, mais leur monde, le monde de ceux qui possèdent et accaparent ou plutôt, accaparent et dès lors, possèdent et le pouvoir et les richesses. Il y a deux mondes : celui des puissants, des riches, des arrogants... qui font les lois et se croient investis (ou font semblant de le croire) de pouvoirs et de l'autre côté, celui des pauvres, des faibles, des modestes, des discrets... Et globalement (globalisation oblige !) , le premier étouffe, écrase, éteint le second. Enfin bref, je voulais seulement dire le monde dans lequel on vit est malade du travail, de la production, de la croissance... et toutes ces fariboles. Dès lors, plus on produit... plus on crève. Plus ce monde est riche, plus s'accroît la pauvreté. Note que c'est normal, si l'on y réfléchit bien. C'est d'une logique infernale. Il ne peut y avoir de richesse, s'il n'y a pas de pauvreté. Tu me suis, Lucien mon ami.

 

Oui, oui, dit Lucien l'âne en agitant ses oreilles comme des ailes de colibri, j'ai parfaitement saisi. C'est logique, en effet. La richesse n'existe pas en soi, pas plus que la pauvreté. Ce sont des notions relatives et même, relatives l'une à l'autre. Et si l'on considère ces deux pôles de la même chose : on peut définir le pauvre comme celui qui n'est pas riche et le riche comme celui qui n'est pas pauvre. Est-ce bien çà ? Ai-je bien compris ?

 

Tout à fait, Lucien, mon ami. Tu as toutes les chances de finir prix Nobel d'économie. Tu serais sans doute le premier âne qui serait qualifié d'économiste. On ne peut évidemment pas inverser la proposition, car ça fait bien longtemps qu'on qualifie les économistes d'ânes... Mais c'est dans une autre acception, bien entendu. Autrement, ce serait vraiment méchant pour les ânes. Tu vois donc comme les mots sont mouvants et amphibologiques.

 

Ah ! Ah!, dit Lucien, imitant Bosse de Nage le singe. Tu veux dire polysémiques...

 

Exactement, mon bon ami aux pieds légers comme des papillons volant à la tramontane. Donc, il ne peut y avoir de richesse s'il n'y a pas de pauvreté et même, crois-moi sur ce point, la richesse est directement proportionnelle à la pauvreté. Plus la richesse est grande, plus la pauvreté doit être grande. Dès lors, et c'est là le malheur de toute notre espèce, plus certains veulent être riches, plus d'autres doivent être pauvres et plus pauvres. C'est le côté pervers de la chose. Mais, voilà Lucien, tu m'as éloigné de mon intention qui était de te raconter un épisode de l'histoire d'Achtung Banditen. Il me faut y revenir, si tu veux bien.

 

Et comment que je veux... mon vieux. J'aime cette histoire et je suis venu tout spécialement pour l'écouter et pas pour entendre tes divagations sur la richesse et la pauvreté. Quoique...

 

Alors, où en étions-nous restés la dernière fois... Au bord de la mer, si je m'en souviens bien. Reprenons à cet endroit du récit. Et maintenant, ne m'interromps que si tu en sens un besoin impérieux ou si tu veux faire un commentaire pressant, sinon laisse-moi aller à mon allure. Je commence.

 

 

Suite du récit d'Achtung Banditen.

 

Marco Camenisch avait, après une longue cavale, été arrêté, somme toute par une malchance ou par un coup du sort. Peccato !, disent les Italiens. Il te souviendra qu'au cours de son arrestation, il avait été blessé au genou et laissé assez longtemps à terre sans soins. Nous le retrouvons maintenant à Pise où il est emmené. Nous sommes le 25 novembre 1991. À partir d'ici, c'est lui qui parle.

 

A la caserne, j’ai peur, je tremble de froid et un peu plus tard, on me donne une couverture. Quelqu’un dit : « C’est toujours un être humain, même s’il a tiré sur les carabiniers. » Un certain Angelo pense que je suis Sarde et il cherche à fraterniser. Je demande un magistrat pour faire une déclaration. Il en arrive un et il dit que si je parle, la Magistrature de Massa sera reconnaissante. Je lui demande de s’identifier et je lui dis que je dois pisser. « Il doit pisser ! », crie-t-il à la cantonade et avant de partir, il me signale qu’on me mettra sur le dos tous les pylônes tombés d’Italie. Mon intimidateur Antino vient me trouver avec ses collègues du bureau politique de la questure. Il s’amuse à me foutre ses immondes mains dans le visage, il m’appelle avec affabilité « écologiste ». Parmi tous ces « éléments » que j’ai rencontrés, c’est celui qui m’a révulsé le plus… Ils tentent inutilement de connaître mon identité et ils ouvrent l’espion de la cellule pour me faire entendre le passage à tabac de Giancarlo : ils le frappent aussi aux testicules et le menacent : « Maintenant, tu dois nous dire qui est celui-là… » J’entends des machines à écrire, le pleur désespéré d’une femme, des interrogatoires… Et je pense à l’école de la Marine Militaire de Pinochet au Chili.

 

Oh, oh, dit Lucien l'âne qui tremble d'indignation. Il y a de l'ambiance. Tu me disais que ça se passait où çà ? Dans un pays civilisé ? C'est à peine croyable. Bien sûr, nous les ânes, on a l'habitude que les hommes nous frappent, nous humilient, nous blessent, nous insultent... Mais entre eux... En somme, l'ignominie n'a pas de frontières.

 

Bon, bon, calme-toi, où je n'arriverai pas au bout de mon récit ou plutôt, du récit de Marco Camenisch. À propos, l'ami dont je te parlais, celui dont on a dit qu'il était cité dans le livre, c'est ce Giancarlo que les « agents de la force publique » passent à tabac, menacent et frappent dans les testicules... En clair, dans les couilles. Rassure-toi, depuis lors, Giancarlo a réussi à faire un enfant... À nouveau, c'est Marco Camenisch qui parle.

 

En ambulance, ils me transfèrent à la prison de Massa. Le médecin refuse de m’accueillir en prison, il ne veut pas en prendre la responsabilité, il dit que je dois être opéré et qu’ayant été blessé par une arme à feu, je suis tout à fait en danger de mort. On me conduit à l’hôpital. L’ambulancier, très correct, ex-carabinier, me dit : «  Pas de coup de tête, sinon ils te tuent, ils n’attendent que çà. » J’entends les flics et leurs menaces. « Dès que nous sommes seuls, nous l’assommons, nous le torturons… » Je réponds à l’ambulancier. « Vous les avez entendus vous aussi, si je ne devais pas sortir vivant d’ici… » A l’hôpital, on me visite d’abord en présence des policiers, puis les carabiniers s’organisent. Ils se préparent à un « coup de main » avec mitraillettes, pistolets, gilets pare-balles. Ils finissent par connaître mon identité et mes antécédents et leur agression verbale à mon égard augmente avec ses commentaires innombrables et peu imaginatifs à propos de mon visage. Le premier orthopédiste se refuse à me soigner d'accord avec eux et poussé par les lourdes insultes de l’Arme. On me fait un traitement d’anticoagulants et d’antibiotiques.

Dans la prison de Massa, je vois enfin des visages qui expriment respect et solidarité. A l’infirmerie, c’est Ovidio de Bedizzano qui me garde et me traite gentiment et me procure plus que le nécessaire pour me vêtir et me nourrir. La nourriture est bonne, pas comme à l’hôpital où elle arrivait froide et très contrôlée. Les détenus me conseillent le choix de l’avocat Focacci qui m’a fait une bonne impression quand je l’ai vu défendre Giancarlo devant le juge Lama. Celui-ci me semble une « brave personne », même s’il se trouve de l’autre côté. Qui sait s’il ne préfère pas le « terroriste » aux vautours… A Pise, j’attends la rencontre avec ma mère et j’espère que son arrivée ne coïncidera pas avec mon intervention chirurgicale. Après des années de fuite, je désire cette rencontre et je la crains en même temps.

 

Fin du récit de Marco Camenisch. Je te fais juste un petit commentaire pour resituer un peu les choses avec sa mère. En fait, Marco Camenisch attend la rencontre avec sa mère avec une impatience énorme. D'abord, car c'est un homme blessé, un homme aussi qui est seul, loin de son pays, dans une prison. En plus, il faut se souvenir qu'il est en exil depuis près de dix ans et qu'il n'a pas vu sa mère durant toute cette période.

 

Je comprends bien tout ça, dit l'âne avec des yeux bien mouillés comme une prairie enduite de rosée. J'en suis tout malheureux pour lui et en même temps, je me réjouis aussi qu'il puisse enfin retrouver sa mère.

 

Tu es un sentimental, toi, Lucien. Mais pour la rencontre avec sa maman, il te faudra attendre l'épisode suivant.

 





 

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13 juillet 2008 7 13 /07 /juillet /2008 20:52

 

Y avait trois goutt's de sang
Qui faisaient comm' un' fleur :
Comm' un p'tit coqu'licot, mon âme !
Un tout p'tit coqu'licot.

Texte chanté par
Mouloudji
Paroles: Raymond Asso
Musique: Claude Valéry
1951

 

L'âne était déjà au lieu habituel des rencontres avec Marco Valdo M.I.

Marco Valdo M.I. n'était pas en retard, simplement l'âne était arrivé un peu ou beaucoup plus tôt et il attendait en mangeant les chiendents, les marguerites et même des coquelicots qui poussaient là sur le bord du chemin.

