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16 novembre 2008 7 16 /11 /novembre /2008 23:48

Mais qu'est-ce qu'il se passe ?, dit Mârco Valdo M.I.. On dirait que je n'arrive plus à tenir le coup... Il fait noir trop tôt, ce doit être ça. Et toi, Lucien mon ami aux longues oreilles luisantes comme la mer un soir de pleine lune.


Je crois bien qu'il y a de çà. Je te vois qui traîne la jambe comme si tu étais atteint de rhumatismes, alors – et je le sais – que tu n'as rien de ce genre, dit l'âne Lucien en souriant. Mais crois-moi, je te comprends fort bien. C'est une drôle de saison, un étrange moment de l'année. C'est le moment où il faudrait dormir presque tout le temps et dans le monde, tout le monde s'agite. Et plus on va s'approcher du solstice, plus ils vont devenir frénétiques. C'est comme çà tous les ans.


Ce doit être ce fichu solstice, tu as raison, dit Mârco Valdo M.I.. Il est responsable de bien des choses. La première, c'est qu'à cause de lui ou à partir de lui, on a placé là la fin de l'année et bien entendu, le début de l'autre. En soi, çà n'aurait aucune importance, s'il n'y avait pas ces folies comptables. Tout le malheur vient de là. À partir du moment où l'homme s'est pris la tête à vouloir compter, le monde est devenu fou. Je te jure qu'ils comptent tout, absolument tout, même les poux sur la tête d'un éléphant. Enfin, j'en sais rien, mais c'est façon de dire les choses. Mais c'est vraiment une manie, une idée fixe, une sorte de folie collective: compter. Moi, çà m'ennuie à un point tel que j'en arrive – moi qui suis d'un naturel si tranquille – à m'énerver, simplement à cause de cette manie de compter. C'est elle, vois-tu, mon ami Lucien, qui fait que l'homme est encaserné dans des délais, esclave de mille contraintes qui sont très horripilantes. Par exemple, le calendrier, rien de plus horrible que de se sentir enfermé dans une routine temporelle, de ne pas pouvoir prendre son temps car ils te l'ont déjà réquisitionné, déjà volé. Bien sûr, il y a des scrupuleux, en Gaule hyperboréenne, ils disent des totains, qui découpent leur vie (à la limite, on s'en fout, c'est leur vie...) et celles des autres (et là, çà ne va plus...) en rondelles... Sans s'apercevoir les malheureux que c'est là la cause de leur malêtre... Car en découpant le temps qui n'est autre qu'eux-mêmes – vois-tu Lucien, je crois même que toi tu l'as perçu avant moi, le temps n'est pas de l'argent; le temps, c'est l'être lui-même, c'est une dimension de l'être, de ton être propre, c'est une partie de toi-même... Alors découper ton temps, revient à te découper toi-même en morceaux. Marcher au rythme du calendrier, au rythme quotidien : les heures, au rythme hebdomadaire, au rythme mensuel, puis annuel... C'est comme si tu marchais toujours au pas de l'oie avec un appareil qui réglerait la cadence. Une véritable horreur...


Comme je te comprends, mon ami Mârco Valdo M.I., dit l'âne Lucien, et comme je n'aimerais pas être pris dans de telles contraintes; j'étoufferais. Être à l'heure, je ne connais rien de plus ennuyeux que cette idée. Bien sûr, être là au moment convenu, là, c'est autre chose. D'ailleurs, regarde, à propos de solstice, comment se comporte la nature. Elle, elle prend son temps, elle s'acclimate de ses propres saisons, elle allonge ou raccourcit ses nuits ou ses jours, elle se repose ou elle s'active selon son temps et pas un temps imposé. Par exemple, tous les jours ne sont pas pareils. Aucun à vrai dire. Elle s'en accommode. Moi aussi, mais je suis un âne.


