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7 novembre 2008 5 07 /11 /novembre /2008 00:03




Bonsoir. Comme chaque jour, l'actualité est faite de bonnes et de mauvaises nouvelles.
Bonnes nouvelles pour l'Europe. Le général Franco est toujours mort. Bonne nouvelle, en effet ! On aimerait en avoir beaucoup comme ça... Par exemple...


Par exemple, dit l'âne, que racontes-tu, Mârco Valdo M.I. ? Je n'y comprends rien.


C'est simple pourtant, Lucien mon bon ami, dit Mârco Valdo M.I.. C'est simple et c'est d'une vérité criante. Je répète : Comme chaque jour, l'actualité est faite de bonnes et de mauvaises nouvelles. Bonnes nouvelles pour l'Europe. Le général Franco est toujours mort. Bonne nouvelle, en effet ! On aimerait en avoir beaucoup comme ça... Par exemple... Je puis également annoncer – jusqu'à preuve du contraire, car avec les catholiques, on ne sait jamais : Heider est toujours en route pour l'Éternité. Comme tu le sais, je dis Heider en raison de la canzone que j'avais traduite pour lui. Tu sais, la chanson de mon ami Riccardo Scocciante et que j'avais intitulée Heidi, heido, heida... ou alors, c'en était le refrain. Par ailleurs, on aimerait beaucoup en annoncer d'autres de bonnes nouvelles pour l'Europe. Par exemple, le départ pour l'Éternité du Sourire, de la mère Catcheure, de l'un ou l'autre Président populiste, etc... (oui, je sais, mais Vaugelas...) Évidemment, en attendant, on peut toujours se réjouir que Benito et Adolf exercent leurs talents dans l'Éternité, si elle existe et dès lors, si Dieu existe (rien n'est moins sûr... à part une de mes amies), il n'a qu'à s'en prendre à lui-même des ennuis qu'immanquablement, ils vont lui causer.


Comme je te comprends, dit l'âne Lucien en souriant de ses dents aussi nombreuses que les balles d'une rafale de mitrailleuse lourde. Il y a d'ailleurs une question que je me pose à ce sujet. C'est à quel moment, ils vont proclamer Benito « Santo Subito », car quand même, il a sauvé le Vatican avec ses accords de Latran. Ce n'est quand même pas rien. Peut-être que le Sourire va intercéder pour la Mâchoire auprès de B.16. À mon avis, avec l'aide de ses amis, il devrait y arriver ... Je me demande aussi à quel moment, Adolf... je n'ose même pas poser la question, mais tu vois ce que je veux dire.... Avec un discours dans le genre : oui, mais, c'était l'époque et il y avait eu des exagérations, et la situation était ce qu'elle était, que c'était la crise, la grande crise, que le monde était en danger, etc, etc... Je les entends déjà. Non, mais vraiment, je les entends déjà vraiment maintenant. Ils en sont à dire des choses comme çà. Tu n'as qu'à lire la presse, mon pauvre ami, on en est là, ou presque.


Ah, oui ! Je vois bien de quoi tu veux parler et si tu n'étais pas un âne et que tu ne t'appelais pas Lucien, je t'appellerais Cassandre, dit Mârco Valdo M.I.. Nonobstant, je voudrais quand même rendre à Jean Yanne ce qui lui revient. Car vois-tu, Lucien mon ami aux oreilles plus noires que l'orbace des hiérarques fascistes, c'est notre ami Jean Yanne qui avait imaginé cette belle façon d'introduire un journal télévisé... et crois-moi en la matière, il en connaissait un bout.


Mais Jean Yanne, dit l'âne un peu intrigué, n'était-ce pas lui qui avait prévu l'arrivée des Chinois à Paris et les platitudes que les autorités françaises feraient pour leur plaire ? N'était-ce pas lui, qui avait annoncé la venue de Jésus dans les médias, n'était-ce pas lui qui, un temps, faisait de si beaux sermons tous les dimanches matin vers les onze heures ? Personnellement, dit l'âne, je pense qu'ils ont eu tort de le virer....


Oh, oui, je suis tout à fait d'accord avec toi. D'ailleurs, depuis qu'ils l'ont viré des télés, moi, j'ai viré la télé. Et depuis, j'ai l'esprit libre et pas seulement l'esprit et la pensée, j'ai aussi mes soirées libres et ça, mon ami, c'est précieux. Bon d'accord, toi qui es un âne, tu n'es pas assujetti à la télévision, tu ne sais pas trop quel boulet c'est pour les malheureux humains... Elle les enchaîne et pas d'une seule chaîne, mais d'un tas de chaînes... et c'est vraiment très lourd à porter. Par exemple, nos conversations seraient tout à fait impossibles, inexistantes et même pas concevables. Et puis, si même on arrivait à se rencontrer, on parlerait de quoi... Sinistrose totale. Tu me vois te raconter des séries télés ou les dernières nouvelles, vues par l'œil électronique ?