 

Salut, dit Lucien en mâchouillant encore une touffe particulièrement coriace. Excuse-moi, je termine, mais c'est assez dur à mâcher, même si c'est vraiment très bon. Tu devrais essayer...

 

Oh, ciao Lucien, dit Marco Valdo M.I. Merci beaucoup, mais je ne mange pas d'herbes. Cependant, que manges-tu avec une telle délectation ?

 

Ben, c'est tout simplement de gros chardons qui poussaient dans la prairie voisine. Elle n'est plus entretenue depuis longtemps et les chardons sont revenus. Et moi, j'aime beaucoup les chardons; je suis d'ailleurs le seul à pâturer là.

 

Je me demande bien quel goût les chardons peuvent avoir dans la bouche d'un âne. En fait, je dois me résigner, je ne le saurai jamais...

 

Oh, que dis-tu là, ne vas pas si vite, dit l'âne en relevant brusquement la tête et en faisant un pas leste vers Marco Valdo M.I. Tu t'avances, à mon avis, un peu imprudemment.

 

Que veux-tu dire ?, dit Marco Valdo M.I., vraiment intrigué par la réponse de son ami.

 

Mais enfin, Marco Valdo M.I., ne sais-tu pas à qui tu parles ? Où as-tu la tête, mon ami ?

 

Quoi ? Dit Marco Valdo M.I., un peu désarçonné.

 

Mais Marco Valdo M.I., dit l'âne en le poussant du museau, ne te souviens-tu pas de mon aventure. Crois-en mon expérience, je n'aurais jamais imaginé non plus de pouvoir goûter les chardons dans la bouche d'un âne. Et pourtant... Cela dit, ça m'a sauvé la vie; je serais resté bêtement Lucien l'homme et, je ne serais pas là pour deviser avec toi.

 

Oui, oui, dit Marco Valdo M.I., un peu embarrassé quand même. Disons que je ne connais pas le goût du chardon dans la bouche d'un âne et que, pour l'instant, hic et nunc, je ne peux le connaître, n'étant pas un âne au sens biologique du terme. Cela dit, comment vas-tu ?

 

Moi, ça va, ça va, plutôt bien comme tu vois, Marco Valdo M.I. : je me régale, il ne pleut pas, tu es là et tu vas me conter une histoire. Achtung Banditen ? Ou autre chose ?

 

Tu as bien deviné, Lucien, mon bon ami; ce sera autre chose et peut-être même, te ferais-je une surprise après, si j'ai le temps... Car tu le sais, tout cela demande du temps.

 

Oh oui, que je le sais et en plus, il faut savoir le faire. Par exemple, moi qui suis un âne, à mon corps défendant, certes, mais un âne quand même, je suis dès lors une espèce d'ongulé... Tu le sais cela que je me promène, comme tous les ongulés, sur mes ongles... Et bien sûr, comment veux-tu, Marco Valdo M.I., que je tapote sur un clavier avec de pareils doigts... Ou alors, il faudrait un clavier spécial et je devrais bêtement m'asseoir sur mon derrière. À quoi donc je ressemblerais et que ferais-je de ma queue ?

 

Pour ta queue, mon bon Lucien, tu pourrais faire comme les chats qui l'enroulent vers l'avant, dit Marco Valdo M.I..

 

Attends, dit Lucien, on voit bien que tu n'es pas un âne biologiquement parlant, car si tu étais un âne, tu ne dirais pas de pareilles âneries... Maintenant, dis-moi, Marco Valdo M.I., que vas-tu me raconter ou de quoi vas-tu me parler ?

 

Et bien voilà, j'ai traduit aujourd'hui une chanson italienne qui m'a beaucoup ému et même entièrement bouleversé et qui raconte et rappelle l'histoire d'un jeune Catalan du Sud des Pyrénées, un jeune Catalan de Barcelone qui fut assassiné à l'âge de 24 ans par le bourreau de Franco la Muerte. Il s'appelait, ce jeune homme qui avait tout pour faire une vie belle et joyeuse, peut-être ardue et difficile, mais joyeuse, Salvador Puig Antich. Rappelle-toi la chanson de Léo Ferré « Et qu'ils se tiennent bien, bras dessus bras dessous, joyeux et c'est pour ça qu'ils sont toujours debout, les anarchistes... » Car, en effet, Salvador Puig Antich était anarchiste; c'est assez fréquent à Barcelone... Et c'est bien pour ça qu'on l'a garrotté... c'est-à-dire étouffé, puis tué en serrant un collier de fer... Rien que d'y repenser, à chaque fois que j'y repense mon cœur saigne et j'entre dans une sainte colère froide, mais plus froide qu'un soir d'hiver au nord de Sakhaline.

 

Alors, Marco Valdo M.I., dis-la moi cette histoire et parle-moi d'abord de ce jeune homme.

 

Je te montre d'abord sa photo, histoire de te faire une idée de sa beauté et de sa jeunesse. J'ai un peu l'impression que ç'aurait pu être mon frère et comme chante Barbara... « Si la photo est bonne... » et je ne sais si tu connais cette chanson, mais rapportée ici, elle sonne étrangement. Tu sais, Barbara, la dame en noir qui chantait si bien, à te faire frémir jusque dans les orteils. Dans cette chanson-là, il y a ce passage – il faut savoir que c'est la femme d'un président de république qui est sensée chanter...( n'y vois aucune allusion , quoique... elle pourrait peut-être servir à quelque chose, celle-là. Évidemment, Madame Petrella n'est pas un beau jeune homme...) – il y a donc de passage d'une ironie cinglante: Moi qui suis femme de président, J'en ai pas moins de cœur pour autant, De voir tomber des têtes, A la fin, ça m'embête... Moi aussi, à la fin, ça m'embête de voir écraser les hommes qui ont au cœur la flamme pure et tranquille de la liberté... et celle de la justice sociale. Justice et liberté, retiens bien ça.

 

Évidemment, dit l'âne noir en se cambrant, nous les ânes, ça nous embête aussi et nous pensons d'ailleurs, qu'à moins d'être une sorte de sadique intégral, on ne saurait – au moins pour un âne – sentir les choses différemment.

 

Une dernière chose cependant, dit Marco Valdo M.I., l'histoire de Salvador Puig Antich par bien des aspects recoupe celle de Marco Camenisch. Enfin, tu verras par toi-même. Allons-y, maintenant.

 

 

 

 

 

 

Le 2 mars 1974, au matin, meurt Salvador PUIG ANTICH, garrotté à la prison Model de Barcelone, à l'âge de 24 ans.

Salvador Puig Antich (Barcelone, 30 mai 1948 – Barcelone, 2 mars 1974) était un anarchiste catalan, militant du groupe antifranquiste MIL ( 'El Movimiento Ibérico de Liberación - Movimento Iberico di Liberazione).
Le M.I.L (Mouvement Ibérique de Libération), né dans les années 70, pratiquait - entre autres - l'expropriation politique, dans une Espagne étouffée sous le joug du franquisme. Ce mouvement libertaire de guérilla urbaine ne fit jamais couler le sang.
Salvador Puig Antich est arrêté le 25 septembre 1973, quelques mois après l'auto-dissolution du M.I.L, et lors de son arrestation, il est grièvement blessé à la tête. Un sous-inspecteur de police est tué dans la confusion (sans doute par un autre policier). Le 7 janvier 1974, la peine de mort est néanmoins requise contre le jeune militant, malgré d'évidents vices de forme. Partout en Europe (et jusqu'en Argentine) on se mobilise pour demander sa libération. A Toulouse, des affrontements ont lieu devant le consulat Espagnol avec la police. Mais Salvador Puig Antich sera malgré tout garrotté. Le garrot est un instrument simple, composé d’une vis qui permet à deux morceaux de métal en forme de collier de se réunir. Suivant la vitesse que donne le bourreau, on est d’abord étouffé, puis les vertèbres cervicales sont brisées. Le terme juridique officiel était " a garrote lento" en souvenir du temps où les juges faisaient durer le supplice.

Quand il vit le garrot, il dit "même ça, c’est de la merde !" Il refusa qu’on l’attache et qu’on lui mette une cagoule. Le bourreau l'exécuta, sans bruit.

En Espagne, la réaction d’une bonne partie des travailleurs - bien que les organisations politiques n’aient guère protesté et aucunement manifesté - fut de faire grève pour montrer leur indignation. Ce fut le cas à Barcelone, à Madrid, à Valladolid.

Une troupe de théâtre catalan - celle de Boadella - reconstitua sa mort dans une pièce qui fut interdite par l’armée, en 1976-77 avec arrestation de Boadella (qui s’évada, passa en France, puis fut amnistié).

Francisco Paulino Hermenegildo Teódulo Franco y Bahamonde Salgado Pardo de Andrade, plus couramment appelé général Franco ou comme dit Léo Ferré et bon nombre d'Espagnols qu'il a terrorisé pendant si longtemps : FRANCO LA MUERTE né le 4 décembre 1892 à Ferrol (Galice) était décédé le 20 novembre 1975 à Madrid ; il avait obstinément refusé la grâce du condamné et avait poussé sa vindicte haineuse jusqu'à interdire que son nom figure sur sa tombe. Ce fut seulement en 1978 que la famille de Salvador Puig Antich a eu le droit de le faire.

Parmi les membres du MIL, révoltés par cet assassinat légal, un certain Jean-Marc Rouillan allait fonder en France quelques années plus tard Action directe...

« Ami si tu tombes, un ami sort de l'ombre à ta place... »

Ainsi continue la guerre de libération sociale...