Autre chose, mon bon Lucien, autre chose qui pour les ânes semble évidente, mais qui pour bien des hommes n'apparaît pas clairement. Quand ils mettent quelqu'un en prison,et bien, tout simplement, ils lui prennent son temps. Évidemment, plus encore quand ils le tuent tout simplement. En prison, certes, on perd sa liberté de mouvement, mais ce n'est pas suffisant, ils s'arrangent pour faire perdre également son temps au prisonnier et lui substituer le temps cassé, standardisé, maltraité, rompu inventé par un délirant sadique qui est le temps de la prison.... Heures de lever, d'inspection, de coucher, de promenade, de repas.... Tout est régulé, tout est mis en règles. Moi, par exemple, j'ai toujours rêvé de pouvoir disposer de mon temps et de couler comme une eau qui descend une pente vers ma propre fin en suivant les moindres reliefs. Se laisser aller au fil du temps... Loin du temps mécanisé, du temps électronique, du décompte, du compte... Vivre enfin... tout simplement vivre. D'ailleurs, pour en venir à la canzone que tu attends, et même aux canzones, car il y en a deux... Je pourrais en mettre cinquante, mais çà prendrait trop de place. Donc, il y en aura deux et en plus, en prime, en quelque sorte, un récit.


Fort bien, fort, bien dit Lucien en faisant une petite pirouette circulaire et sautillante, afin de marquer sa joie. Et qu'ont-elles en commun ces chansons avec ce récit ?


Tous les trois tournent autour du thème de la prison, de l'enfermement,de la torture, question qui concerne bien évidemment et tu t'en doutes, l'histoire que nous avons en cours des « Achtung Banditen ! » et notre ami Marco Camenisch que les prisons suisses gardent sous clés encore à l'heure actuelle. Je commence avec une canzone, dont je ne me souviens pas trop si je te l'ai déjà fait connaître, c'est un texte exceptionnel car c'est La Ballade pour une prisonnière de l'écrivain Erri De Luca, un superbe écrivain italien contemporain, un écrivain poète, de surcroît Je commencerai par cette canzone. La voici...





B
allade pour une prisonnière

Texte d'Erri De Luca – Ballata per una prigioniera

version française : Ballade pour une prisonnière – Marco Valdo M.I. – 2008

La scène est sobre : fond noir et, au milieu sur l'estrade, une table de bois avec quatre chaises. Au dessus de la table, une lampe, qui selon qu'elle est allumée ou éteinte, dira ensuite l'auteur, représentent les passages entre les différentes stances où s'articule la très belle et très sensible chanson qui va être présentée. Une chanson avec un titre suspendu entre Cervantès et Balestrini, Donquichotte et les invisibles.

Trois personnes sur la scène, un habile clarinettiste, un chanteur ferroviaire et un écrivain, qui ensuite serrait le principal auteur du tout. Trois personnes, quatre sièges, car la dernière chaise, celle qui est restée vide est un appel de coresponsabilité pour ceux qui entendent encore vivre des moments plus ou moins longs de leur propre vie comme réponse à une série de questions, cette génération capturée...


Et alors, les Donquichottes peuvent être les Valsusains en lutte, les migrants incarcérés dans les lagers appelés par euphémisme « centres de permanence temporaire », mais aussi le poète bosniaque Izet Sarajlic, citoyen d'entre les citoyens d'une ville martyrisée par des bombes humanitaires, et Nazim Hikmet, dont les vers servent de prologue au voyage en forme de chanson, parti à la recherche de Dulcinée, passé par guerres et morts pour s'arrêter, à la fin, parmi les invisibles.

Les invisibles, décrits d'abord à travers leurs pieds entravés ( « ils sont la part la plus prisonnière d'un corps incarcéré. Et celui qui sort après des années doit apprendre à nouveau à marcher en ligne droite ») et puis, à travers la dédicace à une amie chère, sur la feuille de laquelle il est écrit : fin de peine, jamais. Une dédicace, qui au début allait trop souvent à la ligne, où pour l'occasion ont été ajoutés trois accords d'accompagnement.

Federico Marini, dalla mailing list "Brigatalolli".



Information complémentaire ajoutée par Marco Valdo M.I.: la version belge des « centres de permanence temporaire »,

« On les appelle Centres Fermés mais il serait plus juste de les nommer centres d’incarcération ou prisons. Ce sont des zones de non-droit, des espaces clos, clôturés par des hauts murs et des barbelés. C’est dans ces « centres » que l’on enferme les candidats réfugiés auxquels l'État belge refuse un titre de séjour. Ces personnes devenues « sans papiers » seront expulsées, de gré ou de force par la police fédérale qui saura « calmer » les plus combatifs, quitte à assassiner des Sémiras au nom de la sûreté de l’État. »





Deux pensées de Marco Valdo M.I. en forme de clins d'œil pour la « prisonnière », tous les prisonniers politiques :

« À la chasse aux sorcières, je prends toujours le parti des sorcières »

« Ô mânes d'Orwell... Nous vivons dans la ferme des animaux et les cochons sont au pouvoir. » (Marco Valdo M.I.)

et une de Charles De Gaulle (1940) : « Nous avons perdu une bataille, mais nous n'avons pas perdu la guerre... Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !  »

et Marco Valdo M.I. ajoute pour tous les camarades : à méditer.