Oh non ! J'ai horreur de çà..., dit l'âne en frissonnant des pieds à la queue. J'en rencontre qui s'y essayent et là, d'un coup, il me prend une envie de galop et je galope. Je fuis à toutes jambes. Rien qu'à l'idée, les pieds me démangent.


Mais, Lucien mon ami, ne t'en vas pas, je te jure que je ne raconterai jamais les histoires de la télé, car j'aurais bien du mal à le faire. Je ne la vois jamais. Je t'ai dit que je l'ai virée... Il y a déjà bien longtemps. Je préfère lire ou écrire ou même, comme tu le vois, causer avec un âne.


Je t'en remercie et en plus, mon cher Mârco Valdo M.I., dit l'âne en hochant le crâne ce qui faisait balancer ses oreilles, je dois te dire que l'aventure est réciproque. Que serais-je sans toi, qui vins à ma rencontre...Que serais-je sans toi qu'un âne au bois dormant... ? Mais, dis-moi que vas-tu me raconter aujourd'hui ? J'espère la suite d'un de ces récits que tu m'as donné à connaître.


Que veux-tu ? C'est la loi du genre, mon cher ami asin. J'aime à te faire connaître, en toute confidentialité, les auteurs que j'aime et que j'ai traduits au prix de longues heures de labeur... Car on n'imagine pas les heures qu'il faut pour lire un livre en le recopiant à la main... En plus de l'effort de traduire, c'est-à-dire de transposer dans notre langue ce qu'un autre a dit dans la sienne. Tu n'imagines pas ce que c'est. Notamment, par exemple, comme disait mon ami Alexandre, on passe un temps fou à chercher dans les dictionnaires des mots qu'on connaît déjà. Je t'explique, c'est l'histoire du mot sur le bout de la langue, du mot qui est là, que l'on connaît, que l'on voit, que l'on entend, mais qui ne veut pas sortir... Il faut alors se rendre et s'en aller au dictionnaire, comme d'autres sont allés à Canossa... Une vraie pénitence, mais je ne suis pas encore arrivé à comprendre comment fonctionne le cerveau humain... Pourquoi par moments, il cale ainsi.


Oui, mais encore..., dit l'âne trépidant d'impatience... De quoi, Mârco Valdo M.I., me parles-tu aujourd'hui ?


Te souviens-tu de mon ami Atzeni...




Photo G.L.


Il a un nom si remarquable que je n'aurais garde de l'oublier, d' autant que j'ai beaucoup aimé cette histoire de Sardaigne... Est-ce encore de lui et de la Sardaigne que tu vas me parler ? Si c'est le cas, je te dis tout de suite, que je serai le plus heureux des ânes...


Sois donc bienheureux... Santo Subito ! En quelque sorte... c'est d'Atzeni que je vais te faire connaître la suite de ce récit sur la Sardaigne. Tu vas découvrir, et par un grand écrivain français, comment vivaient les Sardes, en son temps... Ou plus exactement, comment un grand écrivain français pouvait raconter des "plumes de cheval", comme disait Marx (Groucho). Traduction de "plumes de cheval", excuse-moi pour la trivialité de la traduction , mais c'est vraiment çà : "plumes de cheval" : conneries.  Balzac, car c'est de lui qu'il s'agit, racontait - en ce qui concerne la Sardaigne, d'immenses conneries. Allons-y.






Joseph Fuos, aumônier militaire qui vécut en Sardaigne de 1773 à 1777, est l’inventeur probable d’une herbe du rire sardonique qui autrement n’aurait jamais existé. Il a produit et diffusé une image d’un pays à mi-chemin entre la réalité et la fable. Une île lointaine, primitive, légendaire.

Il n’a pas été le seul. Dans la même entreprise, s’est risqué un écrivain bien plus important dans l’histoire de la culture européenne : Honoré de Balzac. Précisément lui, tellement aimé des fondateurs du marxisme, descripteur réaliste de la nouvelle société parisienne, des guerres pour la répartition du pouvoir économique et politique, des transformations des coutumes, des types humains nouveaux et inédits (aujourd’hui nous dirions : « des nouveaux sujets sociaux »). Précisément lui.