Ora e sempre : Resistenza !

 

 

 

Ballade pour Salvador Puig Antich

 

 

 

Ils ont immolé Salvador en l'étranglant petit à petit.
À présent, sa main est roide, mais lui est encore avec nous ici
Ils ont immolé Salvador mais ce fut lui le plus fort,

Il a défié ces nazis en souriant dans sa mort.
La nuit, il n'a pas pleuré et elle ne le fit pas trembler
et au matin ses sœurs cherchèrent à le consoler.
Mais compagnon Salvador à quoi penseras-tu
quand le fer criminel t'aura lentement étouffé ?
Auras-tu revu en un moment ta vie brève
et hurlé ta rage avec ta voix désormais exténuée ?
Ils ont massacré Salvador en l'étranglant petit à petit.
À présent, sa main est roide, mais lui est encore parmi nous ici.
De la cellule obscure et sombre, il ne voyait pas le ciel ni le soleil,
Puis, il les vit d'une courette peu avant de mourir.
Le garrot ensanglanté hurle haine et vengeance.
Des fleurs rouges sur sa tombe et déjà explosent les bombes.
Déjà tes compagnons, dans la nuit à Bilbao et à Madrid,
Insoucieux de la terreur, crient Vive Salvador !

Ils ont immolé Salvador en l'étranglant petit à petit.

À présent, sa main est roide, mais lui est encore avec nous ici

 

Chanson italienne – Ballata per Salvadore Puig Antich – Marco Chiavistrelli

Version française – Ballade pour Savaldore Puig Antich – Marco Valdo M.I. – 2008

 

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12 juillet 2008 6 12 /07 /juillet /2008 22:29

L'âne arrivait d'un pas lent, chargé d'une mélancolique exubérance. Il avançait précautionneusement comme s'il craignait de se blesser. Pour le reste, il avait l'air assez distrait.


Ho, Lucien, cria Marco Valdo M.I., d'où reviens-tu comme ça, d'un enterrement ?


C'est à peu près ça, dit Lucien en chopant au passage une grande marguerite qui poussait toute seule dans le talus. Je veux dire que j'ai une humeur aussi joyeuse que si j'avais passé la journée à enterrer des gens. Mais heureusement, je ne suis pas l'âne d'un fossoyeur. Simplement, il y a des jours comme ça où, même les ânes, ont le vague à l'âne. Non, non, ne fais pas ces yeux-là et ce regard-là, ce n'est pas une erreur. Chez les ânes, on dit avoir le vague à l'âne. Et c'est une situation embarrassante pour un âne, car avec un vague à l'âne, on n'a plus le pied sûr et on titube comme un qui en aurait tant bu. Mais en réalité, c'est juste une question d'humeur. Tu vois, ce n'est pas parce qu'on est un âne qu'on n'a pas de sentiments.


Arrête, Lucien, je sais bien que sous ta peau d'âne, tu caches un être sensible. Mais réjouis-toi, je vais te conter un peu de cette histoire des Achtung Banditen !


C'est bien pour ça que je suis venu et ça m'a manqué depuis quelques jours. Il y avait là comme un manque, comme un creux qu'il fallait combler. Me voilà, tout réjoui. Commence, je t'en prie.


Tu te souviens bien, Lucien, que j'avais été assez étonné, stupéfait même lorsque j'avais trouvé sur un étal de libraire ambulant un deuxième livre qui portait ce même titre d'Achtung Banditen ! Et bien, mon bon ami, des Achtung Banditen !, il y en a bien d'autres encore. Je ne les ai pas recensés et je n'ai d'ailleurs pas l'intention de le faire, mais il y en a au moins un de plus, de Massimo Biagioni, qui raconte l'histoire du massacre de Pontassieve en Toscane par les troupes allemandes, le 8 juin 1944. Cela dit, je reviens au livre de Piero Tognoli sur Marco Camenisch. Te souviens-tu de la couverture que je t'ai montrée et du dessin qui l'illustre...


Oui, évidemment. C'est très coloré et intéressant graphiquement. Et que dois-je en conclure?


Voilà, ce dessin est aussi une fameuse indication sur le contenu du livre et de l'aventure humaine qu'il raconte. D'ailleurs, je te le remontre :







On y distingue à l'avant-plan un personnage à vélo (et pas sur un vélo de luxe...), disons que ce serait l'écolo Camenisch, on y distingue des montagnes, ce sont les Alpes et on y voit des tours de refroidissement qu'on trouve dans les centrales nucléaires. Elles sont surmontées d'une sorte de pieuvre noire, c'est la pollution.

D'ailleurs, je te montre une photo de ces fameuses tours; elles se ressemblent toutes.


 


 

 




En quelque sorte, le décor du premier acte est planté.


Marco Camenisch est né dans les Alpes et il a mal supporté cette pieuvre noire et son nid. Écologiste convaincu et comme tu sais, radical, il a entrepris de lutter contre elle. Je ne sais trop si la méthode qu'il a utilisée était la bonne, mais ce que je sais c'est qu'il a eu le courage de lutter pour défendre notre humanité et notre planète contre la destruction qui s'accomplit au jour le jour. Il l'a fait, il y a plus de vingt-cinq ans et n'a pas cessé son combat depuis.


En somme, dit Lucien l'âne aux yeux et au pelage de charbon, c'est une sorte de martyr de l'écologie et persécuté comme tel depuis plus d'un quart de siècle.


On peut dire les choses ainsi, en effet. Maintenant, je te livre un extrait de son livre où Marco Camenisch se présente lui-même.

« Je suis un berger, paysan et chasseur des Alpes Rhétiques, résidu d’un génocide consommé par le même ennemi qui, au cours des siècles, a détruit presque toute ma terre.... Mes parents m’enseignèrent un sentiment et un besoin profond de justice, la contradiction entre richesse et pauvreté, pouvoir et impuissance. Mon développement vers une critique radicale n’a pas eu lieu à l’intérieur d’une militance antinucléaire spécifique, mais ce fut un parcours souvent autodidacte, long et irrégulier, à partir de mon enfance... »

Et de fait, la démarche de Camenisch est complexe et marquée par des étapes de réflexion qu'il serait bien long de reprendre ici. Je garderai pour toi quelques phrases qui sont comme des intuitions profondes de ce qu'est l'humain et des conditions de la survie planétaire. Voici :

Il s'agit d'échapper au rapport forcé de complicité et de dépendance avec ce monde moderne et de sortir de la tiède mixture toxique de la modernité, d'aller en des lieux où rien ni personne ne nous guidera, en un lieu sans sécurité, à ce lieu de la responsabilité à la première personne, par le refus de la soumission, avec toutes ses conséquences. La liberté est dure et périlleuse. Et il n’y a pas de vie après la mort. Par crainte de la vie, souvent nous nous résignons à l’anéantissement dans la servitude.

Tu vois ce que je t'ai dit ici, c'est juste pour te donner une idée. Si tu veux en savoir plus long, le livre existe, mais crois-moi, il n'est pas simple à traduire, ni pas toujours facile à comprendre.


Mais revenons à la présentation de Camenisch par lui-même, car elle est éclairante : « Je naquis à Schiers, dans le canton des Grisons (le 21 janvier 1952), durant un des fréquents déménagements familiaux d’une frontière à l’autre, mon père étant garde-frontière. Loin de tout chaos citadin, j’appris humblement à grandir avec un sentiment de gratitude envers la vie.

Chez l’étudiant bohème, le refus grandit d’un système scolastique fondé sur les mécanismes de l’exploitation et de la méritocratie. Après l’école agricole de Planthof, je contestai l’agriculture industrielle moderne et mécanisée, qui est née comme un appendice de l’industrie chimique et mécanique...

Je commençai une activité dans l’alpage en tentant de rétablir une vie naturelle, mais je ne réussis pas à vivre l’illusion de l’île heureuse car la pourriture de ce monde civilisé te rejoins. Les oasis heureuses n’existent pas et la solitude des Alpes ne satisfit pas les besoins de mon esprit social rebelle. Ce fut le moment de descendre dans la vallée et d’affronter les cadavres vivants qui comprennent seulement la langue de l’argent, de la richesse, du pouvoir, de la loi et des canons. Je décidai donc de retourner leurs canons contre eux. »

Il passe alors à l'action contre les centrales électriques nucléaires... et fait sauter un pylône et des transformateurs électriques. Trahi, dénoncé par le fournisseur d'explosifs, il écope de dix ans de prison ferme. Comme quoi, les Suisses ne sont pas les gens tranquilles et pondérés qu'on imagine et la répression est féroce en ce pays.

Ces événements se déroulent en 1979 et en 1981, Marco Camenisch s'échappe de la prison et se réfugie en Italie... où il vit sous un nom d'emprunt et travaille dans une imprimerie dans la région de Carrare, région célèbre par son esprit de résistance.

En 1989, à la mort de son père, Marco revient dans son village de Brusio dans les Grisons; seulement deux mois après l'enterrement sachant que la police l'attendait aux funérailles. Ce même jour, le 3 décembre, dans le même  village, un garde-frontière est tué de trois balles de pistolet. Marco se trouve à ce moment chez le pasteur de l'église évangélique du village qui le ramène de l'autre côté de la frontière. À l'heure actuelle, Marco Camenisch clame toujours son innocence quant à ce meurtre et selon ses défenseurs, lors des analyses balistiques faites des années plus tard ne seraient pas des plus objectives et l'incrimineraient à tort.