Il était dangereux

de lui laisser les mains libres

sans fers enfilés autour des poignets

quand elle revit de l'espace, des arbres, des routes,

au cimetière où

on portait son père.

Dix ans déjà écoulés,

Mais les compter ne sert à rien,

la perpétuité ne finit jamais,

Plus tu vis, plus tu y restes.

Il était dangereux

de lui permettre des embrassades,

et le règlement

exclut tout contact.

Il était dangereux

ce deuil des parents

devant le père mort

Ils pouvaient tenter

qui sait de la libérer

la fille rigidifiée,

seulement pour compenser

la mort par la vie.


Spectacle manqué

La guerrière en sanglots,

mais qui est lié aux poignets

ne peut laisser couler ses yeux.

Pour se faire jour, larmes et sourires,

doivent avoir un peu d'intimité

car ils sont sauvages, ils ne peuvent

naître en état de captivité.

On n'a plus été ensemble, vrai, papa ?
D'abord la lutte, les années clandestines,

même pas une téléphonade à Noël,

puis la prison spéciale, ton visage,

revu derrière la vitre séparative,

d'abord intimidé, puis effrayé

et avec un haussement d'épaules

tu disais : “murs, vitres, barreaux, gardes,

n'arrivent pas à nous séparer,

je suis de ton côté

même si je ne peux pas te toucher,

au contraire, regarde ce que je fais,

je mets les mains en poches”.

Sois patient, papa, même cette fois-ci

je ne peux pas te caresser

entre mes gardiens et mes fers.

Cependant merci: de m'avoir fait sortir

ce matin, d'une paire d'heures

de peine à passer à l'air libre”.


Maintenant tu peux la rencontrer

le soir quand elle rentre

à la via Bartolo Longo,

prison di Rebibbia,

domicile des vaincus

d'une guerre finie,

résidence perpétuelle

des défaits à vie.

Traverse la rue, ne te retourne pas,

Camarade Lune, vieille prisonnière

qui s'accroche aux barres de la nuit.



Quelle belle histoire, quelle belle ballade et quelle tristesse, quelle mélancolie, quel bleu à l'âme, elle m'a fait, dit Lucien l'âne. On sent la douleur palpable du père, de la fille, cette douleur infinie, cette torture parfaitement inutile, infligée à une adversaire du système, piégée à vie dans cette guerre de cent mille ans des riches et des puissants contre les pauvres. Un courage, une volonté contre des milliers d'armes, des forteresses, des fusils, des bombes, des avions... Les pauvres n'ont pas de chars d'assaut, de gilets pare-balles, de mitraillettes, de camions, de chars... Oui, elle est belle cette chanson d'Erri De Luca. Tu disais, qu'il y en avait une autre ...


Oui, je l'ai dit et c'est exact. Celle que je vais te présenter maintenant, mon ami Lucien, est tout-à-fait particulière, elle aussi. Elle a été écrite en prison, par un prisonnier à propos d'un autre prisonnier qui faisait une grève de la faim pour pouvoir voir son fils. Père- fille, dans la ballade de la prisonnière et père-fils, dans ce jardin inculte. La même volonté du pouvoir écrasant de tuer jusqu'aux liens de vie que le prisonnier pourrait avoir encore. Note que c'est logique, je veux dire que c'est dans la logique du système qui lutte de toutes ses forces – et elles sont grandes , brutales, répressives, méchantes et stupides – contre ceux qui par leur existence-même le mettent en cause.


Tout système est par nature totalitaire, dit l'âne Lucien. Il ne peut tolérer la moindre faille, la moindre mise en cause de son fondement. Tout qui va le mettre en cause, va immanquablement, un jour ou l'autre, connaître le poids – d'aucuns diraient le prix de son audace – même simplement, verbale ou intellectuelle. Souviens-toi, Mârco Valdo M.I., de ce qu'ils ont fait au temps de Pierre Valdo.