Balzac a écrit, de Sardaigne, une lettre divertissante à une Madame, noble dame polonaise, habitant à Paris, sa future femme. Datée de Cagliari, le 17 avril 1838. Il a écrit qu’il avait vu : « des choses semblables à celles qu’on raconte à propos des Hurons et de la Polynésie. Un royaume entier désertique, de vrais sauvages, aucunes cultures, des savanes de palmiers sauvages, des cistes ; partout les chèvres qui broutent toutes les pousses et empêchent la végétation de croître au-delà de la ceinture. J’ai fait dix-sept ou dix-huit heures de cheval (…) sans rencontrer une maison. J’ai traversé des forêts vierges, plié sur le cou du cheval au péril de ma vie, car pour la traverser, il faut longer un cours d’eau couvert d’une voûte de lianes et de branches qui m’auraient crevé un œil, arraché les dents, rompu la tête. Il y a des chênes verts gigantesques, des chênes-liège, les lauriers, des bruyères de trente pieds de haut. Rien à manger. »





Un récit d’aventures exotiques. Un voyage imaginaire. Balzac était certain que la noble dame qui recevrait sa lettre, et les Parisiens cultivés qui écouteraient sans doute sa lecture, ne douteraient pas de sa véracité : la Sardaigne était lointaine, inconnue, proche des mille et une nuits.

Un passage de sa lettre révèle, plus que les autres, quelles étaient les intentions de Balzac et les interlocuteurs réels auxquels il s’adressait et le but « littéraire » de ses mensonges. Il écrit en effet : « Hommes et femmes vont nus avec un bout de toile, un chiffon propre pour couvrir leur sexe. » Il savait parfaitement qu’il « disait des mensonges », mais probablement, il imaginait susciter des discussions traversées de frissons licencieux chez des dames et des gentilshommes de la meilleure société parisienne. Aussi les Sardes, donc, ne fût-ce qu’un instant, ont assumé un important rôle historique réservé aux primitifs des aires chaudes du monde : titiller les fantasmes sexuels des Européens.

L’écrivain français a regardé quelque chose et il a écouté quelqu’un et il a lu quelque page d’un livre consacré aux Sardes. Et il a fini aussi par raconter quelque chose de vrai, qui a frappé son imagination : « C’est une région dans laquelle les habitants font un horrible pain en réduisant en farine les glands du chêne vert et en le mélangeant avec de l’argile (…). J’ai vu, le jour de Pâques, un ramassis de créatures par bandes au soleil le long des murs de terre de leurs tanières. Aucune habitation n’a de cheminée : le feu est allumé au milieu de la maison qui est tapissée de suie. Les femmes passent la journée à moudre et à pétrir le pain et les hommes s’occupent des chèvres et des brebis et tout est inculte dans le pays le plus fertile du monde. Au milieu de cette misère profonde et incurable, il y a des villages qui ont des costumes d’une stupéfiante richesse. »

Malgré tout, aventures et fantômes ne cachent pas les hommes en chair et en os, les maisons de terre et la mouture du blé, les aliments quotidiens et les éclats d’une richesse cachée. Balzac, d’une certaine façon, quoiqu’en jouant avec les fables, introduit le temps historique, vécu par les hommes réels. Dans ces années-là a vécu la grand-mère de la grand-mère de ma grand-mère, qui presque certainement mangeait du pain de glands pétri d’argile et elle vivait dans une tanière en terre sans cheminée, tandis qu’à Paris, les cuisiniers savaient cuisiner l’oie de plus de trente manières différentes et les immeubles étaient hauts, en pierre, les sofas étaient moelleux, un gaspillage de lumières et de coussins.

Les années étaient les mêmes, mais le temps différent ; le nôtre était le passé écoulé, isolé au milieu de la mer, enfermé dans sa bouteille, incompréhensible, lointain comme la Polynésie. C’est pourquoi on nous regardait avec une maigre curiosité, souvent mêlée de répugnance. La même curiosité et la même répugnance avec lesquelles on regardait les Hurons (peaux rouges d’Amérique du Nord, qui ont combattu dans la guerre anglo-française pour la possession du Québec) aussi primitifs, aussi sauvages, aussi fiers, aussi destinés à disparaître de la face du monde.

Et pourtant, déjà à la fin du dix-huitième siècle, la Sardaigne était à un jour de mer de la Toscane, par vents favorables. Et on pouvait joindre Livourne, Malte, Alger, Gênes, Naples, Toulon, Palerme, Barcelone. La technique de la navigation permettait un trafic continu de marchandises, de troupes armées, d’esclaves achetés sur les côtes orientales de l’Afrique, de navires qui traversaient les océans et reliaient les continents. La Sardaigne, délaissée par les grands intérêts mercantiles, était un écueil au milieu de la mer, une île dépeuplée et éloignée des routes.

Et pourtant, les Sardes existaient depuis des millénaires et s’ils mangeaient du pain de glands, ils devaient posséder une technique de préparation de la nourriture et une culture qui en expliquât la technique, et ils étaient passés, dans le courant de quelques décennies, de la domination espagnole à l’autrichienne, à la savoyarde, achetés et revendus.

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