Deux ans plus tard, le 5 novembre 1991, à l'occasion d'une promenade au bord de mer, il est arrêté dans des circonstances dramatiques. Marco raconte lui-même cet épisode :

« Dans cet après-midi encore tiède de novembre, avec le cœur ravi par chaque minute de cette vraie vie et de cette liberté authentique, j’étais désormais préparé depuis des années à finir ma longue course fugitive, vif ou mort et peut-être tendu sur le fil entre la fin d’un temps et le début d’un autre. Après le repas, je propose à Giancarlo quelques pas pour aller boire un café digestif au bord de mer du Cinquale et nous conversions en marchant sur la petite route tranquille entre des champs et des villas de vacance vides. La brise de la mer flottait dans l’air en se confondant avec les odeurs des champs et les gaz d’échappement des automobiles étaient encore loin. A mon côté, trottait une petite chienne noire qui m’avait connu dans les montagnes ; elle aussi errait et elle avait décidé de m’adopter. Et voici une automobile, une auto bleue, ma malédiction.

Ils s’arrêtent et l’adrénaline monte à mille. Un descend lentement et demande nos papiers. Giancarlo tend les siens plutôt énervé. Puis, c’est mon tour. « Salopards… », pensé-je presque résigné et avec un calme rageur, j’extrais de la gaine de ma ceinture mes « papiers ». Ma carte d’identité est un vieux pistolet semi-automatique Browning bifilaire 9 mm, un souvenir belliqueux du 2ième Massacre mondial, et je pointe menaçant sur le carabinier stupéfait.

Ou ça passe ou ça casse ! Mon intention est de m’éloigner après les avoir désarmés, mais le robocop inconscient que j’ai devant moi cherche à dégainer à son tour. Je lui tire deux balles dans le bras pour l’immobiliser et tandis qu’il tombe, je mets en joue celui resté dans l’auto bleue, mais il est déjà en train de se jeter en dehors de l’habitacle. Giancarlo bouleversé et pris de panique s’enfuit, plus loin un paysan terrorisé se cache derrière son Ape. Le carabinier blessé se relève et se cache devant l’auto avec son collègue tandis que de derrière, je crible la voiture pour les retenir là. Pour sortir de l’impasse, je me jette en tirant vers le fossé de l’autre côté de la petite route. Catastrophe ! L’automatique s’enraye… Va te fier à la technologie ! Les carabiniers cachés devant l’auto, concentrés, tirent à deux mains en s’appuyant sur le capot. Je sens un petit coup sec au genou droit et l’os de ma jambe se met à vibrer comme la corde hypertendue d’un violon. Les deux jambes coupées, je m’affale sur mes genoux, je lève mon arme enrayée, je dis « je me rends » et je reste étendu au sol. Je suis sous le choc et je ne sens aucune douleur. Mère Nature est généreuse et sage et elle ne donne pas de douleurs inutiles. Avec mes sens aiguisés et sélectifs au maximum, je vis seulement un splendide détachement du monde presque euphorique. Ce fut tellement rapide que je l’ai perçu comme en dehors du temps, au ralenti. Je me demande si je suis sur le point de passer de cette vie désormais mûre à un autre voyage, que je pressens très beau. Et je me demande quel autre plomb m’a traversé le corps. Mais presque contrarié, je sens que le moment n’est pas arrivé. Plus résigné que soulagé, je me dis que j’aurai encore des choses à faire, à donner et à recevoir dans cette vie. J’entends les sirènes toujours plus proches.

Je suis leur prisonnier et blessé sur l’asphalte. Pour cela, peut-être, ils ne me frappent pas. Un carabinier en civil parmi les plus agités, qui semble bourré de coca, éclate : « Mais il y a un chien mort ici ». Je me souviens de la petite chienne et je sens un coup au cœur. C’est comme si elle était venue se sacrifier pour moi… Il me place un canon de pistolet sur la tête et je dis avec rage « Mais tire donc ! » Interdit, il se relève, il se tourne vers les autres et il s’exclame avec une stupeur respectueuse : « Il m’a dit de le flinguer ! » Quand ils voient les grenades dans mon sac, je m’amuse à les voir fuir comme une nuée de passereaux après un coup de fusil…

Je reste à terre longtemps, pendant que l’ambulance transporte leur blessé. L’équipage de la seconde ambulance se dispute avec les flics qui interdisent de m’emmener. L’habituel excité menace de me flinguer si je bouge et il me demande : « Mais tu n’es pas encore mort ? » Puis, on me charge avec les menottes très serrées sous le poids du corps. Aux urgences, l’attitude du personnel et du médecin est celle de parfaits carabiniers. Lors des différents transbordements des civières aux lits, certains se comportent bien, d’autres s’amusent à faire tomber mes jambes blessées en cherchant sadiquement à provoquer des grimaces de douleur. Il me déplaît de les décevoir mais je ne ressens aucune douleur. Grande peine, pour eux. »


Et la suite à la prochaine fois.


Oh ! dit l'âne, ça me touche beaucoup cette histoire, un peu comme quand j'ai entendu parler de Sacco et Vanzetti... Je voudrais connaître la suite....


Il faudra être un peu patient, Marco Camenisch doit bien l'être, lui qui est toujours en prison depuis ce jour-là.... et pas dans des conditions humainement acceptables. C'est aussi une des raisons de faire connaître cette histoire, comme l'avait fait Voltaire pour Jean Calas et Emile Zola pour le lieutenant Dreyfus. Enfin, le fait que Marco Camenisch soit encore en prison actuellement montre qu'il ne s'est pas suicidé ou qu'il ne l'a pas été comme ce fut le cas d'autres prisonniers politiques. De ça aussi, on reparlera.

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10 juillet 2008 4 10 /07 /juillet /2008 22:00
Salut, Lucien , dit Marco Valdo M.I. à l'âne qui s'ébroue sous la pluie un peu diluvienne juste avant d'entrer. Comment tu vas ?


Je vais, je vais, dit l'âne en s'ébrouant de plus belle. Je vais même trottinant, car je n'ai pas vraiment l'intention de presser mon pas. On m'a obligé à être un âne, j'aurais préféré rester un homme, mais voilà, c'est comme ça. Alors, faudrait pas en plus exiger que je me presse. J'entends bien vivre au plus tranquille ma condition d'âne. C'est pas comme vous, les hommes restés hommes, vous ne pensez qu'à ça... Vous ne pensez qu'à faire tout au plus vite, quand je vous croise vous marchez d'une allure vive, vous avez l'air affairé et peut-être l'êtes-vous, que sais-je ? Même dans certaines circonstances où il faut prendre son temps, il me semble que vous êtes si pressés.


À quelles circonstances penses-tu ? , car, mon bon ami Lucien, je te vois venir, je connais ton caractère taquin.


À toutes sortes de choses, par exemple, manger...


Passons, on peut imaginer le reste. Asseyons-nous à l'abri de la pluie et écoute-moi, je vais te parler du livre Achtung Banditen ! Du premier, de celui que ma fille m'avait apporté en me demandant de le traduire pour elle, car elle voulait savoir ce que son ami faisait exactement dans cette histoire. Et puis quelle histoire ?


Vas-y, je t'écoute, dit l'âne en ouvrant tout grand ses oreilles d'âne et en les orientant vers le visage du conteur.


Donc, j'ai commencé à le traduire à l'automne. Nous étions en octobre et je ne me souviens plus du temps qu'il faisait. Gageons qu'il pleuvait. Peu importe, en fait, puisque je travaille à l'intérieur. À l'époque, je traduisais uniquement au bic bleu, un modèle très simple qui ressemble à un crayon à encre et qui coûtait quelque chose comme dix centimes d'euros pièce. J'en ai usé des dizaines. Et uniquement des bleus. Auparavant, j'avais testé les autres couleurs, mais finalement, j'ai préféré me mettre au bleu. Je dois te dire aussi que j'écris sur du papier comme en utilisent les écoliers; tu vois, de ces grandes feuilles A4, mais quadrillées, fournies en blocs de cent ou deux cents feuillets en forme de cahier. Par exemple, par la suite, j'ai longtemps utilisé le stylographe avec de l'encre noire que je pompais régulièrement dans un encrier. À présent, j'utilise des porte-mine, très légers. Tu vois comme les us et les humeurs changent.


Je vois bien tout cela, dit l'âne en se frottant le nez avec un de ses sabots. Mais l'histoire ?


C'est toi à présent qui es bien pressé, mon ami Lucien, bougre d'âne que tu es. Mais cependant, la voici. Ce livre m'a tout d'abord ravi car c'était le premier que je voyais avec la mention « Nocopyright » et voici le texte explicite que je te lis :




« Ce texte n’est soumis à aucun droit d’auteur, ni droit de copie

Tous les droits sont libres au titre de la collaboration, de la solidarité et de l’appui mutuel entre les personnes qui aiment le savoir et l’information libre.

N’importe quelle partie de ce livre peut être reproduite avec des systèmes électroniques, mécaniques ou autres, sans autorisation ni la nôtre ni d’aucun autre.

Est chaudement recommandée dès lors la reproduction, même partielle, effectuée avec quelque moyen que ce soit, même à l’usage interne et didactique.

Celui qui photocopie un livre, celui qui met à disposition les moyens pour photocopier, celui qui dès lors favorise cette pratique agit en faveur de celui qui désire savoir et connaître, avantage un savoir opposé à la richesse et œuvre en faveur de la culture de tous.