JARDIN INCULTE


Chanson italienne – Giardino incolto – Sabino Mongelli – Les Anarchistes – 2006

Version française – Jardin inculte – Marco Valdo M.I. – 2008


« Nous sommes restés trois jours dans la prison de Volterra – le fameux Maschio di Volterra – pour enregistre avec les acteurs détenus de la Compagnie de la Forteresse d'Armando Punzo les parties récitatives et chorales de Muss es sein ? Es muss sein ! - cri de liberté de Léo Ferré [...] Sabino Mongelli est un des leurs. Il a chanté avec nous cette chanson qu'il a écrite qausnun de ses camarades faisait la grève de la faim pour pouvoir voir son fils. C'est un texte qui raconte la privation à laquelle la prison soumet. »

(Marco Rovelli)



En traduisant cette chanson, je pensais à Marco Camenisch, militant écologiste radical et anarchiste, qui lui aussi fit, comme tant d'autres, des grèves de la faim dans les prisons italiennes pour améliorer les conditions de détention dans les quartiers de haute sécurité avant d'expérimenter les prisons suisses, où on le détient encore... Il existe un livre qui relate cette longue incarcération et le combat quotidien qu'elle suppose pour y survivre; il est en langue italienne et il s'intitule "Achtung Banditen !" (éditeur Nautilus) - auteur Piero Tognoli. On peut en trouver des extraits en langue française sur le blog http://marcovaldo.over-blog.com/

( Marco Valdo M.I.)



À présent c'est un jardin inculte

Sans ses couleurs habituelles

Une photo mangée par le temps

Un arbre dépouillé par le vent

Un soleil après le crépuscule

Un feu après qu'il ait été éteint

Et moi je suis ici à attendre

Que ta voix vienne à résonner



Nous fûmes pris par enchantement

Et par contre, tu es renfermé dans un tourment

Comme une pierre hors du temps

Tu es muet sans une plainte

Recroquevillé dans ton lit

avec un poing serré dans la poitrine

Vivre Sentir Construire

Survivre Créer Vivre



Tu as abandonné tes mots

Tous tes livres et tous tes mots

Tous ceux que tu avais écrit

En les adressant à qui sait qui

Abandonnés au-delà du monde

Abandonnés à une pensée.



Dans le noir le plus profond et le plus obscur

Se trouvent tes souvenirs et tes pensées

Les détails les plus quotidiens

Les contours de ta personne

et moi qui suis ici à attendre

que vienne à résonner ta pensée



Dans le vert de ces collines

Dans le jardin qui t'entoure

Quand notre chanson

Cessera d'être un rêve

Quand ce rêve sera

La force d'un nouveau retour.



Quant au texte à propos de Marco Camenisch, c'est la suite de notre feuilleton Achtung Banditen. Il commence par un article que Marco a adressé au début de 1998 à un journal suisse et se poursuit par une série de lettres de Marco Camenisch et l'un ou l'autre commentaire de Piero Tognoli, dont le dernier se rapproche assez bien, disons raconte une histoire parallèle à celle de Fra Dolcino ou des Vaudois. L'Inquisition a frappé beaucoup de monde. Sais-tu que ce massacreur de Charles Boromée, massacreur et pilleur, gangster de première, suppôt du pape et inquisiteur, a été fait saint. J'attire aussi ton attention sur la proposition de faire de Joseph Ratzinger, uno santo subito, lui aussi. En effet, si Pie 12, alias Pacelli est proposé à la sanctification, il n'y aurait rien qui empêcherait qu'on la propose pour B.16 et pourquoi pas tout de suite (Benoît XVI, santo subito !), tant qu'il est encore frais.



Pourquoi pas, dit l'âne. Nous, on s'en fout. On trouverait même la chose assez drôle. Et maintenant, laisse-moi découvrir ce que dit Marco Camenisch.




Centro Valle, 11 janvier 1998.


JOURNALISTES OU FOLLICULAIRES ?


Mesdames ? Messieurs,

Avant tout, je vous souhaite de bonnes fêtes et une bonne nouvelle année sous le signe et pour le progrès de la vérité, de la liberté, et de la justice sociale, et par conséquent, de la paix.