Nocopyright »


Sur cela au moins, dès le départ, nous étions le livre et moi, entièrement d'accord. En somme, la rencontre commençait bien. Quand j'ai vu que l'éditeur s'appelait Nautilus... Te souviens-tu du Nautilus ? Ce nom te dit-il quelque chose ?


Bien entendu, tu me prends pour un âne ?, dit Lucien en ricanant... C'est le nom du sous-marin du capitaine Nemo... J'ai lu Jules Verne, moi, Monsieur.


Je me suis dit, ceci confirme cela et le livre va être d'une teneur particulière. Et je ne me trompais pas.


Une histoire de bandits, dans le Nautilus, avec une proclamation de liberté... Ce doit être une histoire étonnante, dit l'âne en esquissant une petite ruade de joie.


L'auteur ne me disait rien d'autant plus que c'était « aux bons soins de... a cura di.. » et je ne connaissais pas Piero Tognoli. Je ne le connais toujours pas, mais qu'importe puisque ce qu'il voulait, c'est qu'on lise ce livre et je l'ai fait. Et pas distraitement, crois-moi; je l'ai même lu plusieurs fois et je m'apprête à le relire encore un de ces jours quand j'aurai résolu le problème de son édition. Alors, pour le corriger une dernière fois, pour qu'il soit le plus correct possible... Mais, il y avait un sous-titre et là, j'avais déjà une indication sur le contenu de l'ouvrage.


Ah ! AH !, dit l'âne, singeant Bosse de Nage le singe. Et quel est ce sous-titre ou plutôt, rappelle-moi le titre complet.


Et bien, voici : Achtung Banditen ! Marco Camenisch et l'écologisme radical.


Ah, oui, dit l'âne, ça nous éclaire beaucoup. Des bandits, je vois ce que c'est; l'écologisme, je peux m'imaginer; quant à ce Marco Camenisch, je ne vois vraiment pas qui c'est ...


Et bien, moi non plus, je ne le connaissais pas et je n'en avais jamais entendu parlé et pourtant, il en vaut la peine.


Dis-moi qui c'est et pourquoi il te paraît mériter tant d'intérêt...


Je vais le faire tout de suite, mais avant, je vois que tu es passé à côté d'une chose essentielle... C'est la signification de ce Achtung Banditen ! En allemand, alors qu'on est en Italie.


Oui, là, tu as raison. Et tu comptes garder Achtung Banditen en français aussi ?, dit Lucien l'âne à la tête ossue, mais sympathique. Je ne vois pas pourquoi, ni ce que ça peut bien signifier.


En fait, il n'y a pas de raison de changer cette expression, puisque c'était celle-là, exactement celle-là qui était utilisée dans toute l'Europe et sans doute, une partie de l'Afrique par les armées allemandes, qui tentaient de conquérir le monde et de lui imposer le nazisme – tu sais qu'en Italie, cette armée était commandée par le très célèbre Kesselring, dont nous avons parlé il y a quelques jours et elle désignait tout simplement les résistants, les partisans, les maquisards... Achtung Banditen ! Pour ceux qui sont ainsi désignés, c'est plutôt honorable, cela prouve au moins que ce ne sont pas des collaborateurs, que ce sont des partisans - tu sais comme celui de Bella ciao ! Pour qui on plantera une fleur sur la montagne... C'est donc déjà en soi un message... Ce Marco Camenisch est un résistant. Je dis « est », car à ma connaissance, il vit encore. Mal, très mal, mais il vit encore. Mais, on peut subodorer que pour ceux qui sont au pouvoir et leurs sbires, il est clair qu'être résistant, partisan, maquisard, etc... revient immanquablement à être qualifié de terroriste. Et de fait, dans la guerre civile parfois silencieuse, parfois secrète, parfois discrète, étouffée – je veux dire dont les bruits sont étouffés, je veux dire quand on opprime en silence, dans cette guerre sans nom, mère de toutes les guerres, tous ceux qui résistent, sont considérés comme des terroristes, même et surtout, quand c'est l'autre camp qui sème chaque jour la terreur. Pas de travail, pas à manger est la vraie signification d'Arbeit macht frei. La terreur par la faim, la terreur par la pauvreté, la terreur par la misère. Sur des millions de gens dans le monde, sans doute même, sur des milliards de personnes pèse cette terreur.


Donc, avec ce simple titre, on sait déjà tout çà, dit l'âne un peu éberlué, ce qui se voit à son air d'un qui aurait subitement perdu son chemin et qui vient de s'en rendre compte; l'air de se demander mais où suis-je.


Reste encore un mot que nous n'avons pas examiné. Si tu vois à peu près ce que peut être l'écologisme, il faudrait faire justice du mot « radical ». C'est assez facile à comprendre, ce doit être un écologisme strict, intransigeant sur les principes... Et en vérité, c'est dans ce sens-là qu'il faut le comprendre.


Avec tes explications, on voit bien le sujet et on commence à entrevoir mille choses, un livre passionnant sans doute; et sans doute aussi, le récit d'une lutte, d'une lutte terrible, d'une lutte à mort. J'ai peur, dit l'âne en se cachant les yeux avec ses oreilles, qu'il porte généralement longues et redressées en une charmante courbe souple vers l'avant, sauf bien entendu, quand il court, moment où pour des raisons bien compréhensibles d'aérodynamique, il les couche vers l'arrière.


Eh bien, j'en suis ravi, car pour aujourd'hui, j'arrête là. Je te dirai la suite bientôt, si tu reviens me rendre visite., dit Marco Valdo M.I. Mais je te fais cadeau d'une image de la couverture...





Je reviendrai, ne t'en inquiète pas !, conclut l'âne en repartant vers sa promenade du soir à la recherche de roses trémières comme il en a l'habitude.


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7 juillet 2008 1 07 /07 /juillet /2008 23:21



Salut, Marco Valdo M.I., dit l'âne rentrant tout guilleret d'une ballade méridienne. Dis-moi, tu m'as l'air bien préoccupé. On dirait que tu songes au destin des hommes depuis la plus haute Antiquité. Tu as la raideur pensante d'une statue de Rodin. Qu'est-ce qui, en somme, te chagrines aujourd'hui ?


Ah, Lucien, je suis bien aise de te voir, mon bon âne amical. Il est vrai que j'ai un souci qui me tracasse, une rumination de longue haleine et dont je ne me départis pas. Je mâche et remâche avec une certaine ardeur depuis au moins un an une affaire que je m'en vais te conter tout à l'heure.


Je me disais aussi, dit l'âne en se mettant à genoux pour saisir un chardon bien vert et fleuri de mauve clair. Je me disais aussi que tu nous couvais quelque chose de pas trop clair. Mais, à part le fait que cela te tracasse, est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?


Ce serait plutôt une bonne, mon brave Lucien. Si j'arrivais à trouver une solution à cette affaire.

Je vais te dire de quoi il s'agit et peut-être pourras-tu m'aider ensuite. Quoique je doute que tu puisses le faire, à moins d'être un âne-ange, un ange-âne, ou un âne magicien, un de ces ânes faiseurs de miracles, comme on en rencontre dans toutes les foires. À moins que tu ne sois un âne ensorcelé...


On ne parle pas de corde dans la maison d'un pendu, voyons... Où as-tu la tête aujourd'hui ?, sursaute l'âne en lançant une petite ruade. Les taons sont difficiles cet après-midi, ce doit être l'orage qui se prépare. Je disais ça à cause du fait que j'ai été ensorcelé et de plus, je n'ai pas été ensorcelé comme âne, mais comme homme.


Cela fait bien de toi un âne magique. De plus, depuis la plus lointaine souvenance, l'âne a toujours été un foutu cabochard et en même temps, un des plus précieux alliés de l'homme errant.


Oui mais, Marco Valdo M.I., j'ai beau être un cabochard magique et un homme ensorcelé, tout cela ne me dit pas ce qui te tracasse à ce point depuis si longtemps, dit l'âne en sifflant l'introduction au pipeau de Bella Ciao.


Je vais te dire, c'est un tracas d'intellectuel et de moraliste; bref, ce n'est pas trop dans le vent d'ignorance et de grossièreté des temps qui courent. Pour tout dire, il me faudrait reprendre l'affaire depuis le début. Alors, Lucien, mon bon ange aux grandes oreilles souples et luisantes, assieds-toi et écoute-moi; ce sera un peu long. Si tu as soif, ne crains pas de te servir un verre et de m'en servir un par la même occasion. Et maintenant, allons-y, je vide mon sac. Ne m'interromps pas surtout.


Il y a quelques années, une de mes filles m'offrit un livre pour mon anniversaire ou à l'occasion d'une fête. Peu importe, elle m'offrit un livre en italien en me disant je te l'offre, mais tu dois me le traduire, car je brûle de savoir ce qu'il raconte. J'acceptai son offre, d'autant plus qu'elle ajouta qu'un de nos amis était un des protagonistes du livre et que d'ailleurs, ce serait bien que ce livre soit traduit et qu'on le fasse connaître. J'avais donc accepté cette demande et je me mis au travail pour les satisfaire : ma fille et la demande. Tu verras que ce livre est plein de bonnes choses et qu'il est bien de divulguer son contenu. Oh, ce n'est pas une histoire de charlatan ou de mystère à deux sous où l'on révèle les dessous d'un code perdu et retrouvé ou alors, un de ces livre scabreux où l'on révèle les dessous et l'intimité d'une ou plusieurs dames. Rien de tout cela. C'est tout simplement une histoire de prisonnier de guerre. L'histoire d'un prisonnier de très longue durée. Comme tu sais, mon bon ami et compagnon des chemins de montagne, les histoires de prisonniers intéressent les gens et souvent, les émeuvent. On connaît les écrits de prisons de Benvenuto Cellini, La Ballade de la Geôle de Reading d'Oscar Wilde, les souvenirs de Cervantès, les cahiers d'Antonio Gramsci, Il Carcer Tetro de Carlo Levi, Nazim Hikmet, Bobby Sands et tant d'autres. Un arbre par dessus le toit berce sa palme...