Je saisis l’occasion pour vous remercier de la publication, il y a un an, d’un manifeste solidaire de ma personne et de ma lutte dans les prisons contre les illégalités et les injustices qui y sont perpétrées et en outre, pour vos dire certaines choses relatives à l’articulet du 31 août 1997 sur mes mésaventures et ma personne, intitulé « Accostamenti… » (Rapprochements…), où vous avez réussi au d-delà du possible à concentrer une série de mensonges implicites et explicites, de diffamations et de provocations contre le soussigné et plus encore contre la résistance historique et actuelle face à l’exploitation et la destruction de l’environnement et la vie sur notre planète.

Le chef d’œuvre dans ce chef d’œuvre de désinformation et de propagande plus ou moins subliminale, est sans aucun doute le sous-entendu, l’allusion contenue dans le titre et ses points de suspension où l’on veut ironiser et ridiculiser, pour exorciser le contenu subversif de la vérité, le rapprochement de ma petitesse avec un personnage comme le Che. Je suis d’accord que le rapprochement est impropre et d’autant moins audacieux que le soussigné n’est pas digne même de porter un verre d’eau à un personnage comme le Che… C’est un fait difficilement niable qu’un tel rapprochement est moins impropre et moins audacieux que celui , celé de façon générale et aussi dans votre article, du rapprochement du Che avec le consommisme et la publicité, pour des marchandises produites dans le soi-disant « tiers-monde » en exploitant malhonnêtement, entre autres, une main d’œuvre au salaire de famine, particulièrement la main d’œuvre forcée et mineure. Triple complicité dans le détournement : du cadavre du Che ; de la lutte qu’il représente, qui est exactement aussi la lutte contre ce qui – dans la publicité ou ailleurs – abuse de lui ; du soussigné, dont la lutte a sûrement et légitimement plus en commun avec celle du Che que vous ou ceux qui sont avec vous, même si vous vous évertuez à mentir. Dans sa lutte, le Che n’a rien sûrement rien de commun avec vous, fidèles folliculaires, et avec tous ceux qui sont avec vous, l'État policier planétaire, votre économie, votre politique et votre répression.

« Rocambolesque », une fuite au cours de laquelle serait mort « un » gardien ? A propos de « rapprochements » …

« Ecoterroriste », en effet. Je suis le premier responsable de l’effet de serre, de la débâcle et des catastrophes hydrogéologiques, environnementales et sociales au-dessus de nos têtes, de la cimentification et de la destruction sauvage du monde. Comme le peuple kurde, le zapatiste, celui de l’île de Bougainville et tous les gens et les peuples qui s’opposent à leur propre destruction et à celle de leur environnement vital contre vos intérêts messieurs-mesdames et de vos maîtres. Cependant, vu que la moindre résistance authentique et radicale à vos intérêts et vos privilèges est désormais du « terrorisme », très bien ! Alors être appelé « terroriste » par vous est le plus grand honneur qu’on puisse me faire. Le soussigné ne « risque » pas l’extradition, mais elle est bureaucratiquement certaine puisqu’elle est concédée par l’Etat italien à l’Etat suisse.

Il est tout à fait vrai, par contre, que le soussigné a été condamné pour les morts de (enfin une…) d’un gardien de prison et d’un douanier suisses. Officiellement ! selon les services de l’Etat helvétique dans leur incritiquable et très objectif compte rendu annuel sur l’extrémisme en Suisse et selon vous et les autres plumitifs du régime.

Pour qui, comme vous et comme ceux de l'État de Droit, de la séparation des pouvoirs, de la démocratie et d’une justice authentique s’en fout complètement, à moins qu’ils ne servent pour défendre et légitimer et affirmer hypocritement leurs propres privilèges et leur propre pouvoir, c’est là un détail insignifiant le fait que jusqu’à présent, aucun tribunal de la fameuse « loi est égale pour tous » n’a daigné jusqu’à présent me juger et me condamner pour ces accusations. Mais c’est un détail négligeable.