Tu te souviens aussi, mon bon Lucien, que Voltaire dénonça l'erreur judiciaire qui frappait Jean Calas et sa famille, qu'il dénonça à cette occasion, les travers judiciaires et publia son « Traité sur la tolérance à l'occasion de la mort de Jean Calas » en décembre 1763. Le scandale qui en résulta fut énorme à tel point que le Roi dut casser les Jugements rendus contre la famille Calas en 1764. Jean Calas (entretemps condamné à mort et exécuté) fut réhabilité, Louis XV paya à la famille des indemnités. Malheureusement, mon brave ami, je ne suis pas Jean-Marie Arouet et nous ne sommes plus au dix-huitième siècle.

Néanmoins, tu as compris que mon tracas tourne comme un corbeau au dessus de la plaine de Marathon au soir de la bataille autour d'une histoire de prisonnier et d'erreur judiciaire. Mais il n'y a pas que ça qui me tracasse. Il y a un deuxième livre qui parle aussi d'une erreur (ou de plusieurs erreurs judiciaires) et d'un prisonnier. Ce sont là des coïncidences qui ne surgirent pour moi qu'après la lecture de ces livres. Tous les deux en italien et donc que j'ai dû – ne connaissant que très mal l'italien – traduire, c'est-à-dire les lire le crayon, stylo, bic... à la main. Ce qui veut dire que je les ai entièrement recopiés dans une autre langue. Donc, ça m'a pris du temps, beaucoup de temps et j'en suis toujours là pourtant avec mon tracas.






 

 

Ma fille m'avait donc offert un livre intitulé : Achtung Banditen ! Je mis l'automne, l'hiver, le printemps et l'été à le traduire. L'automne suivant à le transcrire, l'hiver encore à le corriger. C'est dire si je le connais, cet Achtung banditen ! – là. Un an plus tard, j'étais en promenade sur un marché en Italie, dans la région de l'Abetone sur l'Appenin et dans ce marché hebdomadaire, on vendait de tout : des fruits, des légumes, des épices, du pain, des pâtes, de la viande, du poisson, des gâteaux, des denrées diverses, des objets, des outils, des tissus, des vêtements, des chaussures et... des livres. Des livres pas d'occasion, mais pas vraiment neufs. Des restes de stocks, des livres à prix réduits. Il y en avait un étal plein. Cinq ou six mètres de long et bien un mètre cinquante de large sous une sorte de tente en plein vent. Le soleil était de la partie On déambulait, on flânait sur le marché; nous n'y étions certainement pas pour les livres. Mais mon œil passa sur cet amas de livres en tous genres de la romance à l'eau de rose, au roman salace (le roman salace, crois-moi, mon bon Lucien, très rapidement, ça lasse...), de vies de saints et de saintes et des contes d'exploits de sportifs – tu sais le genre, j'ai grimpé en haut de l'Himalaya avec ma belle-mère sur mon dos et autres exploits aussi fameux, des traités d'astrologie, des récits de guerre, des livres de cuisine, des traités de couture à quatre mains, Tout l'art du monde en vingt cinq volumes, bien épais, des guides touristiques vantant les provinces les plus reculées de Mongolie ou d'Islande, des mémoires de politiciens amnésiques, des livres sur l'histoire des croisades cyclistes et autres fariboles. Il y avait aussi des contes pour enfants, des florilèges, des ouvrages sur la culture du haricot et de la betterave en haute montagne, des légendes de nains poursuivant des géants dans les tourbières de la Haute Silésie, les aventures de Sandokan, quelques De Amicis et les contes de Grimm et d'Andersen... Et soudain, au milieu de ce fatras, un titre me saute aux yeux : Achtung Banditen ! Un autre Achtung Banditen ! Car, au premier coup d'œil, deux conclusions : primo, ce n'est pas le même Achtung Banditen ! ; secundo, c'est un livre intéressant.

Les voilà mes deux livres à traduire, mes deux textes qui me tracassent et ces deux livres qui relatent des histoires de résistance, de prison et d'erreurs judiciaires.


Excuse-moi, Lucien, mon bon âne noir, tu es patient comme un moine en rut, je le vois bien. Mais pour ce soir, pas question. Il est trop tard et je suis fatigué. J'arrête là. Nous reprendrons cette conversation demain.


Mais avant de te laisser, je t'offre la dernière chanson que je viens de traduire pour nos amis de « Canzoni contro la guerra ». Elle ne nous éloigne pas trop de notre sujet. Prisons, injustices, erreurs judiciaires, tortionnaires...C'est une chanson à la mémoire des milliers d'Argentins disparus dans les geôles de la dictature. Je te la présente avec le petit mot d'introduction que j'avais rédigé :


Pour ne pas laisser oublier, ne pas laisser tomber les disparus du bout du monde. En mémoire de tous ceux qu'on fait disparaître, de tous ceux qu'on a fait disparaître et de tous ceux qu'on fera disparaître et à ceux qui chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde de leur vie sont sur le qui-vive de l'espérance. Comme chantait Barbara, dans un autre registre : "Dis quand reviendras-tu?..."



Place de Mai



Chaque jeudi

Toutes les semaines

Avec un mouchoir sur la tête

Pour ne pas oublier


Sur la Place de Mai

Elles vont raconter

Elles portent encore sur leur sein

La chaleur de la respiration.

Enfants de l'espérance

Grandis avec les idées

Contre la nuit noire

du credo militaire.

Des enfants de cette terre

réclament la vérité.

Sur la Place de Mai

réclament la vérité.

Les disparus

réclament la vérité.


Ce fut une nuit noire

qui les a emmenés

Une nuit en uniforme

Qui les a enlevés


Des enfants de cette terre

réclament la vérité.


Sur la Place de Mai

réclament la vérité.

Les disparus

réclament la vérité.


Chanson italienne : Plaza de Mayo – Casa del vento
Version française – Place de Mai -Marco Valdo M.I. - 2008







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2 juillet 2008 3 02 /07 /juillet /2008 21:47

Ah, Ah, dit Lucien l'âne aux dents luisantes, je suis content de te voir, Marco Valdo M.I., car l'autre fois, tu m'avais promis de me faire connaître ce commentaire à propos de cette chanson « Ils sont venus... ». Est-il prêt ?

Oui, oui et je vais même te le servir tout de suite. Tu verras, il est assez plaisant à lire. C'est un peu comme une enquête – et de fait, c'en est une; mais on ne sait trop finalement qui est le coupable.

Que veux-tu dire ?, demande l'âne en levant sa queue en point d'interrogation.

On a un peu l'impression que le brave Bertolt est soupçonné d'une sorte de plagiat ou de détournement de pasteur, je veux dire de sermon de pasteur. Qu'une kyrielle de pasteurs s'agitent dans d'insondables revues pour retrouver la paternité de ce texte et qu'en somme, on court après une vérité toute simple. Ce serait bien le pasteur Niemöller qui serait l'origine de ce texte. Quoique, l'autre jour, tu m'as dis que tu en avais déjà eu connaissance à Ephèse de ton temps.

Oui, je l'ai dit et je le maintiens. D'ailleurs, où donc Mathieu l'aurait-il pêchée cette histoire ?Mais quand même, au fond, toute cette affaire de paternité n'a qu'une importance relative, ce qui compte en finale, c'est l'histoire elle-même et elle est très forte, très archétypique. Un peu comme l'histoire de l'ennemi et de la rivière. Tu sais, celle qui dit « Assieds-toi au bord de la rivière, tu verras passer le cadavre de tes ennemis. » Ou encore, celle de l'homme et du poisson.

Oui, celle qu'on avait attribuée au Grand Timonier : «Si tu donnes du poisson à un homme, il mangera le poisson, une seule fois. Si tu lui apprends à pêcher, il en mangera toute sa vie. » D'accord, mais il faut aimer le poisson et bien entendu, éviter de pêcher le cadavre de ses ennemis. Et bien, cette histoire, Lao Tseu la racontait déjà. De qui la tenait-il ? Il ne nous l'a pas dit.

Peut-être du pasteur Kaltenborn ou du romancier Biondillo... dit l'âne en hoquetant. À moins que ce soit encore Bertolt Brecht qui l'ait racontée à Lao Tseu. Allez savoir...Mais rappelle-toi, Marco Valdo M.I., on ne peut pas rire de tout et de n'importe quoi. À mon avis, tu devrais faire attention...

Et toi aussi, bougre d'âne.


Voici donc le commentaire :

In fine, il semblerait bien qu'il faille attribuer cette poésie à Martin Niemöller (1892-1984), théologien et pasteur luthérien allemand, soutint dans un premier temps le nazisme pour en devenir ensuite un opposant. Arrêté une première fois en 1935 pour avoir attaqué l'idéologue raciste Alfred Rosenberg, il fut libéré à l'intercession de puissants industriels allemands; il fut cependant de nouveau arrêté le 1er juillet 1937 par la Gestapo sur ordre direct de Hitler, enragé par un de ses sermons, et il resta prisonnier jusqu'en 1945, d'abord à Sachschausen et puis à Dachau, quand il fut libéré par les troupes américaines durant son transfert dans le Sud-Tyrol. Dans l'après-guerre, il s'employa à la réconciliation entre Allemands et combattit la division de l'Allemagne, mais il fut aussi un organisateur du mouvement pacifiste contre la guerre du Vietnam et conte les armements atomiques.