Comme vous et ceux qui comme vous êtes certainement satisfaits de votre opportunisme réactionnaire, avez une satisfaction entière de votre réel pouvoir de condamnation, de justice, d’exploitation et de destruction dans le cadre de votre système de pouvoir de classe inquisitorial et arbitraire dont les tribunaux, avec leur complaisance et leur acharnement sur mon cas, seront les serviles appendices. Honneur aussi à votre omniscience, si vous réussissez sans ambages à affirmer que j’aurais été reconnu par un douanier abattu dans cet affrontement, on peut le supposer, d’un homme armé contre un autre homme armé. Si vous parlez même avec les morts, alors les voies de vos Seigneurs et de vos Dames sont vraiment infinies. A propos des serviteurs armés de votre régime morts : il me répugne qu’à chacune de leur mort, ces serviteurs tombés soient ultérieurement instrumentalisés, avec pillage et abus, pour réaffirmer par des mythes cyniques et des mensonges dénigrants la « monstruosité » et l’impossibilité de toute résistance réelle et de tout monde différent du vôtre, avec l’unique fin de la légitimation et de l’affirmation du monopole de votre violence contre toute contreviolence et toute autodéfense du bas contre vos délires d’omnipotence et de destruction du haut. Le premier pas vers la liberté, la justice sociale, la dignité, et par cela vers la paix authentique, adviendra exactement quand toute mort, tout deuil, toute vie, toute douleur et toute joie auront exactement le même respect, la même pitié, la même valeur, la même considération et la même dignité.

Salutations distinguées sans rancœur.


Marco Camenisch


Je suis depuis un mois à la tête de « Centro Valle » qui, je vous l’assure, n’est pas formé de plumitifs du régime. En relisant l’articulet rédigé par un ex-collaborateur, je n’y ai pas trouvé, cependant, d’attaques directes contre votre personne. J’ai néanmoins décidé de publier l’écrit d’un subversif invétéré comme vous en adéquation ave l’orientation du journal qui est d’assurer une place adéquate aux interventions de ses propres lecteurs.

(Elisabeth Del Curto)


Novara, 6 janvier 1998

...


J’ai été surpris de la publication de ma lettre dans « Centro Valle », positivement même, je dois le dire. ....


Novara, 5 février 1998


Il sera dur d’obtenir des visites d’autres personnes. On peut toujours rêver que ces porte-codes et farouches serviteurs de l'État policier, ici à Novara, me concèdent d’autres visites vu les comptes en suspens qu’ils ont avec moi. Le fait que je rompe le masque de silence contre leurs illégalités et leurs pratiques perverses les énerve. Ils voudraient déjà supprimer les visites de Manuela et ils ne les renouvellent pas pour Isa.

J’espère que maman pourra se reprendre et guérir après l’accident domestique qui a provoqué la fracture de son bras. Je lui souhaite de guérir au plus vite même si, il est certain que je ne pourrai la revoir durant plusieurs mois.

Mes amis et mes compagnons, par contre, je pense les revoir si et quand ils faibliront. Maintenant ou plus tard, si je survis – ce qui est probable, ils le devront.


Novara peut attendre. Aucune permission de visites. Aucun accompagnement pour Annaberta et Renato.

Un malheureux fil électrique en embuscade dans la pièce lui a fait un croche-pied et Annaberta s’est retrouvée à l’hôpital avec des fractures multiples au bras droit. Renato tout seul ne se sent pas prêt à affronter le tourment du voyage et qui sait pour combien de temps le train partira sans nous.



Novara, 8 mai 1998


J’ai écrit une longue intervention sur l’écoterrorisme comme contribution au débat qui s’est tenu à La Spezia le 25 avril dernier.

Ce fait me remet en mémoire que durant le Second Massacre Mondial, quand l’Europe était sous le joug des nazis et de leurs dignes alliés, les actions de la résistance étaient cataloguées comme « banditisme ». Le terme « terrorisme », utilisé aujourd’hui, n’était pas encore à la mode et il existait encore une nette séparation entre l’identité de la population soumise et les intérêts des dominants du moment.

Si, en consultant un quelconque dictionnaire au mot terrorisme, nous lisons … : qui sème une terreur indiscriminée dans la population et que nous pensons à Tchernobyl et à toutes les catastrophes écologiques de la Planète, aux guerres, aux victimes civiles et aux bombardements… peut-être comprendrons-nous qui sont aujourd’hui les vrais terroristes.