Il s'agit d'une « poésie contre l'apathie », la « violence de la tranquillité ». Dans les camps de concentration, les prisonniers étaient contraints de porter des triangles d'étoffe colorée selon la catégorie à laquelle ils appartenaient. On relève les couleurs : les Juifs portaient un triangle jaune surmonté de l'étoile de David, les prisonniers politiques (communistes, socialistes et syndicalistes...) portaient un triangle rouge, les homosexuels un triangle rose et les Témoins de Jéhovah un triangle pourpre. Les triangles verts étaient réservés aux « délinquants communs », les noirs aux soi-disant « asociaux », les bruns aux Gitans, les blancs à ceux qui avaient fait la grève et, enfin, les bleus aux prisonniers de guerre des pays occupés.

La poésie, ou le recueil de phrases de Martin Niemöller, Als die Nazis die Kommunisten holten est considérée comme une page autonome en raison de l'interprétation du Songgruppe Regensburg. Elle a une histoire assez controversée, dans laquelle est intervenue une attribution à (ou une intégration de la part de) Bertolt Brecht, encore toujours assez répandue. Voir l'article assez complet dans le Wikipedia anglophone.


Une parenthèse tout de même, dit Marco Valdo M.I. Sais-tu, mon bon ami l'âne aux sabots d'airain, que le brave pasteur aurait aussi évoqué une autre catégorie de personnes que ces répugnants nazis ont persécutées très sévèrement; voici sa phrase : « Dann hat man die Kranken, die sogenannten Unheilbaren beseigtigt », « Alors on vint chercher les malades, les soi-disant Incurables ». Comme tu sais, les nazis (mais ils ne sont pas les seuls chez les humains) avaient de grands projets eugénistes.

Tu as bien raison, Marco Valdo M.I., il faut se méfier des eugénistes. Regarde ce qu'ils ont fait aux animaux. Nous les ânes, quand on voit approcher un eugéniste, on lui file un solide coup de sabot entre les jambes. C'est assez efficace en matière d'eugénisme.

 

Suite du commentaire :

Ces mots viraux comme une video de Youtube

par Luca Carlucci. (WebNews Blog, 29 mai 2008)

Tandis que la poésie de Brecht qui n'est pas de Brecht continue à traîner sur les blogs, finit en première page de Libération et, me dit-on, arrive jusque sur les cellulaires via des Sms, je reprends le fil de mon propos pour rendre compte des développements de mon enquête dilettante à ces lecteurs qui comme moi sont passionnés par ce petit mystère.

Dans ses commentaires à mon premier envoi, ma lectrice Carmela me signalait une précision du romancier Gianni Biondillo sur Nazione Indiana. En bref : Biondillo cite l'habituelle poésie avec l'habituelle attribution à Brecht, un lecteur lui fait remarquer qu'elle n'est pas de Brecht mais de Martin Niemöller, Biondillo répond : « OK, c'est vrai, c'est de Niemöller, mais ce fut Brecht qui la rendit célèbre. »

Comment, où et quand Brecht aurait rendu fameux un texte qui n'est pas le sien, finissant quand même (on imagine contre son gré) par se le faire attribuer, reste un joyeux mystère (pour la petite histoire, Biondillo est revenu sur la question de ces jours-ci, toujours sur Nazione Indiana et toujours en resservant cette thèse extravagante).

Après avoir répondu à Carmela que la position de Biondillo, sur base de mes enquêtes web et en totale absence d'une quelconque référence bibliographique, faisait eau de toutes parts, j'ai décidé de couper la tête à ce taureau de papier; j'ai pris mon clavier et mes doigts et j'ai écrit à Bertolt Brecht lui-même, ou plus exactement, aux gardiens de sa mémoire c'est-à-dire au Bertolt Brecht Archiv de Berlin.

Question simple : le texte est-il de Brecht ou de Niemöller ? S'il est de Niemöller, en découle-t-il que Brecht n'en a jamais rein eu à faire ou qu'il l'a rendu fameux ?

Le Brecht Archiv de Berlin, en la personne de l'aimable curatrice (personne qui prend soin des œuvres d'un écrivain, qui en assure l'édition; le mot habituellement utilisé en français est encore plus ambigu que l'italien puisqu'il s'agit du mot « éditrice »...) Helgrid Streidt, m'a répondu avec sollicitude. Et sa réponse est de celles qui ne laissent aucun doute.

Sehr geehrter Herr Carlucci,

nein, dieser Text ist nicht von Brecht, sondern von Pastor Martin Niemöller (1892-1984).


Réponse des plus claires même pour qui, comme moi, connaît l'allemand comme l'arabe.

Cher Monsieur Carlucci,

Non, ce texte n'est pas de Brecht, mais du pasteur Niemöller (1892 - 1984).


Mais la chose ne s'arrête pas là.

La courtoise curatrice, en fait, joignit à son mail le scan d'un article paru en 1987 sur Notate, la défunte revue de l'Archiv (la publication a cessé avec la chute du mur en 1990; rppelons que Brecht, la guerre finie, choisit de vivre en RDA et les archives qui portent son nom furent conséquemment situées à Berlin- Est.)

L'article écrit par le professeur de théologie et pasteur évangélique Carl-Jürgen Kaltenborn, est centré justement sur les heurs du texte en question et s'intitule «  Wirksam wie ein Volkslied » (Efficace comme une chanson populaire – virale comme une popsong ou un video de youtube, dirions-nous nous les jeunes trente-septenaire d'aujourd'hui); et, même à la lumière de la récente contagion, on peut dire que jamais un titre ne fut plus approprié.

Attention : ici entre en jeu le précieux Stefano ( ndt : à croire que c'est un destin, tous les Stefanos sont précieux : celui de Carlo Levi , qui l'accompagna tout au long de son voyage en Union Soviétique vers 1956, celui dont j'ai parlé avec l'âne et celui-ci...), lecteur de mon précédent envoi qui s'est offert de suppléer à ma criante insuffisance en langue germanique en m' (nous)offrant une traduction annotée du texte : tout ce que vous lirez à partir d'ici, vous le devez essentiellement à lui (qu'il soit loué !)

L'article de Kaltenborn part d'un précédent numéro de la revue Notate (5/1986) dans lequel était publié un tract chilien reprenant notre texte habituellement attribué à Brecht. Premier point, il démontre, contrairement à ce que j'avais imaginé dans mon premier envoi, que l'attribution brechtienne n'est pas « farine du web », mais préexistait à celui-ci. Semble se confirmer , au contraire, l'hypothèse wikipedienne à propos des racines hispanophones de l'attribution erronée.

Kaltenborn met immédiatement les choses au clair : ce texte est de Niemöller, pas de Brecht. Après avoir esquissé une biographie de l'auteur, Kaltenborn cherche à remonter aux origines de notre texte.

Dans le mensuel évangélique « Standpunkt » 1/87, Hans Joachim Oeffler, pasteur de l'église évangélique de Kaiserlautern-Siegelbach et vice-Président de la Conférence Évangélique pour la paix, a souligné que la version originale des paroles de Niemöller remonte à une prédication tenue le 19 avril 1976, un lundi ce Pâques, dans la salle communautaire de Kaiserlautern-Siegelbach et a été publiée par Martin Niemöller pour la première fois dans une contribution sous le titre de « Trente ans de République Fédérale Allemande ».


Autre note intéressante : selon Kaltenborn, la première apparition dans la presse du texte sous le contrôle de son auteur est de 1976. Suite à cette publication, poursuit Kaltenborn, le texte s'est répandu dans toute l'Allemagne fédérale en différentes variantes, jusqu'à acquérir une résonance internationale.

J'ai mis en évidence «  sous le contrôle de son auteur » car en réalité, le texte, ou plus exactement une de ses variantes, ont été en circulation bien plus tôt, plus ou moisn à aprtir des années 50 (du moins, aux dires de wikipedia).

Cette apparente dyscrasie ( comment traduire discrasia autrement que par dyscrasie, qui existe en français, comme terme strictement médical et qui signifie perturbation des humeurs organiques; dès lors, comme en italien, le sens figuré pourrait bien être : mauvais fonctionnement, perturbation) se résout en considérant que Niemöller avait déjà conçu et diffusé ce texte durant ses discours et ses sermons de l'immédiate après-guerre. C'est la thèse du Pr Marcuse, qui a consacré une recherche approfondie au thème de l'origine de ce texte ( dans laquelle significativement, Brecht n'est pas mentionné, sauf incidemment). Le même Kaltenborn avalise, quoique de manière indirecte, cette hypothèse :

Que Martin Niemöller pensa de cette manière, on peut déjà le déduire d'une conférence du 3 juillet 1946. Il se rappelait avoir visiter avec sa femme, à l'été 1945, le camp de concentration de Dachau, où il avait été emprisonné et qu'en voyant l'écriteau posé sur les fours crématoires : « Ici, dans les années 1933 à 1945, ont été brûlées 238,756 personnes », il s'était demandé : « Et toi, où étais-tu de 1933 au 1er juillet 1937 ? » ( cette dernière est la date de son arrestation), pour conclure immédiatement : « Hermann Goering se vantait publiquement d'avoir éliminé le péril communiste; car les communistes qui n'étaient pas en prison en raison de leurs « crimes », à ce moment étaient derrière le fil barbelé des camps de concentration à peine créés. Adam, où es-tu ? Malheureusement, Martin Niemöller, et toi, où étais-tu ? Voilà ce que demandait Dieu à propos de ces chiffres... Et ce jour-là, quand nous sommes retournés à la maison, j'ai lu avec des yeux neufs le chapitre 25 de l'évangile de Mathieu : « J'avais faim et ils ne m'oint pas nourri; j'avais soif et ils ne m'ont aps désaltéré; ils m'ont arrêté et vous n'êtes pas venus à moi ». Comme chrétien, j'aurais pu et j'aurais dû savoir, en 1933, qu'à travers chacun de mes frères – qu'il fussent communistes ou non – Dieu en Jésus Christ me demandait si je ne voulais pas le servir. Et j'ai refusé ce service et j'ai repoussé ma liberté. Parce que j'ai refusé ma responsabilité.


Et Brecht?

Selon Kaltenborn, une éventuelle rencontre entre Brecht et Niemöller, quoique imaginable et imaginée, et même possible à partir du moment où Niemöller a visité plusieurs fois la RDA à partir de 1953, n'a jamais été prouvée.

Quant aux rapports entre Brecht et notre tristement fameux texte, Kaltenborn n'a aucun doute :

Les suppositions quant à une adaptation possible, de la part de Brecht, de la réflexion de Niemöller, sont privées de tout fondement solide, car dans sa forme quadripartite, facilement mémorisable , qui a évidemment favorisé son ample diffusion et sa modification continuelle, il n'y en a pas de traces avant le 19 avril 1976 [c'est-à-dire quand Brecht était déjà mort depuis vingt ans].

Pour la suite de l'article, je laisse la parole et la responsabilité de conclure à Stefano déjà cité, car je n'aurais pas pu le résumer et l'annoter avec de meilleurs termes:

Arrivé là, Kalternborn (qui est aussi un théologien) soutient que la réflexion de Niemöller possède cependant une dimension exemplaire. L'histoire de son efficacité exprime une communion profonde des personnes raisonnables et le fondement d'une coalition fondée sur la raison.

Puis, il poursuit avec le lien avec l'actualité de la période à laquelle écrit l'auteur de l'article. Du fait qu'il s'agit d'une revue de la RDA (encore existante alors), il y a une référence au fait que leur société – à la différence de la société capitaliste – ne connaît pas le « copyright » et ne réclame pas de droits d'auteur quand il s'agit de s'engager pour le désarmement et la libération des peuples. (Mais , dit l'âne un peu étonné, il y a des gens qui réclament des droits et de l'argent quand il s'agit de s'engager pour le désarmement, la paix, contre la guerre, pour la libération des peuples ? Et ils n'ont pas honte ?)

Les strophes qui modulent l'original de Niemöller acquièrent ainsi la force d'un chant populaire qui sert à qui lutte pour la paix. Il y a ensuite des références au Chili et au Nicaragua, où les chrétien, les communautés de base chrétiennes et de simples évêques s'engagent à côté de ceux qui luttent pour la paix et pour l'autodétermination des peuples. Le fait que dans ces pays de nombreux chrétiens soient à côté des communistes et qu'ils utilisent les vers de Niemöller, en les attribuant à Brecht, a une valeur symbolique.

J'ajoute qu'il est évident – que ce passage est « vicié » par une sorte d'autojustificationisme : dans les années Quatre-vingts commencèrent à se former des groupes de pacifistes et de dissidents qui trouvaient protection dans l'église évangélique, tolérée par le régime communiste de la RDA. Ici, l'auteur tente la quadrature du cercle, en montrant que ce type de christianisme n'est pas du tout en contradiction avec le socialisme réel.




 

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1 juillet 2008 2 01 /07 /juillet /2008 23:05

Ah ! Ah !, dit Lucien, l'âne singeant le singe Bosse-de-Nage et se grattant conséquemment l'occiput, pour ne pas dire autre chose, te voilà ! Que vas-tu encore me sortir ce soir ? Une chanson, un poème, une histoire... ? Qu'as-tu en tête ?


D'abord, bonjour-bonsoir, selon l'heure où l'on nous lit, il faut bien tenir compte de cette curieuse dimension de notre situation, on ne sait jamais si on parle le jour ou la nuit. Donc, bonjour-bonsoir, pour répondre à ta question, j'hésitais beaucoup dans mon choix; j'ai mille choses à dire et à raconter et je ne sais si j'arriverai jamais au bout.


Te connaissant, je suis absolument sûr que non. Mais poursuis, je t'en prie Marco Valdo M.I.


J'avais pensé parler de Kesselring et de son monument ignominieux. Mais ne t'inquiète pas, si je ne le fais pas aujourd'hui, je le ferai demain ou un autre jour, comme viendra l'inspiration. Bref, j'en étais là de mes pensées, quand un truc miraculeux se produisit.


Un truc miraculeux... La dame s'en est allée ?, dit l'âne en ricanant et en se frottant le ventre d'un sabot nerveux. C'est à cause de ces sales mouches, elles n'arrêtent pas de me piquer. Quel truc miraculeux ?


Et bien voilà, tu sais que je traduis des chansons en français pour un site splendide qui s'appelle Canzoni contro la Guerra, site civil s'il en est. J'allais voir un peu ce que j'y mets de temps en temps et aussi, j'allais aussi un peu à la pêche aux chansons. C'est comme une passion. Je ne peux pas laisser passer trop longtemps sans leur fournir un texte et foi de Marco Valdo M.I. et de Calvino, ils le méritent bien qu'on les aide. En fait, c'est s'aider soi-même que d'aider de pareils porteurs de paix ou alors, nos enfants ou les enfants de nos enfants, ou les enfants des autres, les enfants du monde... Tu sais ceux qui vont se donner la main pour faire une ronde autour du monde...


Arrête, arrête, je suis tout soûlé par tes logorrhées, dit Lucien en se repliant les oreilles.


Alors, je reprends calmement, calme, calme... Je cherchai une chanson et je suis tombé sur un texte que je connaissais déjà, que tu connais peut-être, que des millions de gens connaissent dans le monde, mais qui me plaît bien. Il n'y avait même pas à le traduire, il l'est déjà dans plein de langues et dans plein de versions différentes. Tu sais, cette histoire de la peste brune. Ils sont venus chercher les communistes, les socialistes, les anarchistes (ceux-là, on les oublie la plupart du temps... Mais comme disait Léo, y en a pas un sur cent et pourtant ils existent... et qu'ils se tiennent bien, bras dessus, bras dessous, joyeux et c'est pourquoi, ils sont toujours debout...), les maçons, les Roms, les Juifs, les homos et tant d'autres sortes de gens... Je n'ai jamais rien dit; puis, ils sont venus me chercher et il n'y avait plus personne pour dire quoi que ce soit... Ne t'inquiète pas, Lucien mon bon ami, tu vas avoir la version supposée originale.


Oui, oui, je connais cette histoire, ça nous est arrivé chez les ânes aussi. Et à moi en particulier, alors, tu penses.... Mais si tu as la version d'origine... En fait, ça m'étonnerait beaucoup, car vois-tu, quand j'étais du côté d'Éphèse, j'en ai déjà entendu parler... Tu sais bien l' Éphèse d'Asie Mineure, la ville des jumeaux et des jumelles. Une ville très patriarcale au demeurant. Tu me suis ? Ah ! Ah ! Donc, au temps où j'étais encore un jeune homme et où je fréquentais les péripatéticiens de la ville; il doit bien y avoir deux millénaires et comme je t'ai dit, on racontait déjà une histoire du genre. Il y avait des Perses, des Spartiates, des Athéniens, des Hébreux, des homosexuels, des sectateurs de dix religions différentes... Comme dans ton histoire, on finissait par se retrouver seul.


Écoute-moi plutôt, je n'ai pas le cœur à rire à propos de cette histoire. Le truc miraculeux, dont je te parlais, est un commentaire énorme et tout à fait passionnant à ce sujet que j'ai traduit à ton intention et à celle de notre grand ami Stefano le lâcheur, tu sais celui qui dit toujours qu'il va venir nous rendre visite et qui n'arrive jamais. J'ai pensé à lui car un des commentateurs italiens s'appelle aussi Stefano. Et à présent, voici cette histoire. Je commence par le texte français...


 


 

 

LORSQUE LES NAZIS SONT VENUS CHERCHER LES COMMUNISTES

Lorsque les nazis sont venus chercher les communistes
Je n'ai rien dit
Je n'étais pas communiste.

Lorsqu'ils sont venus chercher les sociaux-démocrates
Je n'ai rien dit
Je n'étais pas social-démocrate.

Lorsqu'ils sont venus chercher les syndicalistes
Je n'ai rien dit
Je n'étais pas syndicaliste.

Lorsqu'ils sont venus chercher les juifs
Je n'ai rien dit
Je n'étais pas juif.

Puis ils sont venus me chercher
Et il ne restait plus personne pour protester.

 

 

Et la suite, dit Lucien en faisant l'âne.


Comme il se fait tard et que je suis assez fatigué, je n'ai pas le temps ce soir de te donner la traduction du texte de commentaires..., répond Marco Valdo M.I. Mais crois-moi, il vaut son pesant de son.


 

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