Novara, 12 juin 1998


Presque une demi-année sans voir maman et Renato, cela correspond à environ un quarantième de ma peine d’emprisonnement. Et s’il n’y avait l’écoulement du temps et mon usure, ce serait à en rire tellement c’est peu. Une demi-année me paraît un clin d’yeux. Plus ou moins encore la moitié de quarante battements d’yeux et j’aurai épuisé ma peine ; s’il n’y avait les nuages radioactifs, la désertification, etc., qui véritablement « ne sont pas préoccupants », je n’aurais aucun doute de battre les cils 40 fois, sans problème.

Ici aussi, les idées sont polluées par l’information de la société du spectacle et de la communication aliénée dans les ruines de ce « monde » trop canalisé. Mais il faut que pour s’éclaircir les idées, la prison est étroite entre ces quatre murs ; mais la prison de la société est aussi une forte barrière. La prison est la coercition de vivre ensemble coude à coude avec des personnes très différentes et de vivre de manière confuse des relations plus ou moins affines. Mais avec l’étroitesse antinaturelle dans les cellules communes, même les affinités n’arrivent pas à empêcher qu’après peu de temps, ces êtres privés de l’espace « naturel » suffisant se fassent un tas d’ennuis réciproques. Vice-versa, vu la condition existentielle extrême, forcément, avec le temps, les personnes sont privées dans leurs relations de tout masque caractériel, idéologique, etc. et les subterfuges dans la convivance, dans l’autodéfense collective et dans les efforts pour changer les conditions de vie ne sont pas facilement applicables.


Novara, 4 juillet 1998


Hier, j’ai reçu un tract en solidarité avec Patrizia Cadeddu, arrêtée à Milan et justement aujourd’hui, elle m’a écrit continuant ainsi une correspondance pas très fournie, mais intense en termes d’affection et de discussion. C’est une vraie Sarde audacieuse et fière.

Il n’est pas vrai qu’ils lui ont refusé les arrêts domiciliaires ; c’est elle qui les a refusés quand le PM les lui a offerts, en pleine audience, je crois. D’un côté je l’admire car c’est un « cadeau » intéressé de ce typique tas de merde de PM, qui d’une certaine manière veut se laver la conscience. Certes, le terme « terroriste » est usé et tellement utilisé mal à propos qu’il veut dire tout et le contraire de tout.

Ce qui est vrai par contre c’est qu’ils m’ont refusé les visites de la Raffi. Pas grave ! Pour « avis négatif de la questure de Carrare », ce qui revient à donner au renard la clé du poulailler.

Ici, le salut, c’est de se tapir dans sa cellule et de ressasser souvenirs et songes, rage et sérénité, mais on est trop souvent interrompu par les ouvriers, des musiques, des nourritures, des contrôles et des bêtises diverses, tellement qu’il est même difficile d’organiser sa journée.

Pour ne rien dire des télés. Elles nous cassent tellement les oreilles que, un clou chassant l’autre, l’unique solution est d’allumer la sienne pour ne pas entendre les 15 autres en même temps, dans le tohu-bohu de cette architecture carcérale.


D’intenses et persistantes douleurs au trijumeau, fatigue due à l’âge, bras droit hors d’usage, mais grande énergie. Il me plairait d’arriver aux presque quatre-vingts ans d’Annaberta, forte de ses motivations et de ne pas se laisser aller même dans les situations les plus désespérées.

Par contre, Donato Farina, le frère de l’Ordre des Humiliés qui attenta à la vie de Charles Borromée, me tient compagnie à l’Oasis vert. On parle d’un fait de 1569 comme démonstration que chaque époque, en plus des infâmes représentants du pouvoir, a aussi ses dissidents. Pas encore tout à fait oubliés.

L’auteur de ce petit livre remarquable et vif écrit textuellement… : « Si la balle dont était chargée mon arme avait atteint son but, l’histoire de la Contreréforme en Haute Italie, dans la canton du Tessin et sur les terres des Grisons sur la jurisprudence du diocèse de Milan, aurait pris un autre cours, car en Europe, personne ne montrait autant de ferveur à poursuivre des hérétiques et des sorcières que Charles Borromée. »

Malheureusement, l’histoire alla différemment. Farina finit tué après d’atroces tortures et Borromée sanctifié, après avoir dissous l’Ordre des Humiliés et confisqué leurs propriétés. Peut-être que dans cinquante ans, on fera des saints du cardinal Ratzinger et du juge Antonio Marini.